Pour observer la couronne solaire, le plus efficace est encore d'éclipser le Soleil lui-même… C'est le principe de la mission Proba-3 qui est bientôt prête à partir pour le vide spatial. Un matériel impressionnant, même s'il est considéré comme un démonstrateur avant tout. Le vol en formation devra être d'une précision sans failles.
Les promesses sont nombreuses, et pas seulement pour l'héliophysique !
144 mètres et pas un de plus
Le matériel est presque prêt, il reste encore à le tester étape par étape avant un décollage prévu l'année prochaine grâce à un lanceur indien. Et après quelques années de travail, Proba-3 a fière allure. Le double véhicule est actuellement en préparation à Kruibeke, en Belgique, dans les locaux de Redwire Space. Leurs petits noms ? L'OSC pour Occulter Spacecraft et CSC pour Coronagraph Spacecraft. Le premier aura pour mission de voler 144 mètres devant le second, et de lui cacher le Soleil grâce à un disque de 1,4 mètre de diamètre. À cette distance, il devrait exactement cacher la surface solaire pour que l'instrument coronographe du CSC (appelé ASPIICS) puisse observer confortablement la couronne de notre étoile. Un vol en formation à petite distance qui va requérir une précision de placement toute particulière.
En effet, l'ESA espère pouvoir, en une orbite très elliptique (600 x 60000 km) qui va durer 20 heures, assurer 6 heures de mesures continues pour le coronographe. En plus de minuscules propulseurs à gaz froids, les deux véhicules sont équipés d'un ensemble de capteurs spécifiques à cette mission, pour connaître en permanence leur position l'un par rapport à l'autre : navigation GPS et inertielle, liaison radio inter-satellite, laser altimétrique et caméra optique… Rien ne doit être laissé au hasard.
Les proba, c'est comme les ennuis, ils volent…
S'ils décolleront évidemment ensemble, l'OSC et le CSC effectueront plusieurs tests de vol en formation à quelques mètres : 25 mètres puis les fameux 144 mètres nécessaires à son instrument pour observer la couronne solaire. « Les observatoires spatiaux et au sol incorporent régulièrement des coronographes sur leurs instruments, c'est même le cas sur notre mission SOHO, mais leur efficacité est limitée par le phénomène de diffraction, la lumière "fuit" sur le contour du disque. Avec un coronographe situé à 144 mètres, dont on peut ajuster la distance, on réduit la diffraction et on améliore la visibilité au voisinage du Soleil… », explique Jorg Versluys, ingénieur de l'instrument.
Technique pour plus tard
Il s'agit autant d'une démonstration scientifique que technique. Le vol en formation à courte distance est en effet un des éléments-clés pour plusieurs missions futures, qu'elles relèvent de la sécurité et de la défense (comme les petits satellites de protection rapprochée de la France), de la gestion des débris avec les approches contrôlées, ou du service des satellites en orbite. Et la longue distance n'est pas oubliée, avec de futurs observatoires spatiaux qui envisagent l'utilisation de coronographes du même type mais pour occulter la lumière d'étoiles distantes, en se plaçant à plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de kilomètres. Enfin, on peut citer la mission LISA, qui fera intervenir trois satellites éloignés chacun l'un de l'autre de 2,5 millions de kilomètres. Pour avoir une chance de détecter des ondes gravitationnelles, ces derniers devront être alignés avec une précision qui dépassera de loin celle de Proba-3. Mais d'abord, le Soleil…
Source : Esa