Parler des relations humaines à travers le quotidien connecté des hommes, des femmes et de leurs enfants : la base du nouveau film de Jason Reitman, réalisateur de Juno, avait de quoi intriguer. Men, Women & Children, film choral qui flirte parfois avec le docu-fiction en raison d'un choix narratif étonnant - une voix off intervient fréquemment pour commenter ce qu'il se passe à l'écran - s'avère au final plutôt décevant dans la manière dont il aborde Internet, ses avantages, mais surtout ses inconvénients.
Une vision trop négative des réseaux sociaux
Le film décrit plusieurs histoires qui s'entrecroisent, de l'ado abandonné par sa mère qui arrête le sport pour jouer à Guild Wars à celui qui, abreuvé de vidéos déviantes sur YouPorn, n'arrive plus à fantasmer de son propre chef, en passant par le couple en crise qui se tourne vers les sites de rencontre pour s'essayer à l'adultère. Et puis il y a la mère parano, qui surveille H24 l'ordinateur de sa fille, et utilise le GPS de son téléphone pour la suivre à la trace, la pom-pom girl obnubilée par son poids, qui cherche des réponses sur les forums pro-ana, et celle qui poste des photos coquines d'elle en espérant se faire remarquer par un producteur.En 10 minutes, on a l'impression d'avoir fait le tour de tous les poncifs du Web et de ce qui gravite autour. Le problème, c'est que cette image, globalement négative, d'Internet et des réseaux sociaux est censée servir une vision sociale des relations humaines. Mais les personnages s'avèrent bien trop caricaturaux pour que le spectateur puisse s'y identifier : on a souvent l'impression d'être devant des spots de pub qui mettent en garde contre les dangers d'Internet, des réseaux sociaux et des jeux vidéo. Face à un tel constat, la finalité des différentes histoires est relativement prévisible, et on n'échappe pas non plus aux leçons de morale à grands sabots.
Un sujet pas nouveau
Si le traitement réalisé par Men, Women & Children interpelle par sa mise en scène, le sujet est, lui, loin d'être nouveau. En 2009, le film français LOL s'était déjà penché sur le sujet du conflit de générations sur fond d'omniprésence du Web et des SMS dans le quotidien des adolescents. Sans éviter certains poncifs, le film choisissait une tournure plus sociale pour déchiffrer la situation.Quant à la question de la place des technologies et de l'accès à l'information au quotidien, elle a inspiré les cinéastes, mais également la télévision. Dans les salles, on peut citer le récent Her, de Spike Jonze, dans lequel un homme tombe amoureux de l'intelligence artificielle qui habite son téléphone et son ordinateur. Ici, le message passe en filigrane, à travers une histoire d'anticipation de plus en plus proche de la réalité. Et ça fait réfléchir.
Enfin, la télévision britannique, avec la série d'anthologie Black Mirror, se penche également sur différentes facettes d'une existence de plus en plus liée aux écrans et aux nouvelles technologies. Télé-réalité, voyeurisme sur le Web, nouvelles technologies intrusives... le programme change de sujet à chaque épisode, n'hésite pas à choquer pour faire réfléchir, et abat des cartes bien plus subtiles que celles visibles dans le film de Reitman. En voulant tirer sur tout ce qui bouge, Men, Women & Children finit bien vite par assommer le spectateur sous un certain fatalisme, et n'hésite pas à abandonner ses personnages au moment où s'amorce vraiment la réflexion. Du coup, autant se tourner vers des œuvres moins mélo qui posent de vraies questions.
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