Il fut un temps, dans les années 1970/1980, où la première marque aux yeux des Nippons était sans doute Sony, grâce à ses Walkman et TV Trinitron. Cette période est révolue. Tel est l'enseignement d'un palmarès des marques établi pour les dix années passées par le groupe d'information économique Nikkei.
Il en ressort que la première entreprise de la décennie écoulée n'est autre que Google. Pas si étonnant si l'on considère que tout le monde vit presque en permanence avec Google, pour des recherches sur internet, pour se guider dans les rues ou parce que le smartphone qu'on a dans sa poche tourne sous le système Android du géant de la toile. « La notoriété de Google est absolument écrasante », commente le journal de l'industrie Nikkei Sangyo. Pour donner la mesure de la performance, soulignons que dans ce même classement, qui prend en compte tous les secteurs d'activité, MacDo n'est que 67e et le fabricant de puce américain Intel seulement 81e.
Le deuxième dans la liste est aussi emblématique des évolutions de la façon de vivre et consommer des Japonais (comme d'autres citoyens des pays riches d'ailleurs): il s'agit d'Amazon. Bien qu'il existe Rakuten (31e dans le tableau), une galerie marchande 100% japonaise qui a d'ailleurs tenu la dragée haute à Amazon et autres concurrents durant des années, le mastodonte américain du commerce en ligne rafle la mise en terme de puissance de marque.
Il faut dire qu'Amazon au Japon vend presque tout et est même capable de livrer le jour-même des produits en stock commandés avant 13H00. Cette performance est possible car la poste japonaise est d'une redoutable efficacité, fiabilité et ponctualité. Elle n'est pas la seule d'ailleurs à faciliter la vie des professionnels de la vente à distance puisqu'il existe au Japon des sociétés privées de transport rapide (pour particuliers et entreprises) qui prennent en charge et livrent les colis de porte à porte sur un simple coup de fil. Le plus connu est Yamato ... et c'est même la seule marque japonaise dans les cinq premières du classement. Yamato est quatrième.
Cette société, dont les préposés sont reconnaissables au premier coup d'oeil grâce à leur uniforme, a développé une palette remarquable de services et notamment le transport de marchandises commandées sur internet. Le tout est appuyé par une infrastructure physique et un système d'information qui permettent par exemple au livreur de prévenir le client par e-mail juste avant son arrivée, de payer par carte sans contact, carte bancaire ou liquide un objet lors de la livraison, d'être relivré à l'heure voulue sur un simple appel etc.
Le troisième dans le palmarès est Microsoft Japon, grâce à l'implantation solide de son système d'exploitation Windows sur les PC, mais il faut avouer que le groupe fondé par Bill Gates est en perte de vitesse au Japon, faute d'avoir su imposer une suite logicielle incontournable sur les objets du moment, les smartphones et tablettes.
Enfin le 5e est encore un américain du domaine de l'informatique et on l'aurait même imaginé plus haut sur le podium: il s'agit d'Apple. Il est indéniable qu'Apple est parvenu à se faire au Japon comme ailleurs une place de choix dans l'esprit des consommateurs et dans la couverture médiatique. La stratégie d'Apple est renforcée au Japon par la publicité qu'en fait sans arrêt l'un des hommes les plus influents actuellement dans l'archipel, le magnat des télécoms Masayoshi Son, patron de SoftBank.
Notons cependant que si cette société de services mobiles et d'accès à internet fait certes énormément parler d'elle ces dernières années, elle n'est encore que 92e sur 100 dans la liste. Il faudra encore vraisemblablement plusieurs années avant que le rêve du PDG ne se réalise : être devant tout le monde.
Étonnamment la firme qui vient en 6e place se nomme Panasonic, alors qu'on n'a pas tant l'impression qu'elle se soit particulièrement distinguée au cours des 10 ans écoulés, même si elle a au passage absorbé sa cousine Sanyo. Par comparaison, l'éternelle rivale de Panasonic, Sony, n'est que 19e.
Les marques-vedettes qui se classent entre ces deux groupes d'électonique appartiennent aux secteurs de l'automobile (Toyota, 9e), de la mode (Uniqlo, 7e), de l'alimentation (Kagome 8e, Ajinomoto 10e, Coca-Cola 18e, etc) ou encore de l'équipement domestique (toilettes/sanitaires Toto 12e).
Dans le reste de la liste, à partir de la 20e place et jusqu'à la 100e, les entreprises des secteurs de l'électronique et des technologies de l'information sont encore légion, avec quelques suprises. Le géant du jeu vidéo Nintendo n'est par exemple plus que 26e, ce qui le place derrière Casio (24e), firme à laquelle les montres et dictionnaires électroniques assurent manifestement une réputation bien entretenue.
Malgré ses téléviseurs à écran à cristaux liquides (LCD) connus de tous les Nippons et qui ont plus que ceux de tout autre groupe contribué à bouleverser la physionomie des TV de salon au cours de la décennie passée, Sharp n'est pour sa part que 32e. Arrivent ensuite ex aequo au 37e rang Toshiba et Mitsubishi Electric.Il ne fait aucun doute que si le classement était établi en Europe, le premier, bien plus connu, arriverait nettement devant le second qui fournit désormais surtout des équipements aux professionnels. Hitachi, principal concurrent de Toshiba, est pour sa part 51e en sa patrie. Enfin, à noter aussi la présence dans ce Top100 des marques les plus fortes au Japon au cours des 10 dernières années de Canon (47e), Fujifilm (87e) et Nikon (96e).
Ce classement reflète ainsi grandement à la fois l'évolution des centres d'intérêt et modes de vie des Japonais, les marques américaines de services en ligne ayant pris le dessus non seulement sur les marques nippones de produits technologiques mais aussi sur les marques européennes de luxe. Que le logo des vêtements basiques Uniqlo soit septième et que cette griffe soit la seule japonaise a être restée dans le Top10 tous les millésimes depuis 10 ans est symptomatique. On relèvera en outre l'absence totale de marques sud-coréennes (Samsung, LG) dont la présence est encore très récente et limitée au Japon, hormis pour les smartphones. Quant aux chinoises, n'en parlons pas.