Live Japon : mobiles et PC pour papy, pas vieux jeu du tout

Karyn Poupée
Publié le 12 septembre 2010 à 16h12
La semaine prochaine (15 au 21 septembre 2010) est au Japon celle des personnes âgées, le lundi 20 septembre étant même férié pour leur adresser tous les respects de la société. Ces festivités ont inspiré à notre mangaka nippon Jean-Paul Nishi une histoire de vieux couple brouillé par les nouvelles technologies...

0168000003538830-photo-live-japon-mobiles-seniors-manga.jpg

"Raku Raku" (simple, aisé, agréable), telle est la dénomination générique d'une gamme de téléphones portables conçus par Fujitsu en partenariat avec le premier opérateur de réseau cellulaire nippon, NTT Docomo. Les deux commercialisent depuis plusieurs années au Japon une famille de mobiles spécifiques pour le public âgé. Le portable ("keitai" en japonais) constitue en effet un vecteur de communication multimédia, voire un ange gardien, pour ce public parfois délaissé. Le taux d'usage des mobiles, en tant que terminaux multimédias, par les personnes âgées tend ainsi à croître régulièrement, grâce à une offre d'appareils très précisément pensés pour elles.

La moitié des sexagénaires et au-delà qui utilisent un téléphone portable au Japon ont choisi un "raku-raku phone", soit près de 10 millions de personnes (sur une population de 127 millions d'âmes dont 30% de plus de 60 ans). De ce fait, toutes catégories confondues, tous opérateurs confondus, tous fabricants confondus, les "raku raku phone" de Fujitsu sont les appareils les plus vendus dans l'archipel. Les sexagénaires et leurs aînés s'en servent essentiellement pour téléphoner (95%), prendre des photos (90%), échanger de véritables e-mails (78%) et regarder la télévision (75%), selon les chiffres de Fujitsu. Une étude d'un centre de recherche économique et industriel, Nikkei Sangyo Chiiki donne des résultats comparables : communications vocales (96%), e-mail (85%), photos/vidéos (60%). A noter que cette enquête (conduite fin août auprès de 1 000 personnes concernées) met aussi en exergue l'utilisation croissante des fonctions liées au suivi des conditions physiques, comme le podomètre qui est inclus dans certains appareils.

0168000003538818-photo-live-japon-mobiles-seniors.jpg

Les téléphones portables pour le troisième âge ont souvent a priori l'image d'appareils à grosses touches basiques, mais les produits commercialisés au Japon, tous de troisième génération (3G), sont, comme le prouve l'usage, loin de là. Ils sont en effet conçus pour être employés facilement de façon extensive avec des fonctions qui incluent l'accès à Internet, le transfert des photos, la lecture de vidéo et autres possibilités qui ne sont pas a priori l'apanage du jeune public. La clef de leur usage par un public âgé réside dans l'adaptation des menus et autres propriétés, aux habitudes, centres d'intérêts et difficultés propres que peuvent rencontrer les personnes âgées. Outre une ergonomie matérielle qui facilite la prise en main, et des outils pour améliorer la communication vocale (traitement audio augmentant l'intelligibilité, ralentissement du débit sans changer la voix), Docomo et Fujitsu ont constitué un menu de sites i-mode spécifique où se trouvent d'abord ce que consultent le plus souvent les plus de 50/60 ans : la météo, les informations, les lieux de bonne chère et de villégiature, les services de santé, etc.

La fonction de courrier électronique est aussi différemment conçue, plus simple à utiliser, mais elle inclut aussi, comme pour les jeunes, un outil d'ajout de pictogrammes décoratifs, les mamies ayant conservé de leurs relations épistolaires d'hier l'habitude d'enjoliver leur correspondance. Un mode loupe, qui utilise la caméra et grossit à l'écran les caractères des journaux et autres documents imprimés, est également sacrément bien vu !

0168000003538820-photo-live-japon-mobiles-seniors.jpg

Le concurrent de Docomo, KDDI, propose pour sa part des mobiles pour seniors conçus avec Kyocera, avec d'intéressantes trouvailles comme celle consistant à mettre en surbrillance les touches ou fonctions les plus probables ou les seules valides après une action, ce qui évite d'appuyer en vain sur un bouton inactif à un instant donné.

Quant au troisième acteur du secteur des services mobiles, Softbank, il propose à ses clients d'âge mûr un "kantan keitai" (portable simple) fabriqué par Sharp, étanche, avec des touches de différentes couleurs, un appareil photo, l'accès à internet et, par défaut, un outil pour utiliser aisément les services de mini-blogs Twitter.

Fort de son succès avec les "raku raku phone", Fujitsu rêve depuis quelque temps de réitérer la même réussite avec ses ordinateurs. Bien qu'ayant déjà fait deux tentative non concluantes, le groupe d'informatique persiste. Il a ainsi lancé récemment une nouvelle gamme d'ordinateurs spécialement conçus pour les personnes âgées, espérant toucher en priorité les possesseurs de "raku raku phone". Afin d'inciter le même public âgé à acheter également un PC, Fujitsu met en avant une fonction qui permet de transférer automatiquement et de regarder immédiatement sur l'ordinateur les photos prises avec lesdits mobiles du groupe.

0168000003538828-photo-live-japon-mobiles-seniors.jpg

A l'instar des téléphones, les nouveaux "raku-raku pasokon" (PC ultra-simples) de Fujitsu comportent des fonctionnalités, touches et menus spécifiquement pensés pour les personnes de plus de 60 ans. "La proportion des seniors augmente, mais leur taux d'équipement en PC reste faible, de l'ordre de 34%, contre 81% chez les 20-59 ans", a déploré un responsable de Fujitsu. Pour ce dernier, la "simplicité", c'est la bonne conjonction entre "du matériel, des logiciels et des services d'accompagnement". Ces ordinateurs, fixes et portables, sont tous dotés d'un écran tactile qui affiche en gros caractères des boutons où apparaissent les actions les plus fréquentes à chaque étape.

008C000003538824-photo-live-japon-mobiles-seniors.jpg
Un menu s'affiche aussi à l'allumage présentant un accès direct vers les applications les plus utilisées par le public visé (regarder les e-mails, naviguer sur internet, etc.), selon les études menées par Fujitsu. Souris inutile le plus souvent, il suffit d'appuyer avec son doigt pour effectuer une recherche sur internet, voir des photos, envoyer un message, imprimer, etc. Un système de saisie assistée (par pavé alphabétique ou de syllabaires affiché sur l'écran) accélère le processus et réduit la probabilité d'erreur. Le clavier physique comporte pour sa part des touches de différentes couleurs qui signalent les lettres les plus employées. Les caractères y sont plus gros que sur les pavés alphanumériques habituels.

Des fonctions inexistantes sur les ordinateurs traditionnels, comme un bouton "soutien", facilitent l'utilisation et permettent d'activer des didacticiels et guides pour s'y retrouver et résoudre d'éventuels problèmes. Le groupe a enfin mis en place un guichet téléphonique dédié et diverses prestations en ligne spécifiques.

Alors que les ardoises numériques multimédias iPad d'Apple commencent à séduire le public grisonnant japonais, les acteurs du crû, pris de court bien que techniquement bien armés, se doivent d'être réactifs. Il était en effet surprenant de voir le nombre de personnes d'une bonne cinquantaine passée essayer l'iPad à l'Apple Store de Ginza les premiers jours. On vit même des grands-pères de plus de 70 ans dans la file d'attente le matin du lancement. Certes, celui que nous avons interrogé était un ex-ingénieur du secteur fasciné par les innovations techniques (et un rien nostalgique des exploits nippons passés), mais d'autres étaient venus sur la foi des informations de simplicité d'emploi véhiculées par la presse. En dotant ses PC d'un écran tactile, Fujitsu, qui a effectué maintes études sur les attentes des seniors, confirme en creux qu'il s'agit bien du mode perçu comme le plus intuitif par les profanes de l'informatique.

0168000003538832-photo-live-japon-mobiles-seniors.jpg

Alors que deux Japonais sur trois de tous âges trouvent que les relations personnelles sont devenues plus difficiles à nouer et à entretenir, à cause de la rupture de liens de voisinage ou au sein des familles, les vieilles personnes sont un public de plus en plus vulnérable. Les esseulés âgés, surtout les femmes, se comptent par millions. Les moins valides sont parfois coupés du monde. Les Japonais ont ainsi été horrifiés d'apprendre que plusieurs dizaines de personnes considérées comme centenaires ont en réalité disparu sans que leurs enfants, ni leurs voisins ne s'en aperçoivent ou ne le signalent, ce qui, selon les sociologues, est symptomatique d'une rupture des liens communautaires et familiaux.

0168000003538822-photo-live-japon-mobiles-seniors.jpg

Or, selon les enquêtes effectuées par gouvernement auprès de citoyens de diverses régions, l'utilisation des sites dits de socialisation (SNS) et autres moyens de communication en ligne par les plus de 65 ans devient essentielle. "Cela est très bon pour leur permettre de recréer des liens. Plus les personnes sont âgées, plus les outils en ligne se révèlent efficaces en ce sens. Malheureusement, le taux d'utilisation d'Internet par les sexagénaires et leurs aînés est seulement de 37% contre 78% pour l'ensemble de la population", se désole un directeur du ministère des Affaires intérieures, Kunihiko Nishioka.

Il n'est pas certain que de tels ratios (58% pour les 60-69 ans, 33% pour les 70-79 ans, 19% pour les 80 et plus) soient dès à présent atteints dans les autres nations riches, mais au Japon ils sot considérés comme insuffisants et même inquiétants.

0168000003538826-photo-live-japon-mobiles-seniors.jpg
Karyn Poupée
Par Karyn Poupée

Aucun résumé disponible

Vous êtes un utilisateur de Google Actualités ou de WhatsApp ?
Suivez-nous pour ne rien rater de l'actu tech !
Commentaires (0)
Rejoignez la communauté Clubic
Rejoignez la communauté des passionnés de nouvelles technologies. Venez partager votre passion et débattre de l’actualité avec nos membres qui s’entraident et partagent leur expertise quotidiennement.
Abonnez-vous à notre newsletter !

Recevez un résumé quotidien de l'actu technologique.

Désinscrivez-vous via le lien de désinscription présent sur nos newsletters ou écrivez à : [email protected]. en savoir plus sur le traitement de données personnelles