Jackson Ridge. Derrière ce nom de code se cache le nouveau SSD d'Intel, le 730 Series. Et pour l'occasion, le constructeur a ressorti de son chapeau un contrôleur qu'il ne doit pas à un tiers, comme c'était le cas les précédentes années.
En effet, les derniers SSD Intel à destination du grand public et équipés d'un contrôleur maison étaient le X25-M et son successeur au format m-SATA, le 310 Series. Intel a ensuite fait appel à Marvell pour son 510 Series, puis à SandForce pour ses modèles suivants, les 520 et 530 Series ainsi que le 330 Series. Finalement, Intel n'a plus utilisé de contrôleur de sa conception depuis début 2011.
C'est donc un petit évènement que la sortie de ce 730 Series. Est-ce pour marquer le coup qu'Intel a estampillé son nouveau SSD de la tête de mort chère à la marque ? Plus sérieusement, qu'apporte cette nouvelle génération de SSD ? La réponse dans ce test.
Le retour du contrôleur maison, issu des produits pour l'entreprise
Le contrôleur Intel de ce 730 Series n'est pas vraiment une génération spontanée. Le PC29AS21CA0 est en réalité issu des SSD Intel à destination de l'entreprise, les DC S3700 et S3500. Sortie en 2012, cette puce constitue le premier vrai nouveau contrôleur d'Intel depuis 2008.Fonctionnant sur 8 canaux, elle gère évidemment l'interface SATA 6 Gbps, les fonctions TRIM et NCQ. Comme les contrôleurs Marvell, elle utilise de la mémoire cache pour fonctionner : Intel a ainsi prévu 2x 512 Mo de DDR3-1600 sur son 730 Series.
Alors que ce nouveau SSD est une déclinaison de modèles « pro », on pourra s'étonner de l'absence de chiffrement matériel de type AES, pourtant présent sur tous les SSD haut de gamme du marché et destinés au grand public. Intel préfère en effet laisser ce travail au contrôleur RAID. Et là, vous devez vous dire : « Mais que vient faire le RAID dans cette histoire ? ». C'est en fait qu'Intel axe une bonne partie de sa communication sur le RAID pour son 730 Series. D'une part, parce que ce dernier est, d'après les dires du constructeur, optimisé pour fonctionner en RAID 0 (sans donner plus d'informations sur le sujet), et d'autre part, parce qu'il s'adresse à un public enthousiaste, potentiellement client d'une telle solution.
Enfin, notez que le 730 Series est équipé de deux imposants condensateurs prévus pour délivrer l'énergie nécessaire à la finalisation des opérations en cours en cas de perte subite d'alimentation.
Des puces overclockées pour de meilleures performances ?
Le 730 Series est-il un DC S3000 qui aurait perdu son chiffrement à la volée et gagné une tête de mort ? Pas tout à fait. Souhaitant s'adresser aux enthousiastes, Intel a choisi d'augmenter les fréquences du contrôleur (pour passer de 400 à 600 MHz) et des puces mémoire (qui fonctionnent à 100 MHz, contre 83 MHz sur les SSD de la série DC S3000).Du coup, les performances sont légèrement rehaussées : en lecture, le 730 Series atteint 550 Mo/s contre 500 Mo/s pour les DC S3000, alors qu'en écriture, les versions 240 et 480 Go affichent respectivement 270 et 470 Mo/s en écriture, contre 260 et 410 Mo/s pour les DC S3000. De même, les lectures aléatoires 4K sont en hausse, passant de 75 000 IOPS sur les S3000 à 86 000 et 89 000 IOPS pour le 730 Series, respectivement sur les versions 240 et 480 Go.
Performances face à la concurrence | |||||
Intel 730 | Intel 530 | OCZ Vector 150 | Samsung 840 Pro | Sandisk Extreme II | |
Lecture séquentielle (Mo/s) | 550 | 540 | 550 | 540 | 550 |
Écriture séquentielle (Mo/s) | 470 | 490 | 530 | 520 | 510 |
Lecture aléatoire 4 Ko (IOPS) | 89 | 41 | 100 | 100 | 85 |
Écriture aléatoire 4 Ko (IOPS) | 74 | 80 | 95 | 90 | 78 |
Ce gain est-il suffisant pour batailler avec les meilleurs SSD du marché ? Assurément pas pour le modèle 240 Go, dont le débit en écriture est trop faible. Et même le modèle 480 Go reste, sur le papier, légèrement en retrait face aux autres modèles haut de gamme.
Cette augmentation des fréquences n'offre pas un avantage décisif au 730 Series, et entraine même un petit inconvénient, puisque le nouveau SSD d'Intel consomme plus que ses pendants « pro » : quand le DC S3500 consomme jusqu'à 5W en charge et 650 mW au repos, le 730 Series grimpe jusqu'à 5,5W en charge, mais surtout jusqu'à 1,5W au repos. Le dernier SSD d'Intel n'est donc pas vraiment le modèle à installer dans les ultrabooks, pour lesquels les considérations énergétiques sont primordiales.
Un over-provisioning généreux
Le 730 Series version 480 Go que nous a fait parvenir Intel est composé de 14 NAND de type MLC (29F32B08MCMF2) gravées en 20 nm par les usines IMFT, évidemment. Chacune d'entre elles a une capacité de 32 Go, pour un total de 448 Go, conforme à ce que l'on observe sous Windows. Cependant, Intel a ajouté sur son PCB deux autres puces mémoire.La première, dotée d'une capacité de 16 Go (29F16B08LCMF2), a sans doute pour rôle de sécuriser les données via un système de redondance basé sur la parité, en cas de défaillance partielle d'une puce. La seconde, qui dispose de 64 Go (29F64B08NCMF2), a probablement pour mission de prolonger la durée de vie du SSD en remplaçant les parties de mémoire défaillantes (over-provisioning). Dans ce domaine, Intel est particulièrement généreux avec son 730 Series, puisque ces 64 Go représentent 12,5% quand certains constructeurs ne prévoient que deux fois moins.
Réserver une telle quantité de mémoire se fait nécessairement au détriment de l'espace de stockage laissé à disposition de l'utilisateur. En revanche, cela permet à Intel d'annoncer une endurance inédite pour son modèle 480 Go (70 Go d'écriture par jour), la version 240 Go affichant un chiffre comparable au Vector 150, le fer de lance d'OCZ (50 Go par jour). Une endurance assumée a minima durant les 5 ans de garantie dont profite ce 730 Series.
Les performances
IOmeter est un outil qu'il faut manipuler avec précaution lorsqu'il s'agit de tests de SSD. Ici, nous avons travaillé sur des secteurs et des fichiers de 4 Ko, avec des accès aléatoires à 100% (ce sont ceux qui sollicitent le plus le contrôleur), et selon 2 scénarios différents :- une activité comprenant 25% de lecture, 75% d'écriture ;
- un protocole qui comprend 75% de lecture et seulement 25% d'écriture.
Notre premier scénario, qui privilégie l'écriture, réussit plutôt bien à notre 730 Series. Il égale quasiment le 840 Pro de Samsung, l'une des références actuelles. Lorsque ce sont ses capacités en lecture qui sont davantage sollicitées, le nouveau SSD d'Intel reste bien placé, mais est devancé par le récent M550 de Crucial.
Ce que nous apprend ATTO, c'est que le 730 Series ne se débrouille pas très bien sur les très petits fichiers dont la taille est inférieure à 4 Ko, et c'est un pléonasme. Son comportement se rapproche par la suite de ceux de ses concurrents, et s'il n'égale pas le 840 Pro en écriture, il se place entre ce dernier et le Vector 150 en lecture.
CrystalDiskMark combine pour sa part une partie de tests séquentiels (sur un fichier de 1 Go) et une partie de tests aléatoires, avec différents scénarios (lecture et écriture d'un fichier de 512, puis 4 Ko, et de plusieurs fichiers de 4 Ko simultanément). En lecture séquentielle, le 730 Series se montre le moins véloce de nos SSD. En revanche, sur les tests aléatoires, il devance ses concurrents. En écriture, il est battu par le 840 Pro sur le test séquentiel, et par le Vector 150 sur les petits fichiers.
Nous avons également effectué quelques tests pratiques, comme la décompression d'un fichier WinRAR de 1,85 Go contenant des fichiers de tailles diverses comprises entre quelques Ko et plusieurs Mo. Même si les différences entre nos 5 SSD sont ténues, le 730 Series d'Intel se place en dernière position.
Des tests de transferts sont évidemment de la partie : 1 fichier de 3,9 Go pour voir comment se comportent nos SSD sur les données de taille importante, et 1 Go de petits fichiers compris entre 12 et 34 Ko pour observer leurs performances sur les données de petite taille. Ces tests sont effectués à l'aide d'un RAMDisk de 4 Go fonctionnant sur de la mémoire cadencée à 1 866 MHz.
Sur les petits fichiers, aucune différence notable à déceler entre nos concurrents. Les gros fichiers, en revanche, mettent en avant les relatives faiblesses du 730 Series, qui ne devancent que le Vertex 460 en lecture et le Crucial M550, de peu, en écriture.
Enfin, la copie proche, qui consiste à lire et écrire le même fichier, est une opération sollicitant beaucoup le contrôleur : il convient de voir comment nos concurrents s'en sortent.
Fatalement, avec les prestations proposées en lecture comme en écriture de gros fichiers, il n'est pas étonnant de retrouver le 730 Series en avant-dernière position, juste devant un 840 Pro, dont le contrôleur n'apprécie pas vraiment l'exercice.
Notre avis
Les performances de la version 480 Go sont quant à elles d'un bon niveau. Mais elles restent globalement inférieures aux deux ténors que sont les Samsung 840 Pro et Vector 150.
Intel dispose en revanche d'un véritable atout : une aura indéniable en termes de fiabilité. Et le constructeur cherche encore a renforcer ce point, grâce à une conception issue de ses SSD d'entreprise. Son SSD est ainsi garanti 5 ans. Mais c'est également le cas des deux concurrents cités plus haut.
A 205 euros le modèle 240 Go et 405 euros la version 480 Go, on reste autour des 85 centimes le Go. C'est cher, très cher, trop cher. Du coup, le modèle 480 Go, le seul véritablement intéressant en termes de performances, est bien trop onéreux.
Finalement, ceux qui misent sur l'endurance et la sécurité, et que l'image d'Intel rassure, trouveront un intérêt à ce 730 Series. Mais les enthousiastes que vise le constructeur, qui recherchent aussi les performances, se tourneront probablement vers la concurrence.