Il y avait l'iPhone à zero yen, il y a désormais l'iPhone à -240 000 yens (-1700 euros). Eh oui, au Japon, l'iPhone tout comme d'autres smartphones populaires n'est pas gratuit, il est moins cher que gratuit. Sous certaines conditions, l'opérateur reverse en effet de l'argent au client, et pas qu'un peu.
Il faut les entendre les vendeurs dans les boutiques d'électronique de Tokyo, dès le pas de porte. C'est à celui qui criera le plus fort pour attirer les chalands. Le marché des smartphones est si concurrentiel au Japon qu'il est impossible pour les trois principaux prestataires, NTT Docomo, SoftBank et KDDI (marque au), de se contenter d'offrir des téléphones. Il faut sans cesse surenchérir sur l'offre du rival.
Exemple:un iPhone 5s coûtait près de 77000 yens à l'automne dernier. L'opérateur accordait une remise mensuelle pendant deux ans qui au total équivalait à ce prix, donc pour le client, in fine, c'était zéro yen. Désormais, le même iPhone est proposé à 0 yen (c'est l'opérateur qui paie la différence) et en plus, la remise globale sur deux ans de 77.000 yens est conservée, ce qui veut dire que le client non seulement a un iPhone gratuit mais en plus une ristourne sur l'abonnement de près de 550 euros !.
Autrement dit, les opérateurs en viennent carrément à acheter le client, en lui proposant même parfois, et c'est le comble, de lui rembourser en liquide une somme qu'il n'a pas même déboursée, ou de lui fournir des bons d'achat pour des sommes à peine croyables. On va jusqu'à voir des commerces qui proposent jusqu'à 240 000 yens (1700 euros) à une famille de trois personnes qui consentirait à migrer d'un seul coup d'un opérateur vers l'autre.
De fait, certains clients n'hésitent pas à changer non seulement de mobile mais aussi de fournisseur tous les deux ans (durée habituelle d'un contrat), ce afin d'obtenir le maximum de ristournes. Le geste est d'autant moins difficile à faire que le numéro d'appel peut être conservé sans frais. Cette course permanente au mieux disant a toutefois un prix. Selon les calculs du groupe d'information économique Nikkei, le total des subventions offertes sur les mobiles par les trois principaux opérateurs s'élèverait à quelque 1000 milliards de yens (7,5 milliards d'euros). Et ce n'est pas tout: une remise mensuelle est généralement aussi offerte qui doublerait la somme pour les trois opérateurs. D'un côté les opérateurs font tout pour attirer des clients, de l'autre ces derniers recherchent toujours la meilleure façon de payer moins, et au final ce sont les souscripteurs les plus fidèles qui payent le plus et surtout à la place de ceux qui jouent les girouettes. Pour se rattraper, les opérateurs assortissent de plus en plus leurs offres de base de prétendues options qui n'ont d'optionnel que le nom et sont en réalité obligatoires. L'utilisateur peut dans certains cas les désactiver ensuite, mais le fait est qu'il oublie souvent.
Le pire, c'est que les opérateurs incitent désormais de plus en plus les clients à acheter plusieurs téléphones, ou bien une tablette, un routeur Wi-Fi ou encore un cadre-photo numérique communiquant. Dans quelques jours, NTT Docomo va même proposer un service de suivi sanitaire pour les chiens (avec un collier 3G munis de plusieurs types de capteurs) , après avoir déjà équipé de mobiles spécifiques les vieillards et les enfants. Cela rappelle les mots d'un des précédents PDG de Docomo qui disait que “tout ce qui est mobile, être ou objet, est susceptible un jour de devenir un client de NTT Docomo”. Ce jour n'est pas loin.
Et c'est ainsi que, malgré le fait que le nombre d'abonnés au Japon dépasse de 10 millions la population, les abonnements continuent d'augmenter au rythme de plusieurs centaines de milliers par mois. NTT Docomo, SoftBank et KDDI ont en encore recruté chacun respetivement 267 500, 266 000 et 220 000 souscripteurs en février.
Faire acheter un deuxième appareil n'est parfois pas très compliqué si le premier acquis est un iPhone d'Apple. En effet, même si cet objet est extrêmement populaire au Japon, tous les clients reconnaissent ses lacunes ou s'en plaignent ouvertement. L'iPhone, contrairement à presque tous les autres mobiles nippons (y compris des téléphones à clapet de 5 ans d'âge) ne fait pas porte-monnaie électronique, ne permet pas de regarder la télévision numérique hertzienne One Seg, a une batterie d'une autonomie à pleurer, n'est pas étanche, n'a pas de carte mémoire, etc. Bref, il souffre d'une litanie de reproches . Pour autant, l'iPhone reste une vedette au Japon où les clients n'hésitent pas à combler les manques par des accessoires: une housse qui permet de glisser une carte porte-monnaie électronique et une autre “waterproof”, un module batterie de rechange, un récepteur One seg.
Il n'empêche, alors que Sony redouble d'efforts pour donner du tonus à sa gamme Xperia, d'aucuns soulignent que s'il veut garder les faveurs du public japonais, Apple a intérêt à proposer un prochain iPhone autrement mieux doté. Il semblerait déjà que le groupe américain ait choisi les nouveaux écrans IGZO de Sharp pour son prochain iPhone, ce qui permettrait d'améliorer l'autonomie (actuellement désastreuse) de la batterie, puisque lesdits écrans (déjà employés par Sharp pour ses smartphones et tablettes Aquos), consomment 5 à 8 fois moins que les traditionnels TFT-si.
Beaucoup aimeraient aussi que l'iPhone soit doté d'une puce sans contact pour les passes de train, métro et bus et le paiement dans les petits commerces. Au Japon, tous les transports en commun utilisent le même type de carte à puce (Suica ou Pasmo dans la région de Tokyo) et des dizaines de milliers de commerçants ou prestataires (taxis par exemple) acceptent les porte-monnaie électroniques associés ou d'autres comme Edy, Nanaco ou Waon. Le plus pratique est de les avoir tous dans son mobile.
L'étanchéité de l'iPhone, elle, est réclamée par de nombreuses Japonaises qui n'adorent rien tant que de dialoguer ou lire des sites divers avec leur iPhone pendant de longues dizaines de minutes dans le bain, ou encore d'y regarder la TV sur leur mobile, ce que ne permet pas non plus l'iPhone.
On ne sait si tous ces critères sont importants ou non pour les étrangers, mais au Japon ils sont de plus en plus discriminants et on ne doute pas un instant que les patrons de NTT Docomo, KDDI et SoftBank le répètent à l'envi aux dirigeants d'Apple.
Sans transition, pour compléter le sujet de la semaine passée sur les bitcoins, sachez que le gouvernement japonais ne porte pas vraiment dans son coeur cet avatar de monnaie qu'il qualifie de “chose”, selon un document rendu public ce vendredi 7 mars. Non seulement il ne reconnaît pas aux bitcoins le statut de monnaie, mais en plus les banques japonaises ou les maisons de courtage n'ont pas le droit de prendre en charge cette « marchandise » que le ministère nippon des Finances envisage en outre de taxer. Les spéculateurs n'ont quà bien se tenir.
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