Alors que l'exemplaire dédié aux essais est enfin complété au Centre Spatial Guyanais, l'ESA, ArianeGroup et le CNES ont confirmé hier soir un nouveau retard important pour le lancement inaugural, espéré au dernier trimestre 2023. Un coup dur pour le futur fleuron européen après 8 ans de développement.
Juste avant l'importante assemblée ministérielle de l'ESA, la crise des lanceurs se poursuit.
L'urgence guette
Avec 29 exemplaires déjà dans le carnet de commande, Ariane 6 est très attendue. Lorsque l'ESA et l'alliance entre Airbus et Safran (devenue depuis ArianeGroup) étaient tombées d'accord à la fin 2014, la fusée devait entrer en service à l'été 2020. Bien entendu, industriels et clients avaient intégré quelques marges, en prévoyant une période de trois années entre le décollage inaugural d'Ariane 6 et la mise à la retraite de sa grande sœur Ariane 5. Las, cela n'aura pas suffi.
Il ne reste que trois tirs d'Ariane 5 (dont un en décembre), et l'ESA a annoncé hier soir par la voix de son directeur Josef Aschbacher que le nouveau lanceur ne décollerait pas avant le dernier trimestre 2023, au plus tôt. Une très mauvaise surprise pour l'ensemble du secteur, alors même que plusieurs instances privées et gouvernementales cherchent des solutions pour envoyer leurs satellites en orbite.
Les longs essais au sol
Ariane 6 a donc pris une nouvelle année de retard, en seulement un an. Un retard qui s'explique, selon André-Hubert Roussel (le président exécutif d'ArianeGroup) par différents paramètres externes comme l'impact de la crise Covid ou plusieurs difficultés techniques relevées pour les essais combinés, qui sont en cours. En effet depuis quelques jours la première Ariane 6 « complète » destinée aux tests au sol, est visible au Centre Spatial Guyanais. Un assemblage complexe, qui va laisser place dans les semaines à venir aux essais des interfaces électriques, puis des fluides entre le bord et le sol, Ariane 6 et ses installations de lancement.
Les tests de mise à feu du premier étage, avec des comptes à rebours simulés et des remplissages des réservoirs auront lieu cet hiver. En parallèle, l'étage supérieur va poursuivre les allumages moteur de Vinci sur la plateforme de test en Allemagne à Lampoldshausen. Avec l'espoir de terminer les deux campagnes au premier ou au deuxième trimestre prochain… Pour pouvoir envoyer dans la foulée le premier exemplaire de vol en Guyane.
De gros défis s'annoncent pour 2023
Après trois années de reports, le directeur de l'ESA s'est montré prudent, arguant qu'il restait de nombreux tests à mener avant d'être confiant et de donner une date pour le lancement inaugural. Ce qui laisse supposer, à un horizon d'un an, que la date du décollage pourrait même flirter avec 2024 ! Une catastrophe sur plusieurs fronts. Car d'abord il faudra une rallonge budgétaire pour couvrir les frais de ces retards. Ensuite, la fin de carrière d'Ariane 5 au premier semestre 2023 aurait dû s'accompagner d'une transition des équipes vers Ariane 6. Sans lanceur, ces employés seront-ils au chômage technique ? Quid des charges utiles ?
Les satellites Galileo, d'ici 2024, formeront une jolie collection de containers alignés en attendant leur décollage, sans oublier les satellites militaires, scientifiques et même les satellites Kuiper, mis en avant cette année dans le « contrat du siècle » chez Arianespace. Il faudra espérer que les clients soient tous aussi patients face au défi d'une nouvelle année de retard… Si tout se passe bien.
Car à chaque fois que la date du tir inaugural est repoussée, l'échec est de moins en moins une option. La crise va se poursuivre : à la mi-2023, Vega-C sera le seul lanceur en opération en Europe…
Source : Spacenews