Le chiffrement des téléphones aide-t-il potentiellement les criminels ?

Audrey Oeillet
Publié le 20 novembre 2014 à 16h32
La justice américaine s'inquiète de la multiplication des systèmes qui permettent de protéger le contenu d'un téléphone mobile en lui appliquant un système de chiffrement. La démocratisation de telles mesures pourrait être un frein dans certaines enquêtes, estiment les autorités.

Le système de chiffrement ajouté aux iPhone pourrait « mener à une tragédie », estime le ministère de la justice américain. « Un enfant va mourir, parce que la police ne pourra pas fouiller le téléphone d'un suspect » aurait même déclaré le numéro 2 du département de la justice, raconte le Wall Street Journal. Des propos tenus début octobre, lors d'une réunion consacrée aux inquiétudes autour du développement de ces mesures de protection.

Apple n'est pas le seul concerné

Si le ministère de la justice américain cherche à faire passer un message à Apple, concernant les méthodes de chiffrement intégrées dans iOS 8, l'entreprise n'est pas la seule concernée. Google, avec Android L, propose également le chiffrement des données par défaut. Mais la firme de Cupertino est clairement dans le collimateur des autorités.

Selon une source du WSJ ayant assisté à la réunion, et qui est citée par Ars Technica, le sous-procureur général James Cole n'aurait pas hésité à qualifier la démarche d'Apple de « marketing pour les criminels ». « Monsieur Cole a offert à l'équipe d'Apple une prédiction macabre : un jour, un enfant va mourir, et la police va déclarer qu'elle aurait pu le retrouver avant ou bien capturer le tueur, si seulement elle avait pu fouiller dans les données d'un certain téléphone. »

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Le FBI est particulièrement inquiet de la situation. « Je crois profondément en la loi, mais je crois aussi que personne dans ce pays n'est au-dessus des lois. Ce qui m'inquiète ici c'est que des entreprises puissent délibérément faire la promotion de quelque chose qui mette les gens au-dessus des lois » déclarait en septembre dernier son directeur, James Corney. Ce dernier a réitéré ses craintes quelques semaines plus tard, devant le congrès américain.

Le chiffrement, une protection dangereuse ?

Les autorités américaines sont les premières à pointer du doigt cette situation, mais il y a fort à parier qu'elles ne seront pas les seules à s'en inquiéter. Autant qu'Apple joue vraiment la carte de la sécurité : « Contrairement à nos concurrents, nous ne pouvons pas contourner votre mot de passe, et donc nous ne pouvons pas accéder à vos données personnelles. Il est donc techniquement impossible pour nous de répondre aux mandats gouvernementaux concernant des demandes d'extraction de données sur des appareils dotés d'iOS 8. »

Pourtant, selon Jonathan Zdziarski, un expert en sécurité spécialisé dans les produits d'Apple, le chiffrement n'empêche pas d'accéder aux données. « Je peux y accéder, et je suis sûr que les gars en costumes du gouvernement peuvent le faire aussi » déclarait-il en septembre à Wired. En somme, si Apple assure qu'il ne coopérera pas, ce sera aux experts judiciaires de trouver des solutions.

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Une réponse à l'affaire PRISM

Si le chiffrement des smartphones est capable de nuire aux enquêtes judiciaires, il faut par ailleurs rappeler que sa démocratisation prend largement sa source dans l'absence de transparence de certaines autorités vis-à-vis de la population mondiale. C'est en effet depuis l'explosion de l'affaire PRISM, durant l'été 2013, que la nécessité de sécuriser ses données personnelles a commencé à se faire sentir pour la majorité du public. La perspective de voir ses communications et autres échanges épiés par la NSA a autant échaudé les internautes que les entreprises technologiques, qui ne voulaient en aucun cas être liées à cette surveillance brutale. En témoigne les actions menées par Google, Apple, Microsoft et d'autres entreprises pour s'opposer aux pratiques de la NSA.

Moralité : à force d'espionner massivement les gens pour tout et rien, les autorités ont motivé la démocratisation d'une protection qui complexifie désormais l'utilisation de méthodes de contrôle au cas par cas dans des affaires plus ciblées. Un cercle vicieux dont les conséquences pourraient, selon la justice américaine, être dramatiques. Mais dans cette histoire, on est en droit de se demander si les entreprises qui proposent du chiffrement sur leurs appareils sont les véritables entités à blâmer.
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