MALE 2020 : Focus sur le projet de drone européen construit par Airbus

Aymeric Geoffre-Rouland
Publié le 19 juin 2019 à 19h22
MALE RPAS
MALE RPAS - Crédits : Ulrike Franke

MALE 2020 (pour Medium Altitude, Long Endurance) ou MALE RPAS pour Medium Altitude Long Endurance Remotely Piloted Aircraft System, est un projet de drone européen piloté par Airbus.

Le drone est prévu pour voler à moyenne altitude et devrait faire preuve d'une grande autonomie. Il sera fourni aux armées françaises, allemandes et italiennes. Sa mise en service est attendue pour 2025.

Eurodrone : un long historique de projets annulés

Le projet MALE 2020 fait suite à un long historique de projets annulés. Tout a débuté en 2008, époque à laquelle EADS (European Aeronautic Defence and Space company) livrait à la France des drones Harfang. Ces drones, surnommés « Système intérimaire de drone MALE », ont failli être remplacés par le Talarion, un projet présenté un an plus tard puis abandonné en 2012 faute de financement par les États concernés.

Une autre annulation avait été faite en parallèle des projets Harfang et Talarion : Telemos, un projet mené conjointement par Dassault Aviation et BAE Systems (entreprise anglaise travaillant dans les secteurs de la défense et de l'aérospatial). D'autres noms ont fait leur apparition dès 2011, comme le Voltigeur, abandonné, lui aussi, en 2012.

Après ces déboires, la France, le Royaume-Uni et l'Italie ce sont tournés vers une solution américaine : l'achat de General Atomics MQ-9 Reaper, un drone de combat construit par General Atomics pour l'United States Air Force. Le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian avait indiqué, durant l'été 2013, que la France souhaitait acquérir 12 exemplaires du drone américain et ce pour un total de 670 millions d'euros.

Quelques semaines plus tard, les États-Unis indiquaient qu'à long terme, la vente pourrait porter jusqu'à 16 drones et huit stations au sol, pour un coût total de 1,14 milliard d'euros. Les deux premiers drones achetés par la France (non armés) avaient été dépêchés au Mali dès janvier 2014 : c'est notamment un de ces drones qui avait permis de retrouver l'épave de l'avion du vol 5017 d'Air Algérie. Florence Parly (la Ministre des Armées) avait par ailleurs annoncé, en septembre 2017, que les MQ-9 Reaper de l'armée de l'Air emporteraient des missiles d'ici 2020.

En charge de missions de renseignement longue distance

Suite à cet historique compliqué et faute de véritable projet européen, Airbus Defence and Space, Dassault Aviation et Leonardo (ex-Finmeccanica) décident en mai 2015 de conduire une étude, d'une durée de deux ans. Le but : concevoir et préparer un drone MALE européen, pour une livraison en 2025. Ce dernier devait être en charge de missions de renseignement longue distance, de surveillance et de reconnaissance, avec différentes capacités de charge utile. Les pays partenaires avaient alors conclu un accord concernant la configuration du drone, optant finalement pour un système biturbopropulseur, plus cher que prévu.

Éric Trappier, le PDG de Dassault Aviation, affirmait en 2018 que « des programmes innovants comme celui-ci, menés dans le cadre de partenariats bien conçus, renforceraient la compétitivité de l'Europe et offriraient de nouvelles alternatives à l'acquisition de produits non-européens ».

Le ministère des Armées s'était exprimé sur le sujet en 2018 : « Il s'agit de disposer d'une capacité de drone de renseignement, souveraine à l'échelle européenne, essentielle pour notre capacité de décision et notre supériorité en opération, en équipant les systèmes des missions européennes sans aucune contrainte de pays tiers ».

Un point sur les caractéristiques

Selon la première maquette, livrée en 2018, le MALE RPAS mesure 16 mètres de long pour 26 mètres d'envergure (la longueur, et deux fois la largeur d'un terrain de tennis environ). Il peut peser jusqu'à 11 tonnes de masse maximale au décollage. À titre de comparaison, le Reaper mesure 20 mètres d'envergure pour une longueur de 11 mètres. Le MALE RPAS devrait normalement voler à 500 km/h, et à plus de 13.000 mètres d'altitude.

Stratégie de défense oblige, l'autonomie du drone reste à l'heure actuelle confidentielle. Il devrait être, cependant, équipé d'une boule optique destinée à des missions militaires d'observation, de cartographie et de surveillance de terrain. Le MALE RPAS, tout comme le Reaper, pourra aussi très bien embarquer de l'armement, même si ce n'est absolument pas confirmé aujourd'hui.

Des caractéristiques trop onéreuses et la nécessité d'engager de nouvelles discussions

Après deux années d'étude, la revue de spécification du système ainsi qu'une maquette à l'échelle 1, étaient présentées, en 2018, au salon aéronautique international de Berlin. À cette époque, le site officiel d'Airbus indiquait que le MALE RPAS était un « système de propulsion à double turbopropulseur qui fournirait de l'énergie au système de mission, ainsi qu'une redondance appropriée pour limiter les restrictions lorsqu'il opérerait sur des espaces aériens européens densément peuplés et des espaces aériens non restreints ».

Les partenaires avaient indiqué, à l'époque, que le contrat de réalisation était prévu en 2019. Le PDG de la branche défense d'Airbus, Dirk Hoke, avait par ailleurs déclaré que « cette maquette grandeur nature était une première ébauche de ce que l'Europe était capable de réaliser dans un domaine de haute technologie lorsque s'unissaient ses moyens industriels et son savoir-faire ».

MALE RPAS au salon aéronautique ILA de Berlin
MALE RPAS au salon aéronautique ILA de Berlin. Crédits photo : Messe-Berlin Gmbh

Le programme « Eurodrone » a finalement rencontré de nouvelles turbulences en mai de cette année.

La proposition financière remise fin mai à l'OCCAR (Organisation conjointe de coopération en matière d'armement) par les industriels n'a pas convaincu le ministère des Armées. La facture s'élèverait désormais à plus de deux milliards d'euros, les caractéristiques du drone étant trop chères à produire. Airbus, Dassault et Aermacchi doivent ainsi revoir leur copie, dont la maîtrise d'oeuvre a été confiée à Airbus.

100 millions d'euros ont été attribués au projet MALE 2020, pour l'année 2019-2020, sur 520 millions disponibles au sein du Fonds européen de la défense. Ce fonds est proposé à l'origine par la Commission européenne et doit apporter un soutien financier aux projets communs en matière de défense, développés au sein de l'Union européenne. En l'occurrence, ce sont l'Allemagne, la France, l'Espagne et l'Italie qui sont en charge du projet.

Le MALE 2020 devrait donc, d'ici 2025, venir remplacer les General Atomics MQ-9 Reaper. Nous verrons, avec le temps, si ce projet commun arrivera à son aboutissement ou non.

Aymeric Geoffre-Rouland
Par Aymeric Geoffre-Rouland

Rédacteur web et testeur, rentré récemment d'une expatriation au Japon. Spécialisé en actualités du numérique : PC, Mac, hardware, jeux vidéo, ainsi qu'en sciences.

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Commentaires (6)
coucoach
  • la maîtrise d’œuvre est dirigée par Airbus en Allemagne
  • le choix d’une double motorisation conduit à un gros surcoût : plus cher à l’achat et à la maintenance (la motorisation compte pour environ 1/3 du budget, donc forcément, avoir un seul moteur ou deux, ça impacte beaucoup), plus lourd, donc également plus de consommation et moins d’autonomie (donc éventuellement le besoin d’avoir plus de drones pour couvrir une zone 24/24).
    C’est certainement une grande raison du rejet, à juste titre, par l’armée française (la DGA j’imagine, pour être plus précis).
  • la décision de la motorisation double est stupide et ne se justifie pas (autrement que par le manque de compétences des leaders du projet, cf. plus haut). En effet, vu qu’il n’y a personne dans le drone, par définition, il suffit juste de démontrer qu’en cas de panne moteur, on est capable de contrôler le drone pour le cracher dans une zone inhabitée. Evidemment, ça demande de préparer des lieux de crashs possibles tout au long de la mission, mais ça ne justifie pas une double motorisation. (les pilotes privés volent sur des avions mono-moteurs / hélicos mono-turbine, et ils ont le droit)
Nmut

Certes, le cout de la bi-motorisation est énorme, cependant sur des ranges tels que ceux envisagés, il faut s’insérer dans le trafic civil et les contraintes actuelles des drones (sécuritaires et légales) font que l’on ne peut pas faire autrement.
Peut être que comme d’habitude, les types de missions envisagés sont trop nombreux pour pouvoir faire un outils efficace et pas cher…

zou59

Est ce que il vont lui trouver une femelle drone

philouze

non, clairement non, c’est une déformation allemande qui date du scandale des avions mono qui ont tué des tonnes de pilote. c’était spécifique à UN type d’avion, ils en ont fait une loi.

Sur un avion sans pilote, et compte tenu de fiabilité des monoturboprop, c’est réellement, totalement stupide.

jedp

Exact, le F-104 Starfighter, surnommé “cerceuil volant” en Allemagne. pour l’anecdote, seule l’Allemagne a été confrontée à ces nombreux accidents, mortels pour beaucoup, car l’Allemagne avait décidé de modifier certaines caractéristiques de l’appareil.
Les Etats-Unis et le Canada, pour ne citer qu’eux, ont utilisé pendant de nombreuses années l’appareil sans ces modifications, et n’ont pas eu tous les problèmes rencontrés par l’Allemagne.

Nmut

C’est pour ça que je parle de contraintes légales et sécuritaires.

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