Dans le secteur automobile, c'est désormais un secret de polichinelle : les émissions de CO2 des voitures neuves ne baissent pas vraiment malgré les obligations fixées par l'Union européenne. En cause (outre la récente mode des SUV : l'écart grandissant entre les mesures faites en laboratoire et les mesures en conditions réelles, qui est pointé du doigt par un rapport de France Stratégie.
Pour mettre un terme à ces errances, un protocole d'homologation plus précis vient d'être déployé pour les mesures en laboratoire. Par ailleurs, la Commission européenne prévoit de faire rouler des voitures neuves équipées de « boîtes noires » pour mesurer leur consommation réelle de carburant. Mais cette disposition ne sera pas opérationnelle avant 2021 au mieux...
Les émissions de CO2 augmentent en dépit des normes européennes
Dès l'introduction de son rapport, France Stratégie dénonce une mystérieuse contradiction : les émissions de CO2 des voitures neuves en Europe ne cessent d'augmenter, alors même que l'Union européenne fixe des normes toujours plus contraignantes sur les véhicules. Le transport est d'ailleurs le seul secteur économique qui a vu son bilan carbone s'aggraver depuis la signature du protocole de Kyoto !Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir voté des obligations de réduction d'émissions pour faire face à l'urgence climatique, ces vingt dernières années. Normes qui continuent de se renforcer, puisque les voitures neuves devront émettre au maximum 95 grammes de CO2 par kilomètre parcouru d'ici 2021, contre 120 gm en 2018. En avril dernier, le Parlement européen a fixé un nouvel objectif encore plus ambitieux : une baisse supplémentaire de 37,5 % pour parvenir à 60 gm le km à l'horizon 2030.
Emission en laboratoire vs sur la route : un écart de 40 % !
En apparence, les constructeurs automobiles ont respecté jusqu'ici leurs obligations, vu que les émissions de CO2 mesurées en laboratoire ont baissé de 30 % entre 2001 et 2017. Mais est-ce vraiment le cas ? Selon France Stratégie, qui cite les chiffres de l'ONG International Council on Clean Transportation (ICCT), cette baisse serait purement « factice » : les émissions en conditions de conduite réelle n'ayant diminué que de 10 % sur la même période...Pire, l'écart entre les performances annoncées par les constructeurs auto sur la base des tests en laboratoire et la réalité du terrain n'a de cesse de s'accroître : il n'était que de 9 % en 2001, et serait passé à 39 % en 2017. Pour l'organisme ICCT, cet écart s'expliquerait notamment les marges de manœuvre dont disposent les constructeurs pour réaliser leurs tests d'homologation : modulation de l'état de charge de la batterie, sélection d'un véhicule non représentatif, etc.
L'écart va disparaître, mais que de temps et d'argent perdus...
En conséquence, parvenir « pour de vrai » en-dessous de 95 grammes en 2021 semble à ce jour totalement hors d'atteinte, même si de son côté France Stratégie estime que la mise en place du cycle d'homologation WLTP pour les études en laboratoire, associé à la nouvelle méthodologie pour la vérification en conditions réelles de la Commission, devrait réduire largement l'écart entre les deux.Quoiqu'il en soit, cela ne résout pas le problème des années perdues jusqu'à présent en matière de lutte contre le changement climatique. Sans parler du budget que cela représente : selon l'ICCT, les ménages français auraient perdu collectivement au moins 20 milliards d'euros depuis l'an 2000 à cause de ce décalage.
Source : France Stratégie.