La start-up occitane a mis au point une ruche connectée capable d’assurer le monitoring de l’activité et de la santé des abeilles, à l’aide de divers capteurs. Nous avons rencontré son cofondateur et président Christian Lubat, à VivaTech.

BeeGuard est une entreprise limitrophe de Toulouse basée à Labège. Sa particularité est d’être l’une des start-up de la région Occitanie issues de l’Agritech. L’idée de BeeGuard, au nom ô combien évocateur, est de concevoir, fabriquer et commercialiser une solution intégrale de suivi de l’activité et de la santé des abeilles. Celle-ci se matérialise par des ruches connectées aux propriétés étonnantes. Le tout au service de l’environnement et de ce qui est probablement l’un des insectes les plus importants de notre planète : l’abeille, de plus en plus menacée.

À VivaTech, l’occasion était trop belle pour s’offrir une petite piqûre de rappel sur cet enjeu indispensable et faire connaissance avec BeeGuard et son cofondateur et président, Christian Lubat.

Prototype de la ruche connectée de Beeguard (© Alexandre Boero pour Clubic)
Prototype de la ruche connectée de Beeguard (© Alexandre Boero pour Clubic)

Une ruche à 360°, équipée de capteurs

« Pourrait-on imaginer aujourd'hui un monde sans fruits, légumes ou graines ? C'est une question qui paraît absurde, et pourtant 75 % de ces produits ont besoin des pollinisateurs pour se retrouver dans nos assiettes et sur nos marchés. C'est un paradoxe, puisque 35 % des abeilles élevées par les apiculteurs meurent chaque année. Il y a aujourd'hui une urgence de préserver cette biodiversité, de la renforcer voire même de la compenser, de façon à répondre à l'enjeu de notre souveraineté alimentaire ».

En quelques dizaines de secondes, Christian Lubat a manifestement fait mouche, en nous faisant prendre conscience de l’importance des abeilles et de la préservation de la biodiversité. À Paris, l’ingénieur de formation et fils d’apiculteur – ça ne s’invente pas – n’a évidemment pas pu ramener avec lui une véritable ruche connectée, et on comprend bien pourquoi. Nous nous sommes ainsi contentés d’une réplique plus que crédible, en carton, réplique au demeurant équipée des différents éléments qui composent la solution globale de l’activité de suivi de la santé des abeilles de BeeGuard. Alors que se cache-t-il derrière le concept de la ruche intelligente ?

« On équipe la ruche de capteurs intérieurs, pour mesurer l’élevage et la ponte de la reine »

« On va insérer certains capteurs à l'intérieur de la ruche, tout simplement pour mesurer l'élevage et la ponte de la reine. Les abeilles thermorégulent l'intérieur de la ruche. On va ainsi mesurer la température et l'hydrométrie intérieures, ce qui va nous permettre de suivre si la reine pond. On mesure également sous la ruche, à l'aide d'un capteur, la variation de poids. Ici, on a donc directement une idée du rendement de butinage. Grâce à cela, on peut savoir si les abeilles ont ramené du nectar en excès à l'intérieur de la ruche pour fabriquer du miel. Si elles sont sorties pour rien et donc ont consommé plus, on parlera alors de période de carence », nous explique Christian Lubat.

Ce capteur aide au suivi de la ponte de la reine (© Alexandre Boero pour Clubic)
Ce capteur aide au suivi de la ponte de la reine (© Alexandre Boero pour Clubic)

Une technologie qui aide à surveiller la démographie de la ruche

D'autres capteurs, pas représentés directement sur le stand de BeeGuard, existent. Il y a par exemple la station météo, qui permet de « se faire une idée du contexte dans lequel vivent réellement les abeilles en ultra local. C'est important, parce que s’il fait froid, s'il pleut ou s'il y a du vent, les abeilles ne peuvent pas butiner. Il ne s'agit pas de conclure que nous avons une problématique environnementale alors qu'il s'agit d'une problématique météo ».

« Grâce à l’intelligence artificielle (…) nous aurons tous les jours le taux de mortalité de la ruche »

Dans sa phase de recherche et développement, BeeGuard travaille sur des solutions d'analyse vidéo avec lesquelles il est possible de filmer la planche d'envol en continu. La planche d’envol constitue la partie basse d’une ruche. C’est par cette dernière que les abeilles sortent et entrent de la ruche. Christian Labat précise à ce sujet « faire de la reconnaissance d'abeille en automatique, grâce à l'intelligence artificielle, qui nous permet de compter les allées et venues. Les abeilles meurent à l'extérieur de la ruche, donc nous aurons tous les jours le taux de mortalité de la ruche. S'il y a collusion avec une pratique, une pollution ou une problématique sanitaire quelconque, on verra décoller la mortalité, ce qui facilitera une intervention rapide ou recherche et détection de la cause de cette mortalité ».

La start-up occitane peut même espérer aller plus loin grâce à un projet de R&D mené avec le CNRS et le CRCA (Centre de recherches sur la cognition animale) de Toulouse, grâce auquel elle entend proposer des jeux cognitifs aux abeilles. « C'est faire appel à l'apprentissage, à la mémorisation du cerveau de l'abeille, qui fonctionne très bien d'ailleurs, puisqu'il faut rappeler que les abeilles font à peine un peu plus d'un centimètre et vont jusqu'à 3 kilomètres de leur ruche qui mesure 50x50 cm », nous dit Christian Lubat. « Nous, sans Waze, nous ne sommes pas capables de le faire. Les abeilles ont une utilisation très forte de ce cerveau. Et justement, en présence d'éléments stressants (alimentaires, climatiques, etc.), leur cerveau va se dégrader, et elles ne seront plus capables d'être aussi performantes. Et si elles ne le sont plus, elles n'arrivent plus à retrouver le chemin de la ruche ».

L'idée du projet de recherche orchestré par BeeGuard est d'analyser le comportement et d'avoir un indicateur cognitif sur les abeilles, qui serait un indicateur pouvant permettre l’anticipation de la problématique de mortalité. « Grâce à ces données d'activités et de santé de l'abeille, on va pouvoir construire un indicateur environnemental qui va représenter la réalité de la biodiversité sur les 3 kilomètres autour de la ruche », explique le patron de la start-up. « C'est très utile pour les agriculteurs, les entreprises et les pouvoirs publics, qui sont gestionnaires de ce foncier, de ces paysages. Ils vont être capables de cibler les périodes les plus propices pour mettre en place des actions en faveur de la biodiversité, par exemple des couverts végétaux », qui consistent à recouvrir le sol entre deux cultures principales, soit pour favoriser la vie du sol, soit pour l’enrichir ou pour faciliter le désherbage.

Christian Lubat, ici à VivaTech (© Alexandre Boero pour Clubic)

Déjà 4 000 ruches déployées, et une levée de fonds participative pour aider BeeGuard à franchir un cap

Aujourd'hui, BeeGuard a déployé plus de 4 000 ruches. L’entreprise située près de Toulouse, récompensée de plusieurs prix ces dernières années, souhaite accélérer sa stratégie de vente à l'export, tout en ne négligeant pas sa partie biosurveillance, qui accélère grandement, avec une demande très importante. « Pour pouvoir accélérer, nous avons besoin de carburant, donc aujourd'hui, BeeGuard est engagée dans une levée de fonds et en particulier dans un financement participatif en actions, soutenu par la région Occitanie », détaille Christian Lubat. BeeGuard est ainsi présente sur la plateforme WiSeed. Tout un chacun peut ainsi devenir actionnaire de BeeGuard et soutenir les innovations et outils de la jeune entreprise qui œuvre pour la biodiversité, et assez simplement. « Dès 100 euros et ce sans limite, vous pouvez vous engager dans notre aventure », milite le co-fondateur.

« Jusqu’à fin juillet pour atteindre notre objectif de lever au moins 200 000 euros »

Chaque actionnaire détiendra un morceau du capital de BeeGuard. En d’autres termes, cela signifie que l’actionnaire sera éligible au crédit d'impôt d'investissement dans le capital d'une PME. Cela lui permettra de récupérer, l’année suivante, 25 % de sa mise. Un élément pouvant aider à convaincre, selon Christian Lubat. « Une personne qui veut investir 3 000 euros peut investir 4 000 euros puisque l'an prochain, elle récupérera 1 000 euros en crédit d'impôt », nous dit-il.

L'objectif de l'opération de crowdfunding sur WiSeed est de lever 250 000 euros, avec un seuil bas à 200 000 euros, qui permettrait déjà à BeeGuard de réaliser l'opération. À l’heure où nous publions ce papier, l'entreprise est parvenue à dépasser la moitié de ce palier. Elle a jusqu'à la fin du mois de juillet pour atteindre son objectif, et boucler les 100 000 euros restants.