Malgré une communication difficile, l'information a enfin été officialisée hier par le directeur de l'ESA. Ariane 6 est en retard dans un contexte particulièrement défavorable, avec l'arrêt de la collaboration liée aux lanceurs russes. Au Centre Spatial guyanais, les essais de la fusée assemblée n'ont pas encore eu lieu.
Le besoin est critique !
Reculer pour mieux sauter
Depuis le début de l'année, en coulisses, ce n'était déjà plus un secret : les agendas menant au premier décollage orbital d'Ariane 6 n'aboutissaient que début 2023. Mais les instances officielles continuaient, jusqu'au 13 juin, de marteler que le nouveau fleuron européen des lanceurs pourrait décoller avant fin 2022. Josef Aschbacher, invité à la BBC, a finalement admis hier ce nouveau retard.
Il reste beaucoup à faire avant qu'Ariane 6 soit opérationnelle, et malheureusement les essais ont été à nouveau décalés de plusieurs mois. Le développement est dans la phase dite des « essais combinés », où les équipements sont testés en conditions réelles. Le site de lancement passe les étapes les unes après les autres, mais le corps principal de la fusée reste invisible, dans son bâtiment d'intégration depuis fin janvier. Or l'un des points d'orgue de ces essais combinés sera bel et bien d'avoir une Ariane 6 complète, à la verticale sur sa table de tir. C'était prévu en avril…
Le lanceur encore absent des essais combinés
Il est prévu que plusieurs simulations de compte à rebours avec mise à feu aient lieu dans le cadre des essais combinés, qui dureront plusieurs mois sur l'ELA-4, le site de lancement d'Ariane 6. D'autre part, le test de mise à feu de l'étage supérieur sur le banc d'essai allemand de Lampoldshausen, attendu depuis mars 2021, n'a pas encore eu lieu.
Autant de facteurs qui rendent peu probable l'arrivée des éléments de la fusée pour son vol inaugural vers l'orbital avant l'automne. D'après les éléments dont nous disposons, il est même prématuré d'annoncer un décollage dans les tout premiers mois de 2023 avant que les équipes n'aient décortiqué tous les résultats des essais combinés.
Ça bouchonne…
Le manque d'Ariane 6 se fait cruellement sentir depuis l'année dernière avec plusieurs reports de vols, mais il est d'autant plus marqué depuis l'invasion de l'Ukraine le 24 février dernier. En réplique aux sanctions européennes, l'agence spatiale russe avait en effet cessé toute activité au Centre Spatial guyanais, stoppant les vols de Soyouz.
Or les satellites européens ont un fort besoin de véhicule pour se rendre en orbite ! Deux paires de satellites Galileo sont prêtes, il y a le satellite de la défense française CSO-3, le satellite d'étude terrestre EarthCare, le télescope spatial Euclid… Tous devaient décoller avant le printemps 2023, mais il y a aussi des clients privés !
Problème supplémentaire, même si Ariane 6 décollait dans les premiers mois de l'année, il serait peu probable de voir plus de trois à quatre tirs de ce nouveau lanceur dans sa première année d'exploitation (et ce, même si tout se passait bien).
L'embouteillage est réel, et il faudra peut-être s'attendre à des choix et priorisations difficiles. Ennuyeux, quelques semaines après la signature du contrat géant avec Amazon. Seule compensation morale : les concurrents ULA et Blue Origin subissent eux aussi des retards. Deux décollages importants sont prévus pour l'Europe spatiale dans les semaines à venir : Ariane 5 le 22 juin, et le vol inaugural de Vega C le 7 juillet.
Source : Spacenews