Deux mois se sont écoulés depuis l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen, et les pouvoirs publics s'attachent désormais à déterminer les leçons à retenir pour éviter qu'un tel événement ne se reproduise. Parmi les premières pistes envisagées figure la transformation en profondeur du système d'information des populations.
Et pour cause, dès les premiers jours suivant la catastrophe, de nombreuses voix se sont faites entendre pour critiquer le système d'alerte utilisé. Celui est en effet jugé « dépassé et inadapté » par le préfet de la région Normandie en personne, Pierre-André Durand pointant du doigt des sirènes « issues de la défense passive des années 1930 », et estimant qu'il est impossible de « gérer les crises du XXIe siècle avec un outil du XXe siècle ».
Le préfet de Normandie dénonce l'usage des sirènes
Les auditions se poursuivent dans le cadre de la mission d'information de l'Assemblée nationale et de la commission d'enquête du Sénat, afin de comprendre ce qu'il s'est passé le 26 septembre à l'usine de Rouen, d'évaluer l'intervention des services de l'Etat et d'identifier les différents dysfonctionnements rencontrés, dans le but d'améliorer la gestion de ce genre d'incident.À l'Assemblée comme au Sénat, le préfet Pierre-André Durand a été longuement interrogé sur sa décision de ne pas déclencher l'ensemble des 31 sirènes de Rouen, et de ne faire sonner que les deux sirènes les plus proches du site de l'usine Lubrizol. À ce sujet, l'intéressé a déclaré que « déclencher toutes les sirènes aurait été contre-productif » puisqu'à l'heure de l'incendie la population était confinée et à l'abri. Il craignait, en cas de déclenchement total, que « des mouvements de panique » n'engendre des effets inverses à ceux recherchés.
Le préfet a aussi précisé que, peu de personnes connaissant la marche à suivre en cas de retentissement de la sirène, il avait préféré « mettre le paquet sur l'information directe de la population par les voies de tweets, de conférence de presse, pour indiquer les bons comportements ».
Diffusion cellulaire : une alternative bientôt obligatoire
Pierre-André Durand a par ailleurs plaidé pour la mise en place rapide d'un système d'alerte plus efficace, faisant appel au cell broadcast (diffusion cellulaire en français), procédé consistant à envoyer un message SMS à une antenne réseau qui le diffuse ainsi automatiquement à l'ensemble des téléphones mobiles de la population locale, en cas de crise. « On a su passer du tocsin à la sirène au début du XIXe siècle, je pense qu'au XXIe siècle il faudrait, au moins sur les sites très industriels, que nous passions au cell broadcast » a-t-il ajouté.Selon lui, cette évolution technologique aurait l'avantage de fournir une alarme et une information en temps réel aux citoyens, garantissant que « toutes les personnes soient touchées, avec un message adapté ». Concrètement, ce dispositif est capable de diffuser un message auprès de tout le réseau de la ville, si besoin, ou auprès d'une cellule spécifique en cas de crise très localisée, celle-ci se chargeant de le transmettre à tous les terminaux présents dans sa zone de diffusion.
Déjà en place dans des dizaines de pays, le cell broadcast n'a jamais été déployé en France alors que cette technologie a pourtant été présentée au monde pour la première fois... À Paris en 1997. De multiples « contraintes techniques et budgétaires » sont citées par les opérateurs et les services de l'Etat pour expliquer ce retard dans l'adoption.
Malgré tout, la diffusion cellulaire finira quoiqu'il arrive par voir le jour en France, au plus tard en 2022, puisqu'une directive européenne de 2018 rend obligatoire sa mise en œuvre ! À moins que l'incident de Lubrizol ne persuade les autorités d'accélérer le rythme...
Sources : France Inter, France Info