Gaz de schiste : interdit de l’exploiter, mais de plus en plus importé

Aymeric Pontier
Par Aymeric Pontier, Spécialiste environnement.
Publié le 06 novembre 2019 à 09h09
gaz de schiste

Si l'extraction de gaz de schiste par fracturation hydraulique est impossible depuis 2011, la France ne se prive pas pour autant de le consommer en l'important des États-Unis. Une manière de ne pas assumer les problèmes environnementaux liés à cette technique ?

Pour rappel, la fracturation hydraulique est utilisée afin d'exploiter des hydrocarbures dits non-conventionnels, comme le gaz de schiste, qui sont emprisonnés à grande profondeur dans des roches trop peu perméables. Cette méthode consiste à injecter un fluide composé à la fois d'eau, de sable et d'additifs chimiques dans la « roche-mère » afin de la disloquer, et d'en extraire ainsi des ressources qui ne seraient pas exploitables, économiquement parlant, avec les techniques habituelles.

L'exploitation par fracturation hydraulique interdite

Inventée dans les années 1940, la fracturation hydraulique a connu un boom impressionnant ces dernières décennies, en particulier en Amérique du Nord. Et ce, en dépit des multiples controverses concernant son impact environnemental : intense consommation d'eau, émissions de gaz à effet de serre, rejet de polluants, micro-séismes, dégradation du paysage, nappes phréatiques contaminées, etc.

Pour toutes ces raisons, la France a décidé d'interdire cette technique dès 2011, devenant ainsi le premier pays au monde à le faire, et faisant au passage une croix sur ses propre réserves, qui sont conséquentes dans le sud-est. Une décision confirmée fin 2017, quand la France a interdit sur son sol l'extraction de l'ensemble des hydrocarbures, conventionnels comme non conventionnels, à l'horizon 2040. Là encore, une première au niveau mondial !

Quid de l'importation et de la consommation en France ?

Cependant, si l'exploitation du gaz de schiste par fracturation hydraulique a été interdite, ce n'est pas le cas de sa consommation, via l'importation par bateau, qui demeure, elle, tout à fait légale ! Une « faille » dans le dispositif, dont se sont d'ailleurs saisis plusieurs groupes énergétiques français : Total, EDF, Engie. Plus tôt cette année, l'Observatoire des multinationales a d'ailleurs révélé que les premiers contrats avaient été signés en 2015, en plein cœur de la Conférence de Paris (COP21) sur le climat...

Après deux années de tractations et de préparatifs, les importations ont finalement démarré en 2017, d'abord indirectement, en passant par d'autres pays d'Europe, puis directement des États-Unis vers la France depuis l'année dernière. D'abord modestes, leur rythme s'est accéléré en 2019 : « les importations de gaz américains ont presque quadruplé depuis le début de l'année » apprend-on notamment sur BFM Business.

Une tendance qui ne risque pas de s'inverser, puisque la France et la plupart des pays européens cherchent à réduire leur dépendance vis-à-vis de la Russie pour leur approvisionnement en gaz...

Sources : BFM Business, Observatoire des multinationales
Aymeric Pontier
Spécialiste environnement
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Commentaires (10)
icejedi

Je reconnais bien la belle hypocrisie de nos pays : on fait semblant d’être écolo en préservant son territoire, mais on pollue d’autant plus ailleurs, envoyant ainsi des tas de boomerangs qui vont finir par nous retomber dessus…

Blues_Blanche

Si les autres sont assez cons pour se polluer, autant en profiter raisonnablement pour négocier avec la Russie.

notolik

« envoyant ainsi des tas de boomerangs qui vont finir par nous retomber dessus… »

C’est possible d’évoquer au moins un exemple de ce qui va nous revenir dessus?

Sans ça ton intervention est juste sale…

marc6310

Petit rappel : la France et la Russie sont sur la même planète. On interdit pas quelque chose nationalement pour des raisons ecologiques pour ensuite l’importer et délocaliser le problème.

notolik

C’est une vision à court mais terme très lucrative.

En 2017 l’API (American Petroleum Institute) publiait cette étude :

En gros, l’exploitation du gaz de schiste devrait :

  • représenter 80 à 100 Milliard de $ / an.
  • 1 000 000 d’emplois directs
  • 1 à 1.2% du PIB

Trump sacrifie une partie de son territoire et de sa population contre une énorme quantité de pognon…
C’est pas mieux ni pire que certains autres pays.

Pourvu que notre banquier ne fasse pas la même chose!

icejedi

Par exemple, on évite de produire du CO² chez nous, mais on le favorise ailleurs en important par avion, bateau… On le favorise aussi en achetant souvent de l’électricité à des pays de l’Est qui fonctionnent souvent encore au charbon. Bref, la liste est longue, j’ai pas le temps d’écrire un rapport de 180 pages, mais on fait des tas de trucs où la pollution qu’on provoque en dehors de la France impacte la planète entière, et n’importe qui devrait avoir conscience qu’on en sera quand même victime à plus ou moins cours terme. (N’importe qui sauf Trump et les autres complotistes qui prétendent qu’il n’y a pas de réchauffement climatique certes…)

nirgal76

Comme l’allemagne qui importe de l’énergie nucléaire quoi.

kiwi5

on se complait a importer plutot que produire / investir dans de l’energie autrement. simplement acheter c’est cool a court terme mais on finance la R&D des autres a long terme

nirgal76

N’importe quoi, on achete pratiquement rien en electricité aux pays de l’est. On le fait principalement avec la suisse (de l’hydraulique), l’espagne et l’allemagne (+belgique). Et encore, la France exporte beaucoup plus qu’elle n’importe, 4x plus (ce qui évite à ceux qui n’ont pas le nucléaire d’avoir encore plus de centrale émettrice de CO2) importation très très majoritairement à nos voisins directs. L’an dernier, c’était même le 1er pays exportateur.

GRITI

L’Europe songerait à produire la viande que l’on consomme plus loin de l’Europe afin de moins polluer chez nous.
Il y a des produits chimiques interdits en France/Europe (et produits par entreprises européennes) car dangereux pour la santé/l’environnement qui sont pourtant encore fabriqués mais pour être exportés dans des pays moins regardants.
On veut installer plein d’éoliennes/panneaux photo-voltaïques et augmenter le nombre de véhicules électriques pour soi-disant prendre soin de l’environnement et du climat sauf qu’en faisant cela on augmente les dégâts environnementaux liés aux métaux rares et aux terres rares…ailleurs. Et que le bilan est loin d’être propre. NIMBY comme dirait l’autre (Not In My Back Yard - Surtout pas chez moi)…
Donc rien de nouveau sous le soleil.

Quant au fait que Trump veuille rester aux énergies fossiles, cela peut semble-t-il se comprendre d’un point de vue stratégique afin d’éviter une trop forte dépendance à la Chine vis à vis des métaux rares et des terres rares. Bon, cela semble un peu mal parti quand même au niveau de l’indépendance mais bon…

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