SF Eden de Hiroki Endo

En 1998 sortait, au Japon, le premier tome d'Eden, mémorable manga de science-fiction. L'œuvre avait ensuite eu droit à une première publication chez Panini entre 2004 et 2008. Si vous n’étiez pas en âge de lire ou (qui sait ?) même pas encore nés à ce moment-là, c’est votre chance : l'œuvre est de retour chez l'éditeur italien, dans une édition de toute beauté.

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Nous nous donnons 5 citations et 5 paragraphes pour vous convaincre.

Eden

Hiroki Endo

L'histoire comptée par Eden se déroule dans un futur proche, alors que l’humanité a été décimée par un funeste virus, qui durcit la peau des malades jusqu’à les asphyxier. Face à l’agressivité de la maladie, les peuples n’ont pas su se défendre et la société telle qu’on la connaît s’est rapidement effondrée.

Sur une petite île abritant un ancien complexe expérimental, nous suivons Enoa et Hana, deux adolescents, et un adulte appelé Morris. Ce dernier est contaminé par le virus et sait qu’il ne lui reste plus beaucoup de temps à vivre. Les deux ados sont pour leur part convaincus d’être les derniers survivants sur Terre, et s'interrogent : doivent-ils se la jouer Adam et Ève en fondant une nouvelle société, ou simplement regarder l’humanité s’éteindre avec eux ?

« On dirait même que nous sommes conçus uniquement pour ça : changer ! »

Sauf que, et nous l’apprendrons bien vite, Enoa et Hana ne sont pas seuls sur Terre. Malgré des années de souffrance, les humains sont toujours là, bien qu'en nombre considérablement réduit. Nos deux protagonistes en font l'amère expérience lorsqu’un hélicoptère atterrit sur leur île et qu’une fusillade se déclenche. Un avant goût pour eux d'une société désormais rongée par la corruption et les luttes de pouvoir.

Le premier tome d’Eden démarre avec un prologue très bien pensé. Les traces de la tragédie sont toujours là, mais tout est calme et paisible. Nos protagonistes passent le temps comme ils le peuvent en célébrant des fêtes qui n’existent plus et en cultivant des légumes qui peinent à les nourrir. Ce prologue se démarque en fait nettement du reste de l'œuvre, riche en action et parfois carrément trash.

Eden Hiroki Endo

« Ça alors ! Un corps pétrifié ! »

Comme dit plus haut, lorsqu’une personne meurt du virus elle voit sa peau se durcir jusqu’à l’immobiliser complètement. Ses organes deviennent ensuite de la bouillie, qui sort par les orbites, la bouche… Terrifiant, non ?

Il faut en effet bien garder en tête qu’Eden n’est pas une œuvre tout public. Hiroki Endo n’hésite pas à choquer ses lecteurs pour les confronter à la dureté du monde dans lequel évoluent ses personnages.

Pourtant, cette violence n’est jamais gratuite. Les scènes d’action sont nombreuses et plutôt fluides, un exercice pourtant compliqué en manga, et en bande dessinée de manière générale. Lorsque les choses dégénèrent, le trait reste harmonieux, élégant même dans la cruauté.

« Il fallait bien que quelqu’un paie pour ce qui s’est passé ! »

La société née des décombres a su faire face au virus, mais au prix de nombreux morts. Le prix, c’est aussi celui de la paix : une fois passé le prologue, nous découvrons un monde d’armées et de mésententes. Au milieu de tout cela, nous suivons également le jeune Elia, accompagné d’un robot à l’intelligence artificielle très aboutie, qui l'aide à survivre dans cet univers sans pitié.

Eden aborde et digère ainsi de nombreux sujets. L'œuvre parle géopolitique quand elle imagine les guerres qui ont pu naître de la pandémie ; elle parle aussi inégalités de genres, avec des personnages féminins variés et assez intelligemment développés. L’auteur s’autorise même à questionner la vision des femmes construite au fil des siècles à travers la Bible. Eh oui parce que, vous vous en doutez sans doute, le nom d’Eden n’est pas anodin : la religion est aussi un sujet central du manga.

« Si j’étais Dieu, une chose est sûre… je n’aurais pas mis le monde dans cet état ! »

Nous le disions, difficile pour Enoa et Hana de ne pas se comparer à Adam et Eve. Sans avoir la grosse tête, les deux adolescents ont lu et relu la Bible que leur a donnée Morris et se posent des questions sur leur rôle vis-à-vis de l’humanité. La religion est ainsi une thématique souvent abordée au cours de l'œuvre, Hiroki Endo parvenant tout de même à ne jamais basculer dans le prosélytisme.

Comment continuer à croire en Dieu dans un monde qui semble régi par l’injustice et la convoitise ? Quel est le rôle d’une entité supérieure lorsqu’on peut se construire un corps entièrement robotisé qui nous permet de défier les outrages du temps ? Et finalement, le virus n’est-il pas une punition divine, inévitable ? Eden apporte de vraies réflexions sur le sujet, et toutes habilement amenées.

« Une chose est sûre, cette pandémie fait grimper les tensions internationales ! »

Difficile, en lisant ce manga, de ne pas faire de parallèle avec la situation actuelle. La façon dont la catastrophe engendre une peur de l’autre, les inégalités sociales accrues par la pandémie… Eden semble presque prophétique tant certains aspects de l’histoire rejoignent notre actualité. Il faut néanmoins prendre en compte le message de l’auteur derrière l’histoire : pour lui, l’humanité est en constante évolution, et ces changements font partie de sa nature profonde. Rien n’indique en revanche qu’elle prendra toujours la bonne direction...

Eden est édité chez Panini.

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