Indiescovery, c'est votre rendez-vous hebdo avec le jeu vidéo indépendant. Une chronique libre rédigée avec passion après 2h12 de jeu exactement. Si on vous en parle, c'est qu'on a aimé. Bonne découverte !
Avant propos
Où l'on parle d'inadaptation...Comme je l'ai déjà dit par le passé, la difficulté est un trait inhérent au jeu vidéo. Extrêmement présent au début du média, elle a signé son grand retour ces dernières années avec une pléthore de titres mettant l'emphase sur un gameplay racé, précis, et ne laissant pas grand-chose au hasard.
Le changement majeur entre la difficulté des débuts, et celle que l'on peut retrouver aujourd'hui dans biens des titres, vient du fait que cette difficulté n'est jamais injuste, et qu'elle dépend entièrement e la capacité du joueur à dompter les mécaniques et les codes internes du jeu auquel il joue. Un titre comme Dark Souls par exemple, vous incitera à une prudence de tous les instants, chaque recoin du monde exploré renfermant un danger de mort potentiel. Bien souvent, l'arpenteur de Dark Souls trouvera la mort bêtement dans un passage vu et revu, simplement pour avoir fait preuve d'un excès de confiance (et si vous avez déjà joué à un épisode de la série des Souls, vous savez exactement de quoi je veux parler).
«un niveau d'exécution poussé à l'extrême, ainsi qu'une compréhension totale du niveau à parcourir »
La démarche adoptée par Super Meat Boy est toute autre. Dans ce titre, la difficulté vient du fait que chaque niveau demande un niveau d'exécution poussé à l'extrême, ainsi qu'une compréhension totale du niveau à parcourir. C'est pour cela que la Team Meat, à l'origine du projet, a fait particulièrement travaillé son level design, et les cycles qui les dirigent (mouvement des ennemis et des plateformes), tout en implémentant la mécanique de résurrection quasi instantanée, qui permet d'éluder les temps de chargements, et enchaîner un même niveau autant que faire se peut. Jusqu'à ce que le joueur entre dans la zone, cette sorte de flot parfait qui lui permettra de traverser le niveau d'une traite, sans même réfléchir. Une manière d'appréhender le gameplay que l'on retrouvera dans de nombreux autres titres, comme la série des Trials, ou l'excellent DeadCore (jouez-y, c'est formidable).
NÉANMOINS, il est une chose contre laquelle les créateurs de jeu ne peuvent rien faire. Une chose que même le design le plus léché ne pourra pas éviter. Un élément inhérent à chaque joueur : son inadaptation à tel ou tel type de jeu. Car oui, même si cela peut parfois faire du mal de se l'avouer, je ne pense pas que l'on puisse être bon à tous les types de jeu.
C'est d'ailleurs sur ce constat amer que s'est terminée ma session de gameplay de cette semaine. Lors de l'Indiescovery consacré à Exapunks, j'avais déjà été confronté à mes propres limites. C'était toutefois très différent de ce que j'ai ressenti cette semaine. Dans Exapunks, ce qui me manquait, c'était la logique purement mathématique se cachant derrière le langage de programmation du jeu. Les variables, les agents logiques et autres boucles m'étaient totalement étrangers, mais j'ai pu m'y faire. Apprendre. Comprendre. Entrevoir la logique derrière la mécanique. Et cela a provoqué chez moi un sentiment de joie intense, d'avoir réussi à conquérir ce pan de logique qui m'était auparavant inaccessible.
« Et au terme de mes deux heures douze habituelle, j'ai dû me rendre à l'évidence : ce type de jeu n'est pas fait pour moi »
Ce n'est pas ce qui s'est passé cette semaine avec Ashen. Ce titre, développé par A44, reprend à son compte la recette brillamment créée par la série des Souls. Un monde semi-ouvert, des combats millimétrés qui ne pardonneront pas la moindre erreur d'inattention.
Des morts. Beaucoup de morts. Des morts à l'Ashen même oserais-je dire dans mon cas - vous l'avez ? Et au terme de mes deux heures douze habituelle, j'ai dû me rendre à l'évidence : ce type de jeu n'est pas fait pour moi.
Pour être franc, je ne suis pas venu à bout de la première mission du jeu, qui consiste à récupérer deux items dans la première zone... ce qui correspond peu ou prou à l'introduction du jeu. Hum. Je me suis fait littéralement rousté à tous instants, incapables de survivre plus de 10 minutes sans périr sous les coups de l'un ou l'autre des ennemis. Et je suis mort bêtement aussi, comme la fois où, la fleur au fusil, j'ai voulu voir si mon personnage pouvait nager (sic). Je suis mort en boucle pendant toute ma session de jeu, grommelant de plus en plus dans ma barbe, à tel point que les collègues partageant mon espace de travail m'ont fait remarquer que j'avais lâché une quantité astronomique d'injures « à voix basse » - apparemment pas suffisamment.
Ashen m'a frustré. Énormément. Mais ce n'est pas de sa faute, loin de là. Car ses créateurs ont fait les choses dans les règles. Ce qui m'a frustré, c'est mon incapacité à jouer correctement. À placer mes coups, mes esquives. À surveiller ma jauge d'endurance. Bref, à maîtriser à ma convenance tous les aspects qui constituent le cœur du gameplay.
Je pense, à terme, que je ne suis pas le joueur adapté à ce genre de jeu. Je n'arrive pas à progresser. J'ai beau m'échiner comme un beau diable, tenter encore et encore, j'échoue lamentablement. Et ce n'est pas grave. Peut-être ne peut-on pas être bon à tous les types de jeux. Certains gameplay nous échappent, nous dépassent et nous ennuient même. Mais pour un jeu auquel nous sommes inadaptés, il y en a au moins deux autres dans lesquels il est possible de briller, car le jeu vidéo, c'est une multiplicité de genres, de thèmes, de mécaniques.
Ashen
par A44 (2019)Vous l'aurez compris, j'ai passé un sale quart d'heure - un plus que ça en réalité, mais vous voyez hein - sur Ashen. Alors pourquoi vous en parler aujourd'hui ? Et bien parce que ce n'est pas parce que je suis nul à un jeu, que le jeu, lui, est nul. Ne nous y méprenons pas. Ashen est très loin d'être un mauvais jeu, et il saura d'ailleurs assurément remplir la place laissée vacante par Dark Souls ; un bon substitut, oui, mais pas que... ce serait extrêmement réducteur.
Vous y incarnerez un personnage dans ses pérégrinations au cœur d'un monde aussi mystérieux qu'enchanteur. Pérégrinations durant lesquelles il devra se coltiner des ribambelles d'ennemis pour le moins agressifs, et combattre des boss tous plus impressionnants les uns que les autres (miam). Tout ça pour filer un coup de main l'Ashen, le dieu de lumière du coin, contre les ténèbres qui le menacent. Une destinée bien noble qui se réglera à grand renfort de bourre-pif bien sentis et autres décimations en règle de toute menace potentielle.
Ashen s'articule véritablement autour de deux grands axes. Le combat pour commencer, qui est une copie carbone de ce que l'on peut trouver dans les jeux de From Software. Un bouton pour attaquer légèrement, un pour les frappes lourdes. Une parade, une esquive, et la possibilité de verrouiller les ennemis. Le tout est bien évidemment dominé par la sacro-sainte barre d'endurance, qui se vide plus ou moins à chaque coup ou esquive, et qu'il faudra bien vite apprendre à utiliser avec parcimonie, sous peine de se retrouver dans l'impossibilité d'esquiver au moment critique. Ce qui sera presque systématiquement synonyme de mort.
Chaque mort vous fera perdre les Scories accumulés au fil des combats, et vous devrez vous rendre sur les lieux de votre décès afin de les récupérer. Enfin sauf si vous « décidez » de décéder entre temps bien sûr. Différentes pièces d'équipement, entre armes, protections, charmes et consommables vous permettront d'orienter votre progression, ainsi que votre survivabilité dans ce monde ô combien hostile.
« Les décors et le level design nous poussent toujours à avoir envie d'aller voir ce qui se cache derrière l'horizon »
Car le deuxième axe autour duquel tourne Ashen est celui de l'exploration. Et... même si je n'ai pas eu l'occasion d'en voir beaucoup, le monde créé pour l'occasion est une invitation criante à la promenade.
Les décors et le level design nous poussent toujours à avoir envie d'aller voir ce qui se cache derrière l'horizon. Et si l'on excepte les hordes d'ennemis qui se jettent sur nous à la moindre occasion, c'est un véritable régal de se balader par monts et par vaux. D'autant plus qu'Ashen s'avère suffisamment généreux dès lors que l'on décide de prendre son temps. Il sera en effet possible de découvrir de nombreux recoins renfermant un item spécial (essentiellement pour augmenter la vie ou l'endurance), ou une pièce d'équipement fort utile. Et si je n'ai pu les voir durant ma session, je sais grâce aux trailers et autres vidéos que j'ai pu voir, que le jeu regorge de panoramas à couper le souffle qui sont le fruit d'un travail impressionnant sur la direction artistique.
Car pour ne rien gâcher, Ashen est absolument magnifique avec sa direction artistique très low poly et ses textures chatoyantes. A44 a accouché d'un univers original et ravissant, dominé par des personnages dépourvus de traits, et pourtant, étrangement expressifs. Une prouesse qui donne un charme particulier au jeu, et lui confère une ambiance on ne peut plus intéressante. Sans vouloir vous spoiler, je sais aussi que le jeu propose un travail extrêmement intéressant sur la lumière, par le biais de séquences jouant sur l'obscurité comme élément de gameplay et élément esthétique.
Alors oui, j'ai sévèrement dérouillé sur Ashen. J'ai râlé. J'ai pesté. J'ai injurié le jeu, les développeurs et moi-même. J'ai posé ma manette et éteint le jeu plusieurs fois. Je me suis acharné. J'ai détesté Ashen même, parfois. Mais j'ai adoré le détester. J'ai adoré sa proposition, son univers, son esthétique... Certaines personnes vous en diraient que c'est un mauvais jeu, qu'il est trop dur ou mal équilibré... « Si tu galères tellement, c'est qu'ils ont raté quelque chose.»
Mais non. Là, c'est juste que... c'est moi qui suis mauvais. Ashen n'est ni fait pour moi ni pour des sessions de deux heures et quelques... ni pour celles ou ceux qui auront la critique plus rapide que le joypad ! Jouez-y, faites-vous votre propre opinion, apprenez de vos mortels échecs et appréciez votre lente progression vers la lumière. Et, s'il vous plait, allez découvrir ce qui se trouve au-delà de cette première zone de jeu... pour moi !
On vous laisse avec ce trailer du jeu (déjà disponible sur l'Epic Game Store) :