Au service d'une entreprise qui veut relier à son réseau un milliard d'objets connectés d'ici 2023, le programme permet de développer - en un minimum de temps - des solutions IoT économiquement viables.
En juillet 2008, la société française ouvrait sa première Hacking House au monde, à San Francisco, avant de la transférer à Chicago. Taipei et Paris ont à leur tour accueilli leur propre structure. « C'est un endroit où nous faisons se rencontrer des entreprises qui ont un problème pouvant être résolu par l'IoT et des compétences », nous explique en préambule Maxime Schacht, Business Operations Manager (manager du programme) du programme Hacking House de Sigfox.
À l'intérieur, on y retrouve des étudiants et des entrepreneurs qui souhaitent développer des solutions. « Nous organisons ce 'match' sous deux formes, poursuit Maxime. Il y a des projets corporate, où nous développons la solution pour l'entreprise en lui fournissant tous les documents de travail, pour qu'elle industrialise la solution par elle-même. La seconde offre, c'est de permettre aux plus petites entreprises de se positionner comme acheteur d'une future solution qui n'existe pas, et là nous fondons plutôt une start-up qui va ensuite créer cette solution. »
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Le programme Hacking House de Sigfox conduit plusieurs projets IoT, basés sur le réseau 0G, dont certains, vous allez le voir, jouissent d'un potentiel-usage certain. Pour en savoir plus sur ce que font ses équipes, nous avons dans un premier temps interrogé Maxime Schacht. Dans la deuxième partie de ce reportage, vous découvrirez plusieurs projets impulsés par la Hacking House, allant du compteur d'eau autonome au capteur d'ouverture d'extincteur, que notre interlocuteur nous présente en compagne de Philippe Tzou, responsable communication et partenariat chez Unabiz, opérateur officiel de Sigfox à Taïwan.
Partie 1 : Présentation de la Hacking House, l'interview de Maxime Schacht
Clubic : Quels types de profil retrouve-t-on au sein de la Hacking House ?
Maxime Schacht : Nous recrutons plusieurs profils d'étudiants et essayons de constituer des équipes très complémentaires. À l'intérieur d'une start-up IoT, nous avons souvent quelqu'un qui est plutôt orienté hardware. Il y a aussi des profils un peu plus software. Il y a par exemple le software embarqué (microprocesseur) lié à l'électronique, le software côté cloud (qui concerne plus les applications, la représentation de la data). Enfin, le dernier profil est plus orienté business. Car l'IoT, c'est surtout de la vente de retour sur investissement, il faut corréler la solution aux gains que l'on va générer pour l'entreprise.
Combien de personnes peut-on recenser dans une Hacking House ?
Le nombre peut varier entre 10 et 25 membres, selon la localisation et le budget. Nous avons créé une recette que nous mettons à disposition de l'écosystème. Nos opérateurs viennent du monde entier pour ouvrir des franchises de la Hacking House. Nous leur donnons une formule de budget mais ils gardent une certaine liberté. En France, nous avons choisi de bien rémunérer les étudiants et d'attirer des top talents, issus des meilleures écoles françaises. Dans l'hexagone, nous sommes sur une dizaine de personnes pour mener environ 5 projets. Dans d'autres localisations, le bénéfice que les étudiants y trouvent est plutôt d'être dans la peau d'un entrepreneur à la tête d'une start-up. Ils viennent plutôt chercher le coaching, et sont beaucoup moins bien payés qu'à Paris. Mais nous sommes sur des communautés un peu plus larges.
Il existe une version de la Hacking House à Paris. Prévoyez-vous d'en élargir le nombre ?
Aujourd'hui, nous avons une Hacking House à Paris, qui est managée par Sigfox. C'est un peu notre showroom. Tous les opérateurs et incubateurs qui veulent se spécialiser dans l'IoT viennent nous voir.
Nous ne laissons personne indifférent. Tout le monde y trouve sa place, soit en tant que contributeur, en apportant des projets à une de nos Hacking House, soit en répliquant localement avec un écosystème. Des fournisseurs de technologies d'électronique veulent aussi contribuer, car aider une start-up à émerger fait que derrière, ils vont vendre leurs produits à travers elle. Toutes les entreprises y trouvent leur compte.
Quand est née la première Hacking House ?
Elle a été créée il y un an, en juillet 2008 à San Francisco. Nous cherchons à disposer de 50 Hacking House à l'horizon 2023. Nous pourrions atteindre la dizaine d'ici un an.
Partie 2 : Les objets connectés 0G issus de la Hacking House
Plusieurs projets ont donc été développés au sein des Hacking House de Sigfox. Attardons-nous, pour débuter, à deux projets menés par celle de Paris, dont l'un est prêt à être commercialisé.
Sigfox a développé, avec la start-up grenobloise Hydrao, un compteur d'eau autonome qui fonctionne sans batterie et utilise du energy harvesting (de la récolte d'énergie). Le flux d'eau qui passe à travers le compteur génère de l'énergie et envoie des messages en Sigfox. Ces messages contiennent des informations sur la consommation d'eau, à la fois la consommation d'eau froide (en bleu) et la consommation d'eau chaude (en rouge).
« La cible de ce produit, ce sont les hôtels, les bailleurs sociaux et les résidences secondaires, car ce compteur d'eau autonome peut aussi détecter les fuites d'eau à l'intérieur d'un bâtiment », nous explique Maxime Schacht.
Le compteur sera commercialisé par Hydrao, qui avait déjà un pied dans les objets connectés avec une tête de douche connectée en Bluetooth. « La société a souhaité que nous réalisions le premier prototype, que nous lui avons rendu fin août », précise le manager du programme Hacking House.
« Cette solution, qui fonctionne sur le réseau 0G, est très peu coûteuse par rapport à des alternatives de compteurs connectés et est basse consommation, puisque la turbine génère un peu de courant et permet malgré tout d'envoyer des messages fréquemment. Une douche de 5 minutes par exemple va charger le système pendant 10 jours. ».
Le produit est prêt à être industrialisé et entrera sur le marché dans les prochains mois. Il n'aura donc fallu que 5 petits mois à Hydrao et Sigfox pour le développer.
La seconde solution est une petite clé USB destinée à connecter les décodeurs TV ou les routeurs WiFi. Elle permet à un fournisseur d'accès à Internet d'avoir, en temps réel, le statut de la box. « Lorsqu'il y a une panne, on appelle généralement le centre d'appel, on passe 10 minutes à attendre, puis on a quelqu'un au téléphone à qui on doit expliquer le statut, ce qui peut amener à l'intervention d'un technicien sur place. Tout ce processus coûte énormément d'argent au FAI », nous fait remarquer Maxime Schacht.
« Cette solution leur donne le statut en temps réel et va rendre l'appel beaucoup plus efficace. C'est un peu le Linky de la box Internet ou de la box TV. Un tableau de bord permet d'identifier la source de l'erreur et de régler le problème très rapidement. L'expérience utilisateur est ainsi meilleure, et les coûts pour l'opérateur vont être fortement diminués. »
La solution prend donc la forme d'une clé USB que l'on branche sur la box. Le but était de prouver la valeur de l'objet aux FAI afin qu'ils intègrent la connectivité Sigfox à l'intérieur de la box.
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La clé coûte moins de 10 euros à fabriquer, ce qui reste dérisoire pour l'usage. « Nous proposons aux FAI d'intégrer le module dans les box, une opération qui coûterait moins de 3 euros. Nous avons calculé le ROI avec des hypothèses venant du marché, et nous pensons qu'en 5 mois, ils auraient un retour sur investissement », détaille le responsable du programme Hacking House.
La Hacking House porte des projets corporate pour lesquels elle opère un transfert de la propriété intellectuelle au groupe, le but étant de le pousser à industrialiser l'objet. « Pour chaque autre projet, nous avons une start-up incubée chez un partenaire. Nous envoyons les start-up avec un prototype fonctionnel, un seul speech et un business plan, qui peut conduire à amener le produit sur le marché. La commercialisation doit intervenir entre 6 mois et 1 an », conclut Maxime Schacht.
Philippe Tzou, lui, gère la Hacking House de Taipei, qui est la première franchise Hacking House. Ce taïwanais qui maîtrise aussi bien le français que l'anglais ou le chinois, exerce du côté de Taipei depuis six ans au sein d'Unabiz, une start-up qui n'a que 3 ans d'existence et qui a pu développer son business en tant qu'opérateur et en tant que designer de produits Sigfox, vendus dans une vingtaine de pays à travers le monde où le réseau 0G est déjà déployé.
« Nous essayons de servir la Hacking House d'une manière un petit peu différente peut-être que Sigfox, puisque nous travaillons exclusivement avec des sponsors qui fournissent la technologie qui doit être adoptée dans la Hacking House à Taipei et qui veulent voir leur technologie être utilisée par les projets de la Hacking House, comme la technologie Sigfox », indique Philippe Tzou.
La première édition de la Hacking House à Taipei fut extrêmement fructueuse puisque sur quatre start-up, deux sont en train de devenir de vraies technologies commercialisables. L'une d'entre elles a pu se développer grâce à un projet que Paris avait commandé à la Hacking House de Taipei.
Et c'est tout naturellement que nous vous présentons l'équipement destiné aux extincteurs. Dès qu'un extincteur est utilisé, « nous envoyons un signal pour que l'opérateur de l'immeuble ou du lieu dans lequel il se trouve sache que l'extincteur a été utilisé. » Ce capteur, tout simple, détecte lorsque la goupille de l'extincteur a été retirée, avant même son utilisation. La détection est signalée entre 3 et 5 secondes.
Il existe une autre problématique liée aux extincteurs, qui concerne le fait de remettre à sa place l'engin après chaque utilisation. « L'équipe travaille sur une deuxième version dotée d'une technologie de géolocalisation indoor (intérieur) qui puisse nous indiquer si l'extincteur a bien été remis à sa place. Cette équipe 100 % taïwanaise et est composée d'étudiants. Elle est en train de monter sa start-up à Taipei et de déposer un brevet, pour construire tout un projet commercial, qui a été engendré par la Hacking House », détaille Philippe Tzou.
Le projet suivant est parti d'une start-up qui a voulu utiliser la Hacking House pour accélérer le développement hardware de son projet commercial. Il s'agit d'un capteur qui peut se plugger (relier) directement à une voiture avec l'interface qu'on appelle ODB-2, qui permet de capter toutes les données de la voiture, à savoir la vitesse, les fréquences d'utilisation des freins etc.
Ces données sont ensuite collectées puis mises à disposition de l'assureur si besoin, qui « pourrait mieux évaluer le risque que représente l'automobiliste. » La deuxième version a été développée récemment, et « un premier prototype fut présenté à Taipei en présence de l'ancienne ministre de la Culture Fleur Pellerin », nous raconte Philippe Tzou. Il s'agissait à l'époque du tout premier modèle présenté par une start-up qui venait dans la Hacking House pour faire sa propre accélération. La Hacking House a véritablement permis de faire l'accélération sur le plan hardware, avec la start-up software qui fournit à la fin les deux composants, pour offrir une solution complète clé en main à l'assureur.
Le troisième projet présenté par Philippe Tzou est à mettre au crédit de deux freelances hardware et software français basés à Taïwan, qui ont développé, avec le Hacking House, un produit qui se menotte au niveau du cou d'une bonbonne de gaz. « Lorsqu'une bonbonne de gaz est renversée à 180°, on peut détecter avec le gyromètre qui est à l'intérieur qu'il y a bien ce mouvement à 180°, connaître les adresses Mac et WiFi de la ville pour pouvoir géolocaliser cet engin, et donc utiliser une fonctionnalité beaucoup moins énergivore que le GPS, et savoir quand est-ce que cette menotte a été enlevée de la bonbonne de gaz. »
Ces détails apportés par Philippe Tzou ne sont pas tombés dans l'oreille d'un sourd. Le 20 novembre, UnaBiz et SORACOM, qui ont développé ce projet, ont annoncé avoir signé un partenariat avec la firme Nippon Gas Co (« NICIGAS ») pour procéder à la rénovation intelligente, d'ici fin 2020, de 850 000 compteurs au pays du Soleil-Levant, qui seront transformés en compteurs de gaz modernisés. Ils bénéficieront d'une unité de contrôle réseau qui collectera et transmettra des données sur la consommation de gaz à la plateforme de données IoT NICIGAS, en utilisant le réseau 0G de Sigfox développé au Japon. Il sera ainsi possible d'accéder à distance au robinet d'arrivée de gaz, et accessoirement de profiter d'une durée de vie de l'unité de contrôle pouvant aller jusqu'à 10 ans. Ce sont ses accumulateurs internes qui permettront à l'appareil basse consommation de jouir d'une telle longévité. Il s'agit du plus gros déploiement d'équipements intelligents dans le secteur des services d'utilité publique japonais.
Les 850 000 compteurs devront être produits et installés dans les 18 prochains mois.
Aujourd'hui, « 25 étudiants (seulement 3 taïwanais) issus de 12 nationalités viennent à notre Hacking House, sur notre lieu d'incubation, sur leur temps libre, pour travailler sur leur projet. Nous travaillons aussi avec plusieurs universités à Taïwan », affirme Philippe Tzou, qui a évoqué pour nous d'autres projets développés par la Hacking House de Taïwan.
« Nous travaillons avec des producteurs de café en Amérique latine qui travaillent sur ce que l'on appelle la rouille de café, où les feuilles de café ont des problèmes de photosynthèse avec des tâches causées par un champignon qui se propage beaucoup dans les plantations, jusqu'à faire descendre la production du Honduras de 30 % en 2017. C'est du smart farming et le potentiel est immense. Enfin, le dernier projet concerne les postiers. Nous aimerions savoir si une boite aux lettres dans la rue contient du courrier, pour éviter au facteur de devoir faire son voyage et d'ouvrir une boite aux lettres vide, de façon à optimiser son chemin de collecte du courrier. »