Qu'on le veuille ou non, qu'on le trouve utile ou non, qu'on le trouve beau ou non, qu'on le trouve innovant ou non, Pepper, le robot que la société française Aldebaran a développé avec le groupe de télécommunications japonais SoftBank, fait le buzz au Japon. D'aucuns le jugent avant-gardiste, d'autres ringard, mais les deux en parlent, et pour ses concepteurs, c'est qui compte !
Pour ceux qui n'auraient pas lu la brève que Clubic lui a consacrée au début du mois, Pepper ("poivre") est un petit bonhomme de 120 cm de haut, monté sur roulettes (parce que ça consomme moins d'énergie que des jambes), avec un iPad en guise de ventre, une tête avec deux yeux, deux bras, deux mains. Sa principale faculté est de savoir tenir compagnie à un humain en discutant et en le renseignant au besoin. Une partie de l'intelligence de Pepper se trouve en réseau, ce qui permet de l'enrichir plus facilement et de lui donner d'emblée des facultés de compréhension que des semblables ont acquises avant lui. Selon le patron de SoftBank, Masayoshi Son, Pepper a une capacité toute particulière pour décrypter les sentiments et émotions de son interlocuteur, un élément essentiel dans une conversation. Il serait surtout capable de comprendre 80% d'un dialogue en japonais ! Quelques vidéos sur internet de clients qui sont allés le voir dans les deux boutiques de SoftBank où il est installés plaident en ce sens, saut que l'on a aussi la sensation que Pepper oriente la discussion dans le sens qui lui plaît, autrement dit entraîne l'interlocuteur dans son aire de connaissances. Il n'empêche qu'il ne manque pas d'humour.
Pepper, qui avait déjà été la star d'une conférence de presse au début du mois, était aussi l'invité-vedette de l'assemblée générale des actionnaires de SoftBank vendredi 20 juin et même d'un grand programme d'informations avec Masayoshi Son.
Masayoshi Son et Pepper se sont entretenus plusieurs minutes pour distraire l'assistance de près de 4.000 personnes avant que le premier ne fasse l'éloge du second qui peut paraît-il tenir compagnie aux humains 10 à 12 heures d'affilée, selon M. Son.
"Nous voulons offrir un robot qui ait une âme, comprenne les sentiments de son interlocuteur", a insisté le patron qui considère que l'arrivée des robots dans l'environnement humain sera une énième révolution comparable à celle que fut l'ordinateur personnel.
Pepper sait notamment déjà comprendre quand quelqu'un est content, triste ou en colère. De plus, plusieurs Pepper peuvent mutuellement se transmettre ce que chacun a appris.
"Pepper croît en apprenant, sait lire l'ambiance qui l'entoure", a souligné M. Son, ajoutant que "les enfants de demain sauront dès la naissance communiquer avec des robots".
Pepper est censé être d'une part capable de comprendre et enregistrer les traits caractéristiques et habitudes de sa famille d'accueil, connaissances qu'il garde pour lui-même, ou bien apprendre et retenir quelque chose qui a une valeur collective et dans ce cas le partager avec ses homologues via une base de données commune en réseau.
Concrètement, il peut faire la lecture aux enfants et dire ensuite à la mère de famille comment cela s'est passé, mais c'est un des rares exemples donnés pour le moment par ses concepteurs. Si bien qu'on ne sait pas trop ce que sa faculté à se déplacer, à remuer ses bras ou doigts lui confère comme fonction réelle si ce n'est celle de danser.
"Pepper bouge pour rendre les gens heureux", se explique le patron de SoftBank qui ajoute que Pepper peut rendre de grands services à une mère très occupée pour distraire les enfants en bas âge pendant qu'elle fait la cuisine !
"Le but de SoftBank est de faire le bonheur des gens grâce à la révolution de l'information", a insisté le gourou nippon du secteur. Le fait est que le Japon est le pays idéal pour les robots personnels dotés d'une sensibilité humaine (ou de ce qui y ressemble un peu), puisque les Nippons prêtent volontiers une âme aux objets, ce qui est encore plus facile quand ils sont semi-androïdes et capables de parler.
A un actionnaire qui demandait si Pepper ne pouvait pas aussi devenir vendeur d'Uniqlo (dont le patron est aussi administrateur de SoftBank), M. Son ont promis d'y songer, sachant que le premier emploi de Pepper est d'accueillir les clients de boutiques de SoftBank. Pepper sera proposé aux particuliers en février prochain pour environ 200.000 yens (1.400 euros) et certains participant ont souhaité qu'il soit vite commercialisé, implorant même un droit prioritaire pour les détenteurs d'actions SoftBank.
Pourquoi une société française peu connue en son propre pays finit-elle par réussir à imposer son robot dans un pays qui se considère justement comme le maître du monde en la matière ? Eh bien la réponse est simple: parce que le groupe SoftBank, qui a des têtes-chercheuses un eu partout et veut mettre la main sur toutes les technologies qu'il juge intéressantes sans considération d'origine, a repéré Aldebaran grâce à Nao, s'est dit qu'il y avait là un potentiel réel et en a conclu qu'il pouvait s'offrir cette innovante firme. Et c'est ainsi qu'Aldebaran est devenue en 2012 une société du groupe SoftBank, lequel lui donne sans doute les moyens techniques, financiers et commerciaux qu'aucun groupe hexagonal ne lui aurait sans doute accordés.
Les Japonais auxquels Pepper a été présenté l'on d'emblée adopté (et appelé Pepper-kun, le suffixe donné aux prénoms de jeunes garçons). Ils n'imaginent pas une seconde que Pepper soit né en France (il est en revanche fabriqué par le groupe taiwanais Foxconn): pour eux c'est une pure création japonaise signée SoftBank (et il faut dire que la communication du groupe le laisse facilement croire). Heureusement d'ailleurs qu'ils pensent que Pepper est japonais, parce que sinon ils seraient carrément déprimés et anéantis, déjà qu'ils sont sidérés que ce soit SoftBank et non pas Sony qui propose ce genre de produit. Souvenez-vous en effet que Sony avait été pionnier et avait peut-être même eu tort d'avoir raison trop tôt avec Aibo puis Qrio. Sony a jeté l'éponge il y a quelques années en estimant qu'il n'y aurait pas de marché de masse pour les robots personnels. SoftBank fait clairement le pari inverse.