Pourquoi le CEA abandonne ASTRID, le réacteur nucléaire recyclant le combustible

Aymeric Pontier
Par Aymeric Pontier, Spécialiste environnement.
Publié le 30 octobre 2019 à 17h58
CEA - Journée du patrimoine
CEA

Lors d'une audition devant la Commission des affaires économiques du Sénat le 23 octobre dernier, l'administrateur général du CEA a expliqué le renoncement au réacteur nucléaire ASTRID, qui aurait permis le « recyclage à l'infini du combustible », comme relevant de raisons économiques.

À la fin de l'été, le CEA a annoncé l'abandon du projet ASTRID qui visait à construire un réacteur nucléaire à neutrons rapides (RNR) de 4ème génération, devant succéder au Superphoenix. L'idée de consommer les stocks accumulés d'uranium 238 et de recycler les déchets nucléaires les plus radiotoxiques ne sont apparemment plus une priorité pour l'organisme.

Qu'est-ce qu'un réacteur à neutrons rapides ?

La plupart des réacteurs nucléaires actuels utilisent des « neutrons thermiques » : les neutrons émis au moment de la fission sont délibérément ralentis (par de l'eau ou du graphite). Un choix qui rend plus efficace la réaction en chaîne dans une centrale alimentée avec de l'uranium, et booste le rendement des réacteurs REP... Mais qui comporte aussi un inconvénient majeur : seul l'uranium fissile (U235), soit juste 0,7 % de l'uranium naturel, peut brûler avec des neutrons thermiques.

Avec un réacteur à « neutrons rapides », la vitesse des neutrons n'est pas modérée. Leur énergie cinétique supérieure leur donne alors la capacité de brûler de l'uranium fissile (U235) comme de l'uranium non fissile (U238) qui représente l'essentiel du minerai, les neutrons rapides le transformant en plutonium (PU 239) lui-même fissile. De plus, ce type de réacteur peut consommer certains des actinides présents dans les déchets nucléaires.

Un réacteur à neutrons rapides permettrait donc de brûler les stocks d'uranium 238 comme le plutonium extrait des combustibles usés, tout en réduisant nettement la quantité de déchets à vie longue et à haute activité (les plus toxiques). C'est simple, avec les seules réserves disponibles en France, il y aurait de quoi produire de l'électricité pendant des milliers d'années !

L'uranium ne coûte pas assez cher pour le recycler

Bien sûr, les réacteurs à neutrons rapides ont aussi leurs défauts, ce qui explique pourquoi ils en sont restés au stade de développement pré-industriel. Le principal inconvénient étant identique à son avantage : la vitesse des neutrons est si élevée qu'ils peuvent fuir hors du cœur du réacteur. Des équipements spécifiques sont donc nécessaires pour les récupérer : c'est le principe de la surgénération.

Le projet ASTRID visait justement à démontrer la possible industrialisation des réacteurs à neutrons rapides, avec un prototype constructible en série à partir de 2040. Mais ces dernières années, le CEA s'est détourné de ce projet en annonçant la division de la taille du démonstrateur (600 MW à 100 MW) en 2018, puis son abandon pur et simple au cours de l'été 2019.

Questionné par les sénateurs sur ce qui avait motivé cette décision, François Jacq, l'administrateur du CEA, a avancé un coût de l'uranium trop faible pour justifier un investissement de plusieurs milliards d'euros : « Le prix de l'uranium est relativement bas. Et si son cours devait augmenter, des signes seraient annoncés des années à l'avance : on le verra venir avec la construction de nouveaux réacteurs dans le monde ».

Source : Le Figaro
Aymeric Pontier
Spécialiste environnement
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Commentaires (10)
nicgrover

Encore une question de gros sous… On pollue du moment que cela ne coûte rien…

Rumpelstiltskin

Donc on reste sur nos bousins et on continue de stocker au contraire pleins de déchets nucléaires

Sachant que les voitures à moteur électrique est loin d’être utilisé par tout le monde , après les bus électrique, les trotinettes électrique , tout va fonctionner a l’électricité , on va multipler ces sites de stockage de déchets radioactifs en France. …
On va nous pondre une taxe radioactifs…

Josek

Dans 10 ans c’est plus nous qui apprendrons aux chinois a construire des centrales, c’est eux qui viendront nous vendre la surgeneration parce qu’ils auront un peu vu au long-terme (premier prototype actuellement en construction et prévu pour 2023).

Et pour quelle raison ? Parce qu’au lieu d’investir dans la recherche sur le renouvelable (dont l’installation en France ne sert a rien en l’état actuel) et le nucléaire, on préfère acheter des panneaux solaires… Aux chinois.

Si ils avaient eu a décider de notre politique énergétique a notre place ils y auraient même pas pensé…

Blackalf

Il faut reconnaître une chose à la Chine, indépendamment de toutes considérations politiques ou autres, c’est que question technologies ils progressent très vite…et ce ne sont pas les gesticulations sans effet ni les déclarations fracassantes de personnages européens et nord-américains qui changeront ça, ne pas l’admettre c’est se mettre la tête dans le sable et être dépassé dans nombre de domaines à plus ou moins court terme neutre

J’ai travaillé pendant 11 ans dans la fabrication de câbles électriques haute et très haute tension, l’entreprise qui avait une longue expertise derrière elle était à une époque la seule dans le monde à fabriquer des câbles jusqu’à 500 kV…quelques années plus tard les chinois maîtrisaient les processus de fabrication et fabriquaient les mêmes pour moins cher, nous n’étions plus les seuls sur le marché…devinez chez qui allaient les clients ? gif

Elrix

C’est vrai, continuons à déverser des milliards dans une filière condamnée

Kaysis

C’est pas E.Philipe déjà qui a bossé chez Areva ?

Kaysis

En cherchant un peu autour du sujet (parce que plus bidon comme raison pour stoper net les recherches, fallait oser) on tombe sur ça :

Et ceci :

geodal

Arrêter ASTRID (merci à la nouvelle ministre) est une énorme connerie. C’est une énorme bêtise pour la protection de la planète. Dans quelques années nous nous en mordrons les doigts. Nous voyons tous les incompétents qui noyautent le ministère de pseudo écologie.
Juste un exemple avec ces réacteurs il est possible de fabriquer de l’hydrogène avec le même rendement que l’électricité.

tfpsly

en Chine, qui elle est très en avance sur la 4ème génération.

Oui et non : c’est un réacteur russe BN-800 acheté par la Chine qui est construit à Sanming, province de Fujian. Pour le moment, les Russes sont les rois du nucléaire.

Nous sommes les rois du monde en stratégie ecolobobo

+1. La France était au top au moment de Superphénix; arrive les soit-disant écolos du parti Les Verts qui exigent sa fermeture; parce que du nucléaire propre, ça ruine leur volonté d’imposer énergies « vertes » et décroissance.

playAnth95

AH ce pseudo gouvernement de voyou totalement capitaliste, anti écologique, une honte pour un pays tel que la France. Bizarre que cette information n’est pas fait le tour des médias. L’image aurait été très belle, une fois de plus. Vivement les prochaines élections.

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