Ghost of a Tale : quand les rats ne sont pas là, la souris chante

Kevin Gainche
Par Kevin Gainche, Spécialiste gaming.
Publié le 30 mars 2019 à 12h45
Ghost of a tale

Indiescovery, c'est votre rendez-vous avec le jeu vidéo indépendant. Une chronique libre rédigée avec passion après 2h12 de jeu exactement. Si on vous en parle, c'est qu'on a aimé. Bonne découverte !

Avant propos

Où l'on parle de la France...

Si vous avez déjà mis le nez dans cette diatribe hebdomadaire que nous appelons Indiescovery, j'imagine que vous savez que la première partie consiste en un texte qui, d'une manière ou d'une autre, finit par nous ramener vers le jeu de la semaine. Aujourd'hui, j'avais l'embarras du choix quant au sujet à traiter. J'aurais pu vous parler d'animation, de fantastique (le genre évidemment), de petites bestioles mignonnes, mais j'ai plutôt choisir d'évoquer notre doux pays, la France. Car le titre que j'évoquerais dans quelques paragraphes est le fruit du travail d'une poignée de Français, et que les Français dans le jeu vidéo, il y en a quelques-uns. Et le pire, voyez-vous, c'est qu'ils se débrouillent comme des chefs ! Je ne vais toutefois pas me cantonner à vous parler des studios, développeurs et autres compositeurs français, mais aussi déblatérer un brin sur la place qu'occupe la France dans le jeu vidéo.

« Lorsqu'on pense au jeu vidéo, l'on fait souvent la distinction entre jeu japonais, et jeu occidental »



Lorsqu'on pense au jeu vidéo, l'on fait souvent la distinction entre jeu japonais, et jeu occidental, ce qui désigne bien souvent les productions américaines. Un raccourci un peu rapide lorsque l'on connait la propension des pays européens à accoucher de studios qui en ont dans le ventre. L'Angleterre, les pays nordiques comme la Suède ou la Finlande par exemple, mais aussi l'Allemagne, terre des jeux de simulations les plus obscures, sont des contrées riches d'une forte histoire vidéoludique. Et la France bien sûr. Bien au-delà d'Ubisoft, qui n'est plus vraiment une société française depuis bien longtemps, il existe de nombreux studios et créateurs qui ont, chacun à leur manière, marqué l'histoire du jeu vidéo. Eh oui, rien que ça !

Si j'en crois le tout-puissant Wikipedia (il faut bien se renseigner quelque part), notre beau pays comptait pas loin de 1200 entreprises dans le secteur du jeu vidéo à la fin des années 90, le hissant ainsi au cinquième rang mondial du secteur. Pas mal pour une aussi petite contrée non ? Des sociétés comme Microïds, Lankhor, Kalisto Entertainment, Delphine Software ou Infogrames, dont le nom vous est sans doute familier si comme moi, vous traînez vos guêtres dans le jeu vidéo depuis des temps immémoriaux. Si le jeu vidéo français a vivement souffert de la crise de 2002, entraînant la fermeture ou le rachat de nombreux studio, la French Touch comme aiment le dire les marketeux en tout genre, n'a pas pour autant succombé.

Ghost of a tale
Le début de l'aventure, enfermé dans une petite cellule...

Aujourd'hui, le jeu vidéo français ne s'est jamais aussi bien porté grâce à quelques studios qui ont accouché de quelques belles réussites. On pensera par exemple à Ankama, désormais à la tête d'un véritable empire bâti autour de Wakfu et Dofus, mais aussi aux Bordelais de Cyanide, à Quantic Dream (quoi que l'on pense de ce cher David Cage), les Lyonnais d'Arkane (qui font un travail formidable) ou encore à mes préférés : Dontnod (d'ailleurs, jouez à Remember Me ou Life is Strange, vous ne le regretterez pas). Autant de studios bien établis, régulièrement dragués par les grands éditeurs pour que leurs productions rejoignent leurs catalogues.

« Car voyez-vous, ces dernières années, le pays de Gérard Depardieu nous a livré quelques très jolies réussites chez les indés »



Mais se cantonner aux « gros » studios français serait une monumentale erreur. Car voyez-vous, ces dernières années, le pays de Gérard Depardieu nous a livré quelques très jolies réussites chez les indés. Carton monumental de 2017 et 2018, Dead Cells est le fruit du travail des Bordelais de Motion Twin qui sortait là son premier jeu hors navigateur (ils avaient quand même un sacré bagage avec La Brut ou Hordes). Un Metroidvania mâtiné de Rogue Lite aux faux airs de Dark Souls. Un cocktail explosif servi par des graphismes à tomber par terre et un gameplay aussi profond qu'exigeant qui a fait mouche à l'internationale, trustant les ventes comme la première page de Twitch pendant un petit moment.

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En tant que souris, vous pourrez vous faufiler dans de nombreux endroits inaccessibles aux autres animaux

Aux côtés de Motion Twin, on retrouve une ribambelle d'autres studios tout aussi compétents, qui vont, ou nous ont livrés des titres extrêmement plaisants. Je pense Swing Swing Submarines et son Seasons after Fall, aux productions d'Amplitude ou de Mi-Clos (Out There en tête). Je pense aussi au travail réalisé par Arkedo ou Pastagames, au Mother Russia Bleeds du Cartel (qui ne devrait pas tarder à annoncer sa deuxième production), à Neurovoider (et bientôt Scourgebringer) de Flying Oaks Games, à Fury par The Game Baker, et tant et tant d'autres que je n'ai pas la place de citer (sinon je vais me faire taper sur les doigts par mon chef de rubrique qui peut être assez virulent lorsqu'il le souhaite).

« Au-delà des studios, le jeu vidéo français, ce sont aussi une flopée de personnalités marquantes, des créateurs visionnaires »



Au-delà des studios, le jeu vidéo français, ce sont aussi une flopée de personnalités marquantes, des créateurs visionnaires qui ont chacun à leur manière apporté leur pierre à l'édifice du jeu vidéo. Michel Ancel par exemple, qu'Ubisoft peut encore aujourd'hui remercier pour avoir accouché de Rayman et de son univers, mais qui est aussi à l'origine de Beyond Good and Evil. Mais aussi Frédérick Raynal et son Alone in the Dark, Eric Chahi pour son Another World, et même un Yves Guillemot pour sa vision du jeu vidéo, qu'il insuffle à Ubisoft depuis sa création. Au-delà de ces créateurs, ce sont aussi des compositeurs incroyables qui sont apparus dans le sillage de ces studios. Prenez Christophe Heral, qui a donné sa couleur musicale à Beyond Good and Evil, ou encore Olivier Derivière, qui nous a livré l'incroyable BO de Remember Me (franchement, allez-y jeter une oreille, vous n'en reviendrez pas). Même chose pour Arnaud Roi, ou FlyByNo de son pseudo, responsable de la BO de toutes les productions Amplitude.

Ghost of a tale
Pour survivre, vous devrez apprendre à vous cacher des gardes

La place de la France dans le jeu vidéo ne se limite toutefois pas à ses créateurs. Car nos vertes contrées ont été maintes et maintes fois utilisées par les studios de jeu vidéo comme cadre pour leurs productions.

Cela n'étonnera personne, par exemple, que bon nombre de jeux vidéo abordant la première ou la Seconde Guerre mondiale y placent une partie de leur action. Il suffit de prendre les premiers Battelfield, Call of Duty et autres Hearts of Iron pour y trouver des références aux plages du débarquement et autres champs de bataille. Paris est aussi une destination privilégiée des jeux vidéo. Assassin's Creed Unity, Sly 2 : Band of Thieves ou encore les Chevaliers de Baphomet nous permettent ainsi de visiter la capitale et ses tréfonds. Mention spéciale à Remember Me qui nous présente une vision futuriste de Paname, sublimée par le travail de Viktor Antonov.

Je profite aussi de l'occasion pour vous parler d'Onimusha 3, dont une bonne partie de l'action se déroulait entre Paris et le Mont Saint Michel (qui n'oublions pas a été lâchement volé par les Normands aux Bretons), mais qui avait surtout le mérite de nous mettre dans la peau de nul autre que Jean Reno. Si ça, ce n'est pas la classe ! Tout ça pour vous dire, au final, que la France et le jeu vidéo, c'est une affaire qui roule plutôt pas mal.

Notre beau pays regorge de créateurs talentueux qui accouchent de jeux formidables à bien des égards. Et c'est pourquoi je suis fier de vous parler aujourd'hui de l'un d'entre eux.

Ghost of a Tale

par Seith CG (2018-2019)

« Ghost of a Tale est un titre créé par le studio Seith CG, qui est plus ou moins constitué de Lionel Gallat »



Ghost of a Tale n'est pas un jeu « récent » à proprement parler. Sorti en accès anticipé dès 2016, il a toutefois fallu attendre mars 2018 pour le voir débarquer dans sa version finale, et mars de cette année pour qu'il trouve son chemin sur console. C'est à cette occasion (et parce que j'ai enfin eu le temps d'y jouer dans le cadre de mon autre vie professionnelle), que j'ai décidé de lui consacrer cet Indiescovery. Ghost of a Tale est un titre créé par le studio Seith CG, qui est plus ou moins constitué de Lionel Gallat (même s'il a été rejoint au cours du développement par quelques autres personnes afin de le suppléer).

Ghost of a tale
La sortie des cachots, un moment merveilleux qui révèle toute la beauté du jeu

Venu tout droit de Perpignan, Lionel Gallat a fait ses premières armes chez Dreamworks et Universal en tant qu'animateur, officiant par exemple sur Gang de Requin ou Moi, Moche et Méchant. Lassé après quinze années passée à bosser dans l'animation, il a tout lâché pour créer son premier jeu vidéo, se chargeant du game et level design, de la direction artistique, de l'animation des personnages, du codage et d'une ribambelle d'autres petites choses. Et le moins que l'on puisse dire après avoir joué au jeu comme je l'ai fait, c'est que le bougre est bourré de talents !

« Le passif de Lionel Gallat dans le cinéma d'animation transpire par tous les polygones de Ghost of a Tale »



Et cela saute aux yeux, littéralement, dès les premières secondes après avoir lancé le jeu. Le passif de Lionel Gallat dans le cinéma d'animation transpire par tous les polygones de Ghost of a Tale. Environnements magnifiques, textures fines et détaillées, jeux de lumières et de particules saisissants, tout est déjà là pour nous mettre une petite claque dans les mirettes. Et puis notre personnage, une petite souris anthropomorphe, se met à bouger. Et là, que dire si ce n'est que j'ai passé quelques secondes, stupéfait, devant la beauté des animations. Chaque mouvement, du déplacement à la manière qu'a le rongeur de se hisser sur un élément du décor, frise la perfection. Et il en va de même pour l'intégralité des personnages, amis ou ennemis, que vous croiserez durant vos pérégrinations.

Ghost of Tale est beau. Incroyablement beau même. Et chaque section que vous traverserez constitue un témoignage vibrant du talent de Lionel Gallat, et de l'amour qu'il a déversé dans son jeu. Comme c'est souvent le cas dans les productions indépendantes, nous avons affaire là au travail d'un passionné qui a décidé de se consacrer corps à âme à la réalisation d'un projet qui lui tenait à cœur. La concrétisation d'une vision particulière, ancrée au plus profond de son auteur. Car au-delà de cette plastique de rêve, Ghost of Tale nous propose une expérience de jeu parfaitement satisfaisante.

Ghost of a tale
Adresse et discrétion seront vos plus fidèles alliés durant votre exploration

Comme son nom le suggère, le titre de Lionel Gallat adopte les atours d'un conte. Une jolie aventure, lorgnant sur le fantastique, qui nous met dans la peau de Tilo, une souris, barde de son état, emprisonnée dans le Fort Deruine. Sa quête ? Retrouver Mera, sa femme, elle aussi emprisonnée, sans pour autant qu'il sache ou. Après s'être échappé de sa cellule grâce à une aide providentielle, Tilo se lancera dans à corps perdu dans cette quête, rencontrant des personnages hauts en couleur, entre grenouilles pirates, rats messagers et souris voleuses. Autant de rencontres qui lui permettront de progresser dans sa quête, et dans la découverte de ce monde animalier.

« Une seule solution donc, fuir le combat, et contourner les obstacles en utilisant votre ingéniosité et votre capacité à vous cacher dans les éléments du décor »



Côté gameplay, Ghost of Tale joue la carte de l'infiltration. En tant que souris, vous n'êtes pas très fort, surtout face aux rats armés qui peuplent le Fort Deruine et ses environs. Une seule solution donc, fuir le combat, et contourner les obstacles en utilisant votre ingéniosité et votre capacité à vous cacher dans les éléments du décor. À vous de repérer les gardes et leur routine, de gérer le bruit que vous faites, ou d'utiliser tel ou tel objet pour décoincer une situation potentiellement dangereuse. Ajoutez à cela la possibilité de collecter diverses tenues afin de vous déguiser, et vous obtenez un gameplay très intéressant, qui s'apprivoise en quelques secondes, sans pour autant verser dans la simplicité.

Ghost of a tale
Les gardes rats, une menace de tous les instants lors de vos pérégrinations

D'autant plus que le travail effectué sur la conception des niveaux, et leur architecture, est absolument admirable. Labyrinthiques au départ, ils livrent peu à peu leurs secrets au gré de votre exploration et de vos découvertes. Raccourcis, clefs permettant d'ouvrir de nouvelles salles, passages secrets et autres choses du même acabit viennent constituer un tout parfaitement organique et très plaisant à visiter. Il en va de même pour l'histoire qui habille ses lieux. Car outre les rencontres avec les personnages, avec qui vous pourrez discuter, et qui vous donneront parfois des quêtes, vous pourrez aussi découvrir de nombreux documents à lire qui vous permettront de découvrir plus avant l'univers du jeu.

«. Car très franchement, Ghost of Tale vaut le coup d'œil, et pas uniquement pour sa beauté »



Je pourrais encore vous parler en long en large et en travers de Ghost of Tale et de ses qualités, alors même que je n'y ai joué que deux petites heures. Mais il est des univers qu'il faut découvrir par soi même et je ne voudrais vous en gâcher la primeur. Ghost of Tale vaut le coup d'œil, et pas uniquement pour sa beauté. Derrière cette façade extrêmement plaisante se cache un jeu d'infiltration extrêmement bien troussé, avec une narration et un univers solide, qui se paie en plus le luxe d'aborder des thématiques fortes avec une grande intelligence. Vous savez donc ce qu'il vous reste à faire (et vive le jeu vidéo français !)

On vous laisse avec ce trailer du jeu (déjà disponible sur Steam) :

Kevin Gainche
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