Le décollage inaugural d'Ariane 6 est pour l'instant le seul de l'Europe spatiale en 2024 © ESA / S. Corvaja
Le décollage inaugural d'Ariane 6 est pour l'instant le seul de l'Europe spatiale en 2024 © ESA / S. Corvaja

La période de disette des lancements orbitaux européens est-elle terminée ? Le décollage inaugural d'Ariane 6 a donné le coup d'envoi d'un deuxième semestre 2024 beaucoup plus chargé… Trois tirs sont prévus au Centre spatial guyanais d'ici la fin de l'année. Et chacun d'entre eux porte des enjeux très importants.

En Guyane comme ailleurs en France, les vacances d'été battent leur plein. Au mois d'août, une grande partie des activités du Centre spatial guyanais seront en pause. Mais pas toutes, car il y a beaucoup à préparer pour les mois à venir. D'abord, il y a l'évaluation précise et complète de la toute première campagne de vol d'Ariane 6.

Car même si globalement, tout s'est passé comme prévu (à part la toute dernière phase de vol) et que la mission est une réussite, il s'agissait d'un tir de qualification. Pour pouvoir signer l'entrée en service du nouveau fleuron européen, les équipes institutionnelles de l'ESA, d'ArianeGroup et du CNES étudient les moindres détails du vol avant d'apposer le coup de tampon final et de laisser la place à l'opérateur commercial d'Ariane 6, Arianespace.

Toute l'Europe va regarder Vega

En attendant, l'attention se portera dès la rentrée sur un lanceur plus petit, et qui ne fait pas parler autant de lui. C'est la fusée Vega, essentiellement gérée par les équipes italiennes d'Avio (mais fabriquée dans toute l'Europe), et celle-ci devrait réaliser en septembre-octobre son tout dernier décollage. En effet, Vega est remplacée par la version améliorée et plus puissante, Vega C. Mais cette transition non plus ne s'est pas déroulée dans le plus grand des calmes.

En 2022, après un tir inaugural réussi, Vega C ratait une très importante mission avec deux satellites d'observation de la Terre d'Airbus Defence & Space, et en 2023, le retour en vol avait été retardé, car les tests au sol avaient échoué, eux aussi… Résultat, les équipes d'Avio et ses partenaires n'ont eu le choix que de retarder les campagnes de vol et d'utiliser les deux dernières fusées Vega disponibles. La première a décollé avec succès le 9 octobre 2023, la deuxième est en cours de préparation.

Le satellite Sentinel 2C en préparation dans les locaux d'Airbus © Airbus Defence & Space 2024
Le satellite Sentinel 2C en préparation dans les locaux d'Airbus © Airbus Defence & Space 2024

Le résultat de ce prochain décollage est crucial pour l'Europe spatiale. Non seulement parce qu'il s'agit de clôturer la carrière de Vega par un succès, mais aussi et surtout à cause du satellite que la fusée embarque vers l'orbite basse. Il s'agit de Sentinel 2-C, un satellite d'observation de la Terre du programme de l'Union européenne, Copernicus. Il est très attendu, car l'objectif de l'UE est d'assurer la continuité des mesures optiques multi-spectrales (c'est-à-dire capable de mettre en valeur la végétation, les incendies ou les zones urbaines par exemple) sur le moyen et le long terme.

Or, Sentinel 2-A fêtera déjà ses 10 ans en juin 2025, bien plus que sa durée de vie initiale estimée. Vega n'aura pas le droit à l'erreur, son passager est capital. Et l'Union européenne, qui a déjà transféré certains lancements vers les États-Unis et Falcon 9 faute de disponibilités de nos lanceurs scrute la situation avec attention.

Vega C doit prendre le relais

Aussitôt Vega à la retraite, les équipes d'Avio seront à nouveau mobilisées pour sa remplaçante, Vega C, et son retour en vol. Celui-ci est prévu pour novembre-décembre, en fonction de la campagne de Vega et de la livraison finale du satellite qui décolle sur ce vol. En effet, la charge utile est pour l'instant un autre satellite européen pour Copernicus, Sentinel 1-C (radar). Encore plus attendu que Sentinel 2, ce dernier est un remplacement, car l'un des deux premiers satellites radars de l'UE est en panne depuis plus de 2 ans.

Il est donc plus que temps de décoller, mais il faut pour cela que Vega se comporte parfaitement à la rentrée, et que tous les indicateurs soient au vert pour Vega C. En particulier, un dernier test moteur du 2e étage Z-40 est attendu pour valider les modifications post-échec de 2022. La fin de l'année est pleine de défis, mais c'est aussi un véritable domino dans tous les sens du terme. Si tout va bien, l'Europe spatiale va de nouveau enchaîner les lancements, mais si la machine se grippe, ce sera plus visible que jamais…

La carrière de Vega C, pour l'instant en pause, doit (re)décoller © ESA / CNES / CSG / Arianespace / S. Martin

Ariane 6 (déjà) de retour !

Enfin, il ne faudra pas attendre trop longtemps pour revoir Ariane 6. Si un lancement avant la fin d'année est ambitieux pour le calendrier d'une fusée toute neuve qui doit encore recevoir l'aval officiel pour sa certification, il y a fort à parier que les éléments du lanceur seront au moins à un stade avancé d'assemblage au Centre spatial guyanais. Le décollage concernera le satellite « espion » français CSO-3, qui partira pour l'orbite basse héliosynchrone avec un profil de vol classique, sans nécessiter de nombreux allumages du moteur Vinci en orbite ou l'utilisation de la future version Ariane 64 plus puissante.

Ce vol viendra conclure une séquence de 6 mois environ avec 3 décollages, tout aussi importants les uns que les autres pour relancer l'Europe spatiale, encore loin d'offrir les disponibilités attendues, mais répondant enfin à la demande. Stéphane Israël l'a déjà annoncé au mois de juillet, il espère monter rapidement en puissance avec Ariane 6 l'année prochaine, avec pour l'instant jusqu'à 6 vols au programme.

A découvrir
Le bilan spatial 2023, des fusées et des astronautes à gogo

25 décembre 2023 à 17h00

Décryptage

Source : ESA