Les SSD se suivent et se ressemblent chez Crucial. Après avoir recentré ses MX en milieu de gamme pour laisser le champ libre au BX100 dans l'entrée de gamme, Crucial étoffe cette offre avec un BX200 qui inaugure l'arrivée de la TLC chez le fabricant.
Près de quatre mois après OCZ (et son Trion 100), plus d'un an après SanDisk (et son Ultra II), et presque deux ans après Samsung (et le 840 Series), Crucial se met donc enfin à la TLC.
Plutôt que d'investir dans ce type de puces, Crucial s'est attelé à affiner encore et toujours la gravure de ses NAND, pour parvenir à 16 nm dès l'été 2014 avec son MX100, alors que la concurrence stagne encore aujourd'hui à 19 nm (chez Toshiba et SanDisk).
Ce choix stratégique a permis à Crucial de rester dans la course au prix bas à laquelle participent Samsung et SanDisk, principalement. Avec la combinaison de la TLC et du 16 nm, Crucial a donc entre les mains de quoi proposer le SSD le moins cher du marché.
Un BX100 en TLC ? Pas tout à fait
Le BX200 est, sur de nombreux aspects, très proche de son prédécesseur. Évidemment, le format ne change pas, pas plus que le boîtier du SSD, qu'il est impossible à différencier de celui du BX100 sans regarder l'étiquette à l'arrière.Autre point commun entre les deux SSD : leur contrôleur, en l'occurrence le SM2256 de Silicon Motion. Pour la seconde fois, Crucial fait donc appel à cette société. On pourrait se poser la question de l'avenir de ce partenariat, puisque Micron a récemment mis la main sur un fabricant de contrôleurs, la société Tidal Systems. Une entreprise toute récente, mais dont l'expertise ne fait aucun doute, puisque ce sont des anciens de SandForce et Link_A_Media Devices qui en sont à l'origine.
Cependant, les travaux de Tidal Systems tournent autour des contrôleurs NVMe, qui équiperont sans doute les prochains SSD haut de gamme de Crucial, ceux qui viendront concurrencer les Intel 750 Series et autres Samsung 950 Pro. Mais pour l'entrée de gamme, voire le milieu de gamme, Crucial risque encore de devoir faire appel à des tiers, comme Silicon Motion.
Cette digression terminée, revenons à notre contrôleur. Pour rappel, cette puce présentée il y a plus de 2 ans, est dotée d'un seul cœur et fonctionne sur quatre canaux. Elle gère les commandes TRIM, NCQ et SMART. Elle utilise un cache de type DDR3 fonctionnant à 1 600 MHz (512 Mo sur notre modèle de test). Elle est physiquement reliée à la coque du SSD par un pad thermique qui permet un meilleur dégagement de la chaleur.
Bien que ce contrôleur prenne théoriquement en charge le chiffrement AES-256 et le TCG Opal, ces fonctionnalités ne sont pas disponibles sur le BX200 de Crucial, pas plus qu'elles ne l'étaient sur le BX100. La faute, probablement, à un firmware qui aurait été plus onéreux et que Crucial a préféré ignorer afin de réduire les coûts de production.
Le constructeur a toutefois pris soin de personnaliser, à l'aide de Silicon Motion, le microcode de son SSD avec plusieurs résultats intéressants. D'une part, un léger gain en matière de consommation, qui passe de 115 à 65 mW au repos d'après Crucial, et de 15 à 10 mW en mode DevSLP (ce qui reste tout de même bien plus que les 2 mW du MX200).
Un changement de capacité qui cache pas mal de choses
D'autre part, le BX200 affiche une endurance équivalente à celle du BX100 : les deux SSD sont censés supporter 72 To d'écriture. Pourtant, le passage de puces MLC aux NAND TLC devrait, en théorie, diminuer ce chiffre. Nous avons interrogé Crucial sur ce sujet : le constructeur nous a répondu que les optimisations réalisées au sein du firmware permettaient d'assurer cette longévité.Sans vouloir mettre en doute le travail de la marque, cette stagnation de l'endurance trouve davantage sa source dans l'ajustement opéré au niveau de la capacité du SSD. Les BX100 étaient commercialisés en versions 120, 250 et 500 Go. Les BX200 sont disponibles en versions 240, 480 et 960 Go.
Notez au passage la disparition du modèle 120 Go, sans doute sacrifié sur l'autel de la rentabilité et surtout de l'image : avec ses performances faméliques en écriture, le BX100 nuisait sans doute à la gamme. Crucial avait, pour rappel, opéré la même politique sur sa gamme MX avec l'arrivée du MX200.
Mais l'observation la plus importante concerne bel et bien les capacités : on perd 10 à 20 Go selon les modèles. Pourquoi ? Pour augmenter la quantité de cellules réservées à l'over-provisioning, cette technique qui permet d'enrayer autant que possible l'usure prématurée du SSD.
Une régression du point de vue de l'utilisateur, qui pourra toutefois jouer sur cette provision grâce à la nouvelle version de l'Executive Storage de Crucial, qui passe en version 3.24.
Notez qu'une partie de la mémoire retirée à l'utilisateur final peut aussi, c'est une autre hypothèse, être dédiée au « SLC Write Acceleration ». Une technologie sur laquelle Crucial ne s'attarde pas outre mesure, mais dont on suppose qu'elle fonctionne comme l'accélération dynamique d'écriture inaugurée par le MX200. Un dispositif lui-même tout à fait similaire au Turbo Write de Samsung ou au nCache de SanDisk, entre autres.
Cet artifice lié à la façon dont sont gérées les puces mémoire permet à Crucial d'annoncer des débits qui n'ont rien à envier aux meilleurs modèles (hors SSD NVMe comme les 750 Series d'Intel et 950 Pro de Samsung).
Le BX200 peut ainsi, et quelle que soit sa capacité, atteindre 540 Mo/s en lecture et 490 Mo/s en écriture. En revanche, le nombre maximal d'opérations d'entrées / sorties par seconde est en chute libre en lecture : de 90 000 IOPS, on passe à 66 000. Petit gain toutefois en écriture, puisque le BX200 parvient à gérer 78 000 opérations par seconde, contre 70 000 pour le BX100.
Voilà pour les chiffres de Crucial. Et voici les nôtres. Nous avons opéré sur le BX200 nos traditionnelles mesures, afin de voir comment il se comporte face à une concurrence composée, naturellement, du BX100 et du MX200, mais aussi du 850 Evo de Samsung, des Arc 100 et Trion 100 d'OCZ, et du SanDik Ultra II.
IOmeter, pour commencer, est un outil qu'il faut manipuler avec précaution lorsqu'il s'agit de tests de SSD. Ici, nous avons travaillé sur des secteurs et des fichiers de 4 Ko, avec des accès aléatoires à 100% (ce sont ceux qui sollicitent le plus le contrôleur), et selon deux scénarios différents :
- une activité comprenant 25% de lecture, 75% d'écriture ;
- un protocole qui comprend 75% de lecture et seulement 25% d'écriture.
Sur ces tests menés sur une profondeur de queue égale à 1, on se rend assez vite compte que Crucial a réalisé une optimisation sans doute très efficace, qui permet à son BX200 d'afficher des performances largement au-dessus de la moyenne lorsque le SSD est fortement sollicité en lecture (scénario 2).
ATTO se charge quant à lui de tester le SSD sur des lectures et écritures séquentielles. Si les performances en écriture sont légèrement inférieures à certains de ses concurrents (le Trion 100 d'OCZ notamment), celles du BX200 de Crucial restent tout à fait conformes à celles que nous attendions.
CrystalDiskMark combine pour sa part une partie de tests séquentiels (sur un fichier de 1 Go) et une partie de tests aléatoires, avec différents scénarios (lecture et écriture d'un fichier de 512, puis 4 Ko, et de plusieurs fichiers de 4 Ko simultanément). Pas de problèmes particuliers à noter ici non plus : face à la concurrence, le BX200 s'en sort plutôt bien malgré un débit un peu plus faible sur la lecture aléatoire de fichiers de 512 Ko. Notez qu'on ne retrouve pas ici les excellents scores obtenus sous IOMeter en lecture aléatoire.
Nous avons également effectué quelques tests pratiques, comme la décompression d'un fichier WinRAR de 1,85 Go contenant des fichiers de tailles diverses comprises entre quelques Ko et plusieurs Mo.
Un tel test met en lumière le rôle assez faible du SSD par rapport à celui de la quantité de mémoire, de sa vitesse, ou encore de celle du processeur. Tous nos modèles sont donc assez proches, et le BX200 prend bien place parmi le peloton formé par tous les SSD.
Des tests de transfert sont évidemment de la partie : un fichier de 3,9 Go pour voir comment se comportent nos SSD sur les données de taille importante, et 1 Go de petits fichiers compris entre 12 et 34 Ko pour observer leurs performances sur les données de petite taille. Ces tests sont effectués à l'aide d'un RAMDisk de 4 Go fonctionnant sur de la mémoire cadencée à 1 866 MHz.
Comme le montrait avant ATTO, les débits séquentiels du BX200 sont tout à fait conformes à ce que nous attendions et ne dénotent pas parmi ceux des SSD auxquels il est comparé, que ce soit en lecture ou en écriture.
Enfin, la copie proche, qui consiste à lire et écrire le même fichier, est une opération sollicitant beaucoup le contrôleur : il convient de voir comment nos concurrents s'en sortent. A ce jeu-là, le BX200 se révèle très efficace, affichant un score proche de celui du 850 Evo de Samsung, en tête de ce classement.
Le problème, c'est que le constructeur pourrait et devrait, à notre sens, faire un peu mieux pour démocratiser ce composant. Pour déclencher une adoption franche et massive, des partenariats avec des sociétés telles que Microsoft ou Intel, dont la force de frappe marketing est importante, seraient sans doute nécessaires. Et pourrait déboucher sur des campagnes publicitaires.
Au niveau du produit en lui-même, la licence Acronis True Image est un minimum. Mais il faut se rendre sur le site de Crucial pour avoir une procédure détaillée de la migration, et un adaptateur SATA / USB n'aurait sans doute pas été de trop. Bref, il y a encore du travail, beaucoup de travail pour faire en sorte que Monsieur Tout-le-Monde s'équipe en SSD. Ces remarques ne valent évidemment pas que pour Crucial, mais étant donnée l'ambition du constructeur en la matière, elles sont d'autant plus justifiées.
Cependant, Crucial est, avec SanDisk, la marque la plus agressive en matière de décotes tarifaires. Il ne serait donc pas étonnant de voir le BX200 passer sous la barre des 80 euros pour la version 240, soit sous le rapport symbolique de 0,3 euro par gigaoctet. A surveiller.
Quoi qu'il en soit, nos regards se tournent désormais vers les prochains modèles de la marque qui seront, nous l'espérons, placés sous le signe de la performance, avec sans doute des SSD NVMe en PCI-E.