À VivaTech, Joëlle Pineau, qui dirige l'activité de recherche en IA chez Meta, nous a expliqué l'importance de l'intelligence artificielle pour le groupe majeur des réseaux sociaux.
Ces dix dernières années, Meta a massivement investi dans l'intelligence artificielle et est parvenue à bâtir une équipe de recherche composée de scientifiques chevronnés afin de jouer un rôle majeur dans le domaine et ainsi de s'ériger en leader. L'entreprise de Mark Zuckerberg dispose à ce titre de plusieurs laboratoires, dont l'un est installé à Paris depuis 2015. « Au départ, nous étions focus sur les idées de recherche », nous confie Joëlle Pineau, directrice générale de l'activité de recherche fondamentale en IA de Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp et Messenger). Elle a accepté de discuter avec Clubic de la rapide évolution de l'intelligence artificielle.
IA : Meta cinquième, vite !
Rencontrée à VivaTech, Joëlle Pineau nous rappelle avoir déjà obtenu des résultats probants depuis 5 à 6 ans sur des sujets comme l'analyse d'images, la détection des contenus haineux et violents, et la traduction dans de multiples langues. Ces procédés sont aujourd'hui bien installés et parfaitement perceptibles sur les plateformes Facebook et Instagram notamment.
Tout s'accélère. « Dans la dernière année, on a vraiment vu une accélération au niveau de la recherche, que ce soit chez Meta ou ailleurs. Les chercheurs ont fait de grands progrès sur les modèles notamment basés sur des techniques d'auto-supervision », nous explique Joëlle Pineau. Ici, la firme américaine est passée à l'échelle, avec les modèles de langage (comme LLaMA) ou des modèles de vision.
La veille de notre entretien, Meta dévoilait justement un nouveau type d'intelligence artificielle, que l'on pourrait qualifier d'IA de vision par ordinateur prédictive. I-JEPA (Image Joint Embedding Predictive Architecture), c'est son nom, repose sur la vision même du monsieur IA de Meta, le Français Yann LeCun. Elle se destine à raisonner comme l'être humain, à se rapprocher de l'intelligence humaine. « C'est l'un des modèles qui nous permet de construire des représentations qui peuvent prédire l'information, construire des modèles prédictifs », explique Joëlle Pineau. « On essaie de mettre au point des modèles qui seraient capables de barrer les fausses informations et de donner plus d'intégrité à celles qui sont bonnes », ajoute-t-elle.
Une IA encore largement perfectible, très loin d'avoir montré tout son potentiel
L'IA fascine autant qu'elle fait peur. L'Union européenne, comme d'autres, ne cache plus sa volonté de réguler le secteur. Chez Meta, on ne voit pas cela comme un obstacle, mais davantage comme une sorte de normalité face à une technologie disruptive. « Ce n'est pas un frein en soi. Il y a des choses qu'on faisait avant et qu'on fait moins maintenant », complète Joëlle Pineau.
« Je dirais que la compréhension des enjeux biométriques par rapport au consentement est aussi en train d'évoluer. On y va de façon préventive. Quand on doit arrêter de travailler avec un jeu de données, ça veut dire qu'il faut se doter d'un autre jeu de données, mais cette fois issu de consentements légitimes. Ou alors il faut chercher des licences sur des données. On a fait des modèles par rapport à la musique par exemple, qui est un enjeu majeur, notamment au sujet du copyright », poursuit la scientifique.
Les récents changements survenus chez Meta grâce à l'IA concernent, entre autres, l'analyse des vidéos. L'entreprise comprend mieux le contenu, grâce à des modèles qui analysent les informations et se mettent ensuite au service de la modération ou de la recommandation de contenus. Dire que l'IA, qui possède un énorme potentiel, n'en est encore qu'à ses balbutiements. « Les plus gros changements sont à venir », nous annonce la chercheuse.
3 dernières questions à Joëlle Pineau…
Clubic : l'IA peut-elle aider à redorer l'image des réseaux sociaux ?
Joëlle Pineau : C'est certain. On peut voir les choses sous deux angles différents : au niveau du public, on est peut-être sur un discours plus négatif, mais dans la pratique, le nombre d'utilisateurs est énorme. Les gens trouvent quand même quelque chose qui leur parle, qui leur ressemble, qui leur sert dans le quotidien à créer des liens et à découvrir de nouveaux intérêts. Il faut miser sur un modèle qui permette aux usagers de contrôler la façon dont ils les utilisent, et le faire de façon positive.
En tant qu'ancienne musicienne, on imagine que la question des droits pour les créateurs de contenu vous tient à cœur…
On travaille sur des modèles qui peuvent comprendre de la musique, qui sont capables de générer différents types de musique, avec différents styles. C'est intéressant, parce que ça permet au créateur de bénéficier d'une nouvelle expérience qui est un peu à un autre niveau d'abstraction, et ça ouvre les portes à de nouveaux créateurs.
Vous avez constitué, au sein de Meta, une équipe composée en majorité de femmes. Était-ce difficile de convaincre ?
C'est mon équipe de leadership qui a une forte présence féminine. À travers l'entreprise et nos chercheurs, nous avons encore du travail à faire pour avoir vraiment une belle diversité. Dans mon équipe, ça s'est fait naturellement, et c'est plus facile d'attirer des femmes, quand il y en a déjà dans l'équipe.