Second Life : Un succès virtuel ?

Jérôme Bouteiller
Publié le 07 décembre 2007 à 15h01
Après la Voix sur IP en 2004 (incarné par Skype, racheté par eBay), le blog en 2005 (incarné par MySpace, racheté par la Fox) puis la vidéo en 2006 (incarné par YouTube, racheté par Google), Second Life aura été sans aucun doute le phénomène de l'hiver 2006/2007, notamment en France où politiques et grandes marques ont multiplié les expérimentations. Mais au delà du buzz médiatique qui se concentre désormais sur l'iPhone ou Facebook, Second Life est-il réellement un succès ?

Du metavers à Second Life

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SecondLife.com
Créé en 2003 et popularisé en 2006, Second Life repose sur un concept baptisé “Metavers” défini dès 1992 par Neil Stephenson dans son roman Snow Crash (Le Samouraï Virtuel en VF). A la différence d'un simple jeu vidéo en 3D, le metavers c'est à dire 'méta-univers' est un monde créé artificiellement par un programme informatique et hébergeant une communauté d'utilisateurs présents sous forme d'avatars pouvant interagir entre eux ou avec des agents informatiques.

Malgré l'échec du Deuxième Monde, un premier monde virtuel lancé en France par Canal+ et Cryo dès 1997, le principe sera repris par de de nombreuses sociétés dont Linden Lab. Créée en 1999, la société lancera officiellement Second Life en 2003, avant de connaître la consécration médiatique à l'automne 2006, en atteignant son premier million de membres. Comme pour le Deuxième Monde, SecondLife permet à chaque utilisateur d'être représenté par un Avatar personnalisable, d'aménager son environnement mais surtout, et c'est sans doute sa principale nouveauté, d'acheter ou de vendre des objets et surtout des terrains.

Un promoteur immobilier numérique.

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Vente de terrains sur SL
De fait, la société propose une vaste palette de prestation “immobilières” : de 5 dollars par mois pour un modeste terrain virtuel de 512 m2 à 195 dollars par mois pour une région de 65 536 m2 et jusqu'à 275 dollars pour une île de même superficie, auxquels il faudra ajouter 1675 dollars de coût d'achat. «Notre modèle économique est de vendre de la terre, des terrains. Un peu à la manière d'une société réalisant de l'hébergement de sites web, notre prestation comprend un paiement à l'achat puis des frais d'entretien.» explique Robin HARPER, vice-president-marketing chez Linden Lab.

Selon les statistiques de Second Life, la surface totale vendue atteint désormais plus de 800 millions de mètres carrés. Plus de 11 435 personnes seraient désormais propriétaires d'une île et environ 21 millions de mètres carrés seraient à vendre, au tarif moyen d'environ 6.3076 Linden Dollars, la monnaie du monde virtuel également utilisée pour acheter ou vendre des biens et services. Toujours selon Second Life qui revendique désormais plus de 11,3 millions de résidents, ces derniers auraient acheté pour l'équivalent de 7 millions de dollars en Novembre, avec une dépense moyenne de 20 dollars par membre.

Un succès en trompe l'oeil

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Dépenses moyennes en $ sur SL
Même si la société ne communique pas sur ses résultats, Linden Lab se dit très satisfaite par sa croissance et son audience. Mais après l'incroyable buzz du début d'année, les chiffres de Second Life du dernier trimestre laissent clairement apparaître une inflexion dans cette croissance. Les achats de Linden dollars sont par exemple stables depuis cet été, avec un volume échangé s'étant même replié sous les 7 millions de dollars en septembre et en octobre. Au delà de ce chiffre global, les dépenses individuelles sont également divisées par deux. Estimées à 40 dollars en juin, juillet ou Août, elles sont retombées à 20 dollars ces deux derniers mois, renouant avec leur niveau du début d'année.

Sur les 11,3 millions de membres ayant créé un profil sur Second Life, seuls 780 000 se sont effectivement connectés au monde 3D ces 30 derniers jours. Selon l'institut de mesure d'audience comScore, le site SecondLife.com n'aurait attiré en octobre 2007 que 107 000 internautes français et environ 2,5 millions à l'échelle globale. Un chiffre largement inférieur aux 6,5 millions de visiteurs de Habbo Hotel, un autre monde virtuel et tout simplement insignifiant par rapport aux poids lourds du web comme Google, ou Microsoft, qui attirent désormais chaque mois plus de 500 millions d'internautes sur leurs différents services.

Le succès de Second Life est-il dès lors seulement médiatique ? «Nous avons effectivement bénéficié d'une très grosse couverture médiatique qui a généré un buzz très positif et de nombreux nouveaux utilisateurs. Mais même si les projecteurs sont désormais tournés vers d'autres concepts, Second Life poursuit sa forte croissance» affirme Robin Harper, qui entend imposer Second Life comme en espace de “création collaborative” plus que comme un média.

Une concurrence dans la 3D ?

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Île Juste pour rire
Surfant sur une popularité sans rapport avec son audience réelle, Second Life entend en effet capitaliser sur son image de leader pour faire de ses outils 3D de véritables standards technologiques. Une ambition que pourrait toutefois se heurter à celles de Sony qui travaille au lancement de Home, un autre monde virtuel destiné aux clients de la Playstation, de Google dont le logiciel SketchUp permet également de créer des objets 3D dans Google Earth, ou encore de Microsoft, qui s'est récemment associé à Dassault Système afin d'enrichir également son outil cartographique Virtual Earth.

«L'arrivée de nouveaux acteurs de poids, Google ou Microsoft, aux côtés de Sun (Wonderland) et (Innovate Quick), tout comme le développement des métavers -à l'instar de deux mondes chinois récents -pourrait renforcer la position de Linden Lab en montrant que les mondes virtuels ne sont pas une mode, mais une tendance lourde dans l'évolution des usages. SecondLife est sans doute le plus en avance actuellement.» nuance toutefois Natacha Quester-Semeon, dont la société i-Marginal a réalisé les sites 3D de l'humoriste Florence Foresti et de l'émission québécoise Juste pour Rire.

Près de dix ans après le faux départ du Deuxième Monde, Second Life semble enfin avoir atteint la taille critique et le bon modèle économique pour assurer la viabilité du Metavers rêvé par Neil Stephenson. Mais ce succès, largement tributaire des médias et de quelques “vendeurs de pioches”, reste toutefois fragile et surtout marginal face à d'autres applications 3D comme la cartographie ou le jeu, dont les utilisateurs se chiffrent d'ores et déjà en dizaines de millions d'utilisateurs chaque mois.
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