La publicité redécouvre le ciblage socio-demographique

Jérôme Bouteiller
Publié le 08 février 2008 à 16h27
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Il y a près de huit ans, la société DoubleClick Inc, spécialisée dans les serveurs de bannières publicitaires, avait suscité un tollé parmi les internautes pour avoir envisagé d'exploiter les données socio-démographiques collectées sur ces derniers afin de mieux cibler les messages de ses clients annonceurs. Devant les levées de boucliers des défenseurs des libertés individuelles, la société avait toutefois renoncé à ses projets.

Du ciblage contextuel au ciblage comportemental.

Sans doute échaudé par cet épisode, les grands groupes de publicité comme Google ou Yahoo ont depuis misé sur une autre forme de ciblage : le contexte éditorial. Désormais intégrée au groupe Yahoo, la société Overture a par exemple inventé le système des liens sponsorisés s'affichant dans les pages de réponse des moteurs de recherche. Un système de publicité contextuelle perfectionné avec adWords puis étendu aux contenus des pages web par Google avec les bannières AdSense.

Même si cette publicité “contextuelle” est un formidable succès, en générant à elle seule plus de 15 milliards de dollars de chiffre d'affaires pour le seul Google, de nouveaux acteurs entendent à nouveau exploiter les données socio démographiques des internautes, afin d'améliorer le ciblage des annonces et offrir de meilleurs “taux de clic” et plus globalement un meilleur retour sur investissement aux annonceurs.

Qu'elles soient socio-demographqiues ou comportementales, ces techniques de ciblage cherchent à afficher des publicités en affinité avec l'âge, le sexe, les centres d'intérêts voire le comportement d'un internaute. Grâce à leurs bases de plusieurs millions de profils, des réseaux sociaux comme MySpace ou Facebook proposent par exemple aux annonceurs de ne cibler que les populations correspondant à leurs attentes. Baptisée HyperTargeting chez MySpace ou Social Ads chez Facebook, ces programmes n'affichent ainsi plus les publicités en fonction du contenu d'une page web mais en fonction du profil de son lecteur. Selon Myspace, les performances de ses campagnes seraient ainsi tout simplement triplées.

Différentes formes de ciblage

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Limitées aux seuls utilisateurs de ces réseaux sociaux, ces solutions restent toutefois tributaires des données fournies par ces derniers. “Pensez-vous que les femmes déclarent leur véritable âge? Des hommes ne s'amuseraient-ils pas à se faire passer pour des femmes dans ces réseaux sociaux ? Un étudiant qui aurait déclaré gagner plus de 100 000 euros par an pour rigoler et épater les copines, recevra-t-il des publicités pour des vols en 1ère classe et des hôtels 5 étoiles alors que pour ses congés il prend un billet jeune SNCF et fait du camping. Le vrai ciblage comportemental doit mixer les méthodologies de profiling des internautes. Les données déclaratives doivent être vérifiées par des données de surf, de search, de clics sur les bannières publicitaires, des statistiques, des outils de panel et d'analyse d'audience, questionnaires envoyés aux internautes, .... Le vrai ciblage comportemental se fait avec des algorithmes complexes et non avec une solution simpliste à base de données déclaratives.” nuance Alain Sanjaume, Directeur de WunderLoop France.

D'origine allemande, WunderLoop est aujourd'hui l'une des sociétés les plus innovantes en matière de ciblage comportemental. Concurrente de Bluelithium, rachetée par Yahoo, ou encore de Tacoda, rachetée par AOL, cette société multiplie depuis quelques mois les partenariats, notamment avec Smart AdServer, leader français de la gestion de bannières publicitaires devant un certain DoubleClick... Comme ses concurrents, WunderLoop s'appuie notamment sur des cookies, ces petits fichiers informatiques stockés dans le navigateur web sur le disque dur d'un internaute et permettant de collecter certaines données comportementales tout en faisant théoriquement l'impasse sur celles permettant l'identification (nom, adresse, email, adresse IP...) de l'internaute.

Dans l'ombre de ces géants internationaux, la France compte également quelques spécialistes du ciblage comportemental. Longtemps connu pour ses classements de webmasters, la société dispose par exemple d'une technologie particulièrement performante en la matière. «Grâce à notre réseau de 60.000 webmasters, nous avons constitué un megapanel de 300 000 profils d'internautes que nous avons ensuite extrapolé, grâce à des modèles statistiques et mathématiques, à l'ensemble des 22 millions de profils de notre base Woudstats. Cela nous permet de mieux cibler les internautes en affichant par exemple des bannières pour des produits différents, selon que l'internaute est un “homme CSP+“ ou une “ménagère de moins de 50 ans“. » nous expliquait au printemps dernier Alain Levy, PDG de Weborama, une société qui vient par ailleurs de racheter C-Marketing, spécialiste du ciblage comportemental.

Face à ces sociétés combinant données personnelles et analyses statistiques, d'autres jeunes pousses hexagonales explorent toutefois d'autres pistes pour mieux cibler les internautes. «Nous ne nous basons pas sur des sociotypes qui peuvent poser des problèmes de respect de la vie privée. Notre technologie est basée sur l'analyse du parcours de milliers d'internautes et permet des gains sur les taux de transformation de près de 40%» explique par exemple Jean-Baptise Rudelle, PDG de Criteo, dont la société s'appuie sur ses widgets diffusés sur des milliers de blogs pour affiner ses analyses.

Microsoft et Google en embuscade

Outre Yahoo et AOL, ces technologies capables d'augmenter de manière significative les taux de clic des internautes ne laissent toutefois pas indifférents de grands noms de l'internet. Microsoft par exemple vient tout juste de dévoiler les dernières innovations de son AdLab. La firme de Redmond annonce ainsi le lancement imminent du ciblage socio demographique en attendant le ciblage comportemental, basé sur les centaines de millions de Windows Live Profils utilisés dans Hotmail, Messenger ou Spaces...

«Nous pensons que les avancées technologiques et l'intelligence que nous créons aux laboratoires du AdCenter peuvent changer les règles du jeu dans la publicité en ligne. Les solutions doivent être capables de gérer et de comprendre la complexité de grandes quantités de données. Pour faire face à ces défis, nous développons des algorithmes publicitaires qui peuvent anticiper et comprendre le comportement du consommateur» explique Tarek Najm, responsible technique chez Microsoft.

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Même intérêt de la part de Google, dont le blog consacré à AdWords vient d'annoncer l'ouverture d'un pilote permettant un meilleur ciblage démographique. «Vous (ndlr : les annonceurs) pourrez modifier vos enchères pour toucher une audience spécifique comme les hommes de 25 à 34 ans ou au contraire en excluant les groupes socio demographiques qui ne vous permettent pas d'atteindre vos objectifs de retour sur investissement» explique Google, qui limitera dans un premier temps ce programme aux marchés américains et britanniques en attendant d'élargir son programme à l'ensemble de ses clients et à ceux de sa nouvelle filiale Doubleclick, qui marque ainsi son retour sur ce terrain controversé.

WunderLoop, MySpace, Facebook, Google, Microsoft... après des années de relative discrétion, le ciblage comportemental semble donc redevenir un sujet essentiel dans l'univers du marketing interactif. Reste à savoir si les mises en garde d'une association française comme la CNIL, soucieuse de l'utilisation des données personnelles, pèseront lourd face à la perspective de tripler ou de quadrupler les taux de clic.
Jérôme Bouteiller
Par Jérôme Bouteiller

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