Le direct du lancement d'Arianespace à l'allumage de l'étage supérieur AVUM. Crédits Arianespace
Le direct du lancement d'Arianespace à l'allumage de l'étage supérieur AVUM. Crédits Arianespace

8 minutes après le lancement du petit lanceur européen Vega depuis le Centre Spatial Guyanais, sa trajectoire a dévié, menant à un échec total de la mission. Le satellite d'observation espagnol SEOSAT-Ingenio et le petit satellite du CNES Taranis, qui devait étudier les phénomènes transitoires des orages, sont perdus.

C'est un second coup dur pour Vega en seulement deux ans.

L'échec pour VV17

Ce devait être une fête européenne, ce sera finalement une méchante migraine. Moins de 18 mois après un premier échec lors de la campagne VV15, le petit lanceur européen Vega a de nouveau échoué à mettre en orbite ses charges utiles. Pour ce nouveau décollage (VV17) depuis le Centre Spatial Guyanais, Vega a quitté le sol comme prévu à 2h52 (heure de Paris) le 17 novembre, avant de s'orienter plein Nord pour livrer ses satellites en trajectoire polaire.

Les trois premiers étages du lanceur ont semble-t-il fonctionné comme prévu, avant l'allumage de l'étage supérieur AVUM. Ce dernier doit s'allumer plusieurs fois pour atteindre précisément l'orbite voulue et manœuvrer avant d'éjecter les satellites.

Mais à T+8 minutes, après l'allumage du petit moteur RD-843, les équipes au sol ont constaté une déviation sur les données de télémesure. Incapable de rattraper sa trajectoire, l'étage supérieur n'atteindra jamais l'orbite avec ses satellites. L'ensemble s'est probablement désintégré en rentrant dans l'atmosphère quelque part dans l'Atlantique Nord.

Une conférence de presse est attendue ce 17 novembre à 14h.

Un étage supérieur AVUM lors de son installation sur le lanceur Vega. Crédits ESA
Un étage supérieur AVUM lors de son installation sur le lanceur Vega. Crédits ESA

L'addition est sévère

C'est un double coup dur pour le secteur spatial européen. D'abord pour Vega, qui reprenait tout juste du service et signe ici un deuxième échec en seulement trois vols (17 en tout). On peut bien sûr faire confiance aux autorités pour qu'elles mènent une enquête sérieuse sur cette catastrophe, entre le CNES (responsable du Centre Spatial Guyanais), Avio (l'industriel maître d'œuvre du programme Vega) et l'Agence Spatiale Européenne… Mais s'il est déjà possible d'estimer que les causes seront différentes et indépendantes de celles de l'échec de 2019, reste que la dynamique n'est pas bonne, dans un secteur déjà très concurrentiel…

L'autre coup dur concerne évidemment les charges utiles, toutes deux européennes par essence. Le satellite SEOSAT-Ingenio (750 kg) a été assemblé par Airbus Defense and Space au service de l'ESA et de l'Espagne, qui allait opérer le satellite. Capable d'observation multi-spectrale à haute résolution, il devait observer et documenter l'occupation des sols.

En France, le CNES avait organisé une belle campagne de communication autour de son satellite Taranis : un concentré de science avec huit instruments sur une plateforme compacte de seulement 175 kg, pour des observations des phénomènes encore mal compris qui ont lieu au-dessus des orages. La mission devait durer entre deux et quatre ans, en collaboration avec le LPC2E (Laboratoire de Physique et de Chimie de l'Environnement et de l'Espace).

Plus de « chasse au sprites »

Les scientifiques ont progressivement découvert des « flashs lumineux » durant les 30 dernières années : les grands orages ne se limitent pas à la troposphère. Au-dessus, entre 30 et 100 km d'altitude, ils génèrent de très courts événements lumineux, radiatifs et électromagnétiques, de différentes sortes. Il y a les « Jets Bleus » (éclairs bleus inversés), les « sprites » ou farfadets rouges, que l'on peut décrire comme des éclairs parents et qui excitent les molécules atmosphériques jusqu'à 70-80 km d'altitude, et les elfes, sortes de doughnuts géants jusqu'à 100 km d'altitude au-dessus des orages.

Avec ses instruments, Taranis était la plateforme la plus poussée à ce jour pour observer ces phénomènes et révolutionner la physique des orages. Le satellite devait être capable d'enregistrer leurs signatures optiques, en bande X et Gamma, leurs perturbations électroniques et électromagnétiques… Le tout à haute résolution.

Le nom « Taranis » est une référence au Dieu gaulois du ciel, de la foudre et du tonnerre, et pour « coller » à cette thématique, différentes initiatives en lien avec ce projet reprenaient les noms de la même origine. Ainsi Belisama est un projet participatif qui implique plusieurs lycées en France pour des mesures des rayons gamma au sol. Ces mesures devaient être comparées aux relevés de Taranis.

Ce matin, le directeur du CNES, Jean-Yves Le Gall, a déclaré : « Cet échec de Vega nous rappelle une fois encore que nous faisons un métier très difficile, où la frontière entre le succès et l'échec est extrêmement ténue. Les équipes vont immédiatement se remettre au travail pour analyser, comprendre et corriger les causes de cette défaillance afin de repartir en vol dans les meilleurs délais ».

Maigre consolation, à cette occasion notre agence nationale avait partagé un nouveau poster, en téléchargement libre.