Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, les chercheurs explorent toutes les pistes. Outre les questions populaires des voitures électriques ou hybrides, et celles de la maison autonome, d'autres polluants de notre vie quotidienne sont également sur la table d'étude. Cette fois, il est question d'air conditionné.
D'après l'agence américaine pour la protection de l'environnement, les systèmes de réfrigération et d'air conditionné représentent 12% des émissions de gaz à effet de serre autres que le CO2. Des scientifiques californiens espèrent créer un système d'air conditionné en utilisant les principes de l'échange thermique et du rayonnement, ce qui réduirait drastiquement cette pollution.
Idée nouvelle, principe ancien
Pour y parvenir, l'équipe californienne de SkyCool Systems souhaite utiliser le principe du refroidissement par rayonnement. Ce concept était déjà utilisé dans certains pays, notamment en Inde et en Iran il y a plusieurs centaines d'années. On parle aussi de refroidissement radiatif ou passif.Pour comprendre de quoi il s'agit, il faut savoir qu'un corps, lorsqu'il chauffe, rayonne, émettant de la lumière, visible ou non (comme on peut l'observer, par exemple, lorsque l'on chauffe une pièce métallique, qui devient rouge). À faible température, cette lumière est située dans le secteur des infrarouges, elle est donc invisible à l'œil nu. En outre, selon les lois physiques de l'échange thermique, le rayonnement d'un objet chaud émettra toujours en direction d'une surface plus froide, l'échange dépendant de la différence de température entre les deux. Ainsi, lorsqu'un objet chaud est placé face au ciel nocturne, objet thermodynamiquement froid, il émet un rayonnement vers ce dernier, ce déchargeant ainsi de sa chaleur - en d'autres termes, il se refroidit.
Pour refroidir les objets il faut donc concevoir des appareils dont les matériaux favorisent le rayonnement. Il y a plusieurs siècles, en Iran et en Inde, étaient fabriqués de grands bassins en céramique, recouverts de paille. La nuit venue, le rayonnement renvoyait la chaleur vers le ciel, faisant descendre la température de l'eau en dessous de celle de l'air, allant même jusqu'à créer de la glace, dans des régions désertiques. Les habitants n'avait alors plus qu'à faire circuler cette eau froide pour favoriser le refroidissement des bâtiments.
C'est sur ce principe ancien que les chercheurs souhaitent s'appuyer aujourd'hui.
Refroidir le quotidien
De nos jours, les systèmes de refroidissement sont nombreux. On pense d'emblée à l'air conditionné et aux réfrigérateurs de notre quotidien. Mais à l'heure du numérique, l'énergie consommée pour le refroidissement de grands data centers, notamment, devient un réel enjeu.Les trois co-fondateurs de SkyCool Systems ont donc imaginé un matériau susceptible d'optimiser le processus de refroidissement radiatif. L'un d'eux, Aaswath Raman, explique : « La plupart des matériaux absorbent suffisamment de lumière solaire pour contrer ensuite l'effet du refroidissement. C'était ça, le grand défi. Vous ne pouviez pas rafraîchir en journée, au moment où vous en aviez le plus besoin ».
Leur invention ressemble à un panneau solaire, un panneau métallique recouvert d'un film inventé par SkyCool. Celui-ci réfléchit tant la lumière du soleil que la température sous sa surface est de 5 à 10°C inférieure à celle de l'air ambiant. Cet air, plus frais même de jour, est relié à des liquides, qui sont ensuite expédiés dans des tuyaux, où ils serviront à refroidir un habitat, un ordinateur ou un réfrigérateur.
Ce système d'air conditionné consommerait de fait beaucoup moins d'énergie que les modèles actuels. Mais pour SkyCool, d'autres défis doivent encore être surmontés. Les systèmes modernes ont été pensés pour être accessibles, et donc peu chers. La question du prix et de la compétitivité pour le développement de cette technologie à grand échelle va se poser.
Il y a aussi celle des infrastructures. Le modèle de SkyCool devra être adapté aux bâtiments d'aujourd'hui. Cela dit, l'un des trois co-fondateurs, Eli Goldstein, se veut optimiste : « Nous avons cinq programmes-pilotes pour montrer comment le concept peut être appliqué au monde entier. Et nous recevons un grand intérêt du public ». En France, à l'heure de grands épisodes caniculaires, on peut s'attendre à un écho favorable.
Source : Quartz