Live Japon : Docteur Sony au chevet d'Olympus

Karyn Poupée
Publié le 07 octobre 2012 à 10h32
La saga avait débuté il y a un an, quasiment jour pour jour, avec le limogeage sans sommation du PDG d'Olympus, le Britannique Michael Woodford. Après des révélations de camouflages financiers et maints rebondissements, un nouvel épisode crucial a eu lieu il y a une semaine: le quasi-sauvetage du même Olympus par le géant nippon de l'audiovisuel grand-public et des contenus multimédias, Sony, intéressé par les activités médicales, un domaine dans lequel il affiche de fortes ambitions.

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Bref rappel des faits : viré manu militari par un conseil d'administration manipulateur, Michael Woodford a été le héros malgré lui d'un des plus retentissants scandales de ces dernières années au Japon. L'homme, qui se montrait un peu trop curieux vis-à-vis de ses prédécesseurs et collaborateurs au sein de l'entreprise, a plus ou moins volontairement été à l'origine de révélations en cascades sur la dissimulation pendant plus de 20 ans de pertes financières dépassant le milliard d'euros. A l'instar de nombreuses entreprises nippones, Olympus s'était adonnée à une spéculation financière hasardeuse dans les années 1980, un "money game" qui a tourné au fiasco lorsque brutalement les valeurs ont dévissé à la Bourse de Tokyo au début des années 1990, après avoir atteint un sommet fin 1989. Par la suite, les dirigeants successifs du groupe se sont ingéniés à échafauder des schémas comptables alambiqués pour planquer les pertes. Jusqu'à ce qu'un petit magazine spécialisé dans la finance ne s'intéresse aux opérations effectuées par la firme, notamment le rachat à prix d'or de sociétés sans rapport avec l'activité d'Olympus et l'utilisation de leur dévalorisation comptable ensuite pour maquiller les pertes antérieures. Le pot aux roses de ces complexes montages a été découvert au fil des mois et des enquêtes tant au Japon qu'aux Etats-Unis et en Grande Bretagne, aboutissant à une valse des dirigeants, à des aveux, des mises en examens et autres procédures. Tout cela a non seulement réduit comme peau de chagrin la valeur de l'action Olympus à la Bourse de Tokyo (elle est tombée à 424 yens le 11 novembre 2011, contre plus de 2000 avant l'éclatement de l'affaire), mais a aussi fait souffrir la marque Olympus: "les technologies sont bonnes, mais les patrons sont pourris", nous déclarait un client devant un présentoir Olympus d'un grand magasin de Tokyo, résumant l'opinion de nombre de Japonais, et pas seulement ceux de la capitale.

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Aujourd'hui, l'action a nettement repris du poil de la bête (elle tourne autour de 1500 yens), mais la maison Olympus, qui a changé de patron et supprime près de 3000 emplois pour faire des économies, n'est pas encore sortie du tunnel. Sa trésorerie a fondu, non seulement à cause de cette sale affaire, mais aussi en raison de la hausse historique du yen vis-à-vis du dollar et de l'euro, de la dureté de la concurrence sur le marché des appareils photo et d'une conjoncture économique difficile. En juin, le groupe avait présenté un plan d'affaires à moyen terme, avouant alors être à la recherche d'un partenaire pour consolider son assise financière en apportant un solide coup de pouce à ses deux activités piliers, les instruments médicaux d'une part et les technologies d'image (appareils photo, objectifs) d'autre part. Après des mois de rumeurs, de supputations, de fuites plus ou moins organisées, de démentis et de parties serrées de négociations avec différents groupes (dont Panasonic, Fujifilm et Terumo, qui proposait carrément une fusion), c'est Sony qui a emporté la mise.

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Le fleuron nippon de l'électronique va injecter 50 milliards de yens (environ 500 millions d'euros) dans Olympus, par le biais d'une augmentation de capital de ce dernier (émission de nouvelles actions). Sony en deviendra ainsi le premier actionnaire avec 11,5% des parts d'Olympus, devançant une compagnie d'assurance (4,35%). Parallèlement, Olympus se défait des filiales qui ne sont pas au coeur de ses activités stratégiques, dont une société de distribution/vente de téléphones portables qui pourtant se porte plutôt bien compte tenu de la rapidité de l'adoption des nouveaux types de smartphones.

« Pour Olympus, qui seul aurait du mal à développer de nouveaux instruments médicaux, il est certain que le partenariat avec Sony va permettre des avancées notables », a souligné le groupe. Olympus est déjà numéro un mondial des endoscopes, avec une part de marché de quelque 70%.

Le nouveau patron de Sony, Kazuo Hirai, avait pour sa part à plusieurs reprises indiqué, dès sa prise de fonctions au printemps dernier, qu'il souhaitait faire de l'électronique médicale une des activités-phares de la maison, et ce en exploitant notamment ses technologies de capture, analyse, traitement et affichage d'images, à commencer par les capteurs CCD et CMOS, les moniteurs de contrôle (3D, organiques électroluminescents), les puces de traitement de données, etc.

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Concrètement, sous réserves que les autorités compétentes des différents pays potentiellement concernés donnent leur accord, Sony et Olympus prévoient de créer une société conjointe d'ici à la fin de l'année, dans le but de développer des instruments médicaux d'observation très haute définition (4k) et 3D, ainsi que les systèmes afférents. La coentreprise, qui n'intègrera pas les endoscopes d'Olympus, sera détenue à 51% par Sony et 49% par Olympus. Elle vise un chiffre d'affaires annuel de 750 milliards de yens (environ 7,5 milliards d'euros au cours actuel).

Par ailleurs, les deux groupes entendent exploiter conjointement leurs développements dans le domaine des appareils photo numériques. Olympus est riche d'une longue histoire photographique, avec un passé glorieux de fabricant de boîtiers argentiques et d'optiques. Il souffre actuellement de la chute vertigineuse des prix des modèles compacts, même s'il est bien placé sur le volet des boîtiers sans miroir. Sony, pour sa part, ne figure parmi les marques d'appareils photo que depuis l'apparition des numériques. S'il est au top niveau sur le volet des capteurs et capable de fournir aussi bien des modèles compacts que des boîtiers à visée reflex ou encore des "sans miroir" à objectif interchangeable, c'est parce qu'il a racheté à son compatriote Minolta son patrimoine technologique lorsque cette société a totalement abadonné la photo faute d'avoir su négocier le virage numérique. Le regroupement des forces avec Sony, tout en préservant les deux marques, est censé permettre des échanges de composants (optiques Olympus, capteurs Sony), des économies d'échelle et des recherches conjointes pour gagner en compétitivité dans un domaine en proie à une vive concurrence, même si quasiment tous les fabricants d'appareils reflex et sans miroir sont japonais.

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L'annonce de cet accord Sony/Olympus a été dans l'ensemble bien accueilli par les analystes du secteur de l'électronique et par le corps médical qui espère ainsi bénéficier de technologies d'imagerie très haute-définition en trois dimensions facilitant les diagnostics et interventions. Il ne fait en outre pas de doute que l'électronique médicale est un marché porteur au niveau international et où la concurrence est moins féroce que sur les produits numériques grand public. Pour Sony, une percée significative dans ce secteur permettrait de compenser l'absence de rentabilité d'articles matures tels que les téléviseurs que sont capables de produire à meilleur prix de très nombreuses firmes asiatiques. Rappelons que ce n'est toutefois pas la première initiative de Sony dans ce domaine médical. En juin, le groupe a en effet annoncé la commercialisation d'un instrument d'analyse de cellules humaines exploitant notamment les technologies utilisées dans les enregistreurs et lecteurs de disques optiques au format Blu-ray.

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Cet appareil peut être utile dans les recherches sur le cancer et autres maladies affectant les cellules, ainsi que dans le domaine à fort enjeu de la recherche cellulaire, notamment sur l'utilisation des cellules souches embryonnaires et pluripotentes induites (iPS). L'appareil d'analyse optique emploie notamment les technologies laser mises au point pour les platines Blu-ray, ce qui, couplé avec la puce support de cellules nouvellement créée, est censé améliorer considérablement les tâches et le temps d'analyse, selon Sony. En pratique, l'appareil permet de rapidement compter les cellules d'un prélèvement, de mesurer leurs dimensions, de les différencier par catégories, d'en préciser la surface et la constitution interne, le tout en faisant défiler lesdites cellules à grande vitesse sous un faisceau laser. C'est la lumière réémise au contact des cellules qui permet de les caractériser. En 2010, Sony avait fait l'acquisition de la société américaine de cytométrie iCyt, ce qui lui avait permis de mettre un pied dans cette activité pointue. Ce n'était manifestement qu'un début.
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