Pour Fleur Pellerin, la question de la fusion entre le CSA et l'Arcep n'est pas seulement une affaire d'institutions. Dans une entrevue accordée aux Echos, la ministre de l'Economie numérique a précisé que : « l'un des enjeux majeurs de la commande passée par le Premier ministre est celui du modèle économique de la diffusion de l'information. En télévision, les fréquences sont attribuées gratuitement en échange d'obligations de financement de la production audiovisuelle. Mais les nouveaux acteurs tels que Google TV, Amazon TV ou Netflix vont concurrencer les chaînes de télévision traditionnelles sans être soumis à ces mêmes contraintes ».
Sur ce point, le CSA avait déjà donné en avril 2011 sa position au sujet des « téléviseurs connectés à Internet ». Le conseil pointait ainsi du doigt « la différence des règles imposées aux services de télévision et de radios et aux contenus diffusés par internet, entre services nationaux et services établis à l'étranger ». Selon le Conseil, ce point devait donc être scruté plus attentivement par les pouvoirs publics.
Outre le fait que l'Agence nationale des fréquences (ANFR) devrait vraisemblablement être intégrée dans ce projet de rapprochement, la ministre a également tenu à affirmer qu'elle veillera au respect du principe de neutralité. Elle explique : « Nous sommes opposés à la surveillance généralisée et au filtrage. Nous restons très attachés à ces principes. La question n'est pas de limiter la liberté d'expression et les capacités d'innovation liées à la neutralité du Net ».
Pour rappel, la neutralité du réseau (également appelée neutralité d'Internet ou du Net) est un principe qui implique, par définition, d'exclure toute discrimination à l'égard de la source, de la destination ou du contenu de l'information transmise sur le réseau. Bien qu'il faille distinguer l'architecture logique (Web, applications...) de celle physique (le réseau, les câbles...), l'ensemble des acteurs publics doivent donc opérer une balance entre d'un côté l'ouverture du réseau et de l'autre la régulation du trafic.
Dans les faits, certains observateurs craignent que cette fusion des deux autorités permette aux FAI de véritablement prendre la main sur les contenus vidéo puis de proposer des forfaits en conséquence à leurs abonnés. Dans un contexte où la concurrence mondiale risque d'être plus acharnée avec la Google TV ou l'Apple TV, une équilibre doit donc être trouvé entre l'arrivée d'acteurs internationaux majeurs et la promotion des offres des opérateurs français.
Alors que le gouvernement met en place les instruments visant à définir l'Acte II de l'exception culturelle, notamment via la mission Lescure, nul doute que les opérateurs seront mis à contribution. Ces derniers pourraient ainsi avoir des obligations « en matière de diversité ou de financement de la production justifie ainsi une réflexion d'ensemble sur l'architecture de nos dispositifs de régulation », explique Fleur Pellerin. Reste à savoir en échange de quoi les opérateurs accepteront ces obligations.
Mise à jour
A son tour, l'Arcep a répondu au signal donné par le Premier ministre. Dans un communiqué, le régulateur estime qu'il est « utile de mener une réflexion globale sur la régulation de l'audiovisuel, des télécoms et de l'internet, tout en gardant à l'esprit les différences de finalité, d'intensité et de modalité entre la régulation des réseaux, celle des programmes audiovisuels et le régime applicable aux autres contenus acheminés sur ces réseaux ».
L'Arcep accompagnera donc l'éventuel processus de fusion avec le CSA et l'ANFR et s'accorde à penser que les PC, tablettes, smartphones et autres TV connectées « restreignent progressivement la portée de la régulation actuelle de l'audiovisuel, principalement liée à la diffusion hertzienne ».
Version initiale de l'article publié le 23/08/2012 à 12:51