Une apocalypse des insectes plus nuancée que prévue

Aymeric Pontier
Par Aymeric Pontier, Spécialiste environnement.
Publié le 21 mai 2020 à 09h09
Insectes Coccinelles

Une compilation de centaines d'études internationales confirme que la population des insectes terrestres est en déclin, avec une diminution de biomasse de l'ordre de 24 % au cours des trente dernières années. Toutefois, dans le même laps de temps, le nombre d'insectes vivant sous l'eau (au moins en partie) a augmenté de 36 %.

Ces résultats sont issus de la plus grande méta-analyse sur les changements de population d'insectes réalisée à ce jour, et publiée dans Science fin avril,. Elle englobe 1 670 sites d'analyses à travers le monde. Les chercheurs du centre allemand de recherche sur la biodiversité intégrative (iDiv), de l'université de Leipzig (UL) et de l'université Martin Luther de Halle-Wittenberg (MLU) s'attachent, avec cette gigantesque base de données, à combler les lacunes dans les connaissances concernant le « déclin des insectes ».


Une méta-analyse pour réunir toutes les études

Nombreuses sont les études publiées au cours des années récentes, démontrant une baisse spectaculaire de la population d'insectes. La plus percutante fut celle réalisée dans les réserves naturelles d'Allemagne de l'ouest, annonçant en 2017 une véritable hécatombe : une diminution de la biomasse de 75 % en 27 ans. L'étude a alors fait l'objet d'un important traitement médiatique suggérant une « apocalypse généralisée » pour les insectes.

D'autres études faites dans différents endroits de la planète ont également été publiées avant et après, montrant tantôt des baisses (plus ou moins fortes) et tantôt des hausses de la biomasse des insectes. Mais, jusqu'à présent, personne n'avait combiné l'ensemble des données disponibles. C'est aujourd'hui chose faite avec cette méta-analyse !


Des résultats plus variés et complexes qu'annoncés

Les résultats, qui intègrent 166 enquêtes réalisées dans une quarantaine de pays de 1925 à 2018, dressent un tableau plus complexe et nuancé que prévu, illustrant, certes, un déclin évident des insectes terrestres, mais aussi une augmentation nette des insectes d'eau douce. L'analyse révèle une très forte variation des tendances, y compris dans des sites très rapprochés.

Par exemple, dans les pays où de multiples enquêtes sur les insectes ont eu lieu (Allemagne, États-Unis, et Royaume-Uni), certains endroits ont connu de forts déclins tandis que d'autres, assez proches, n'ont indiqué aucun changement, enregistrant même une augmentation du nombre d'individus.

Une fois toutes les tendances du monde combinées, une estimation de l'abondance moyenne des insectes au fil du temps a pu être faite. Dans l'ensemble, la population d'insectes terrestres (papillons, sauterelles, ou fourmis) diminue d'environ 0,92 % par an, alors que celle des insectes d'eau douce (moucherons ou éphémères) s'accroît de 1,08 % par an. En d'autres termes, cela suppose une baisse de 24 % pour les premiers à l'échelle de trois décennies, et une hausse simultanée de 36 % pour les seconds.

Quels enseignements pour les chercheurs ?

Pour tenter d'expliquer cette bonne fortune surprenante des insectes d'eau douce, les chercheurs allemands ont établi plusieurs hypothèses : une meilleure protection des cours d'eau (avec le vote de lois en ce sens dans de nombreux pays), un possible effet de la crise climatique (la hausse des température rendant les conditions de vie plus favorables à ces espèces), ou une hausse des nutriments ruisselant dans les cours d'eau (du fait des rejets agricoles) pourraient avoir contribué à ce phénomène.

Les scientifiques montrent aussi dans leur méta-analyse que les populations d'insectes terrestres dans les aires protégées diminuent de la même manière que celles vivant dans les zones urbanisées, mais un peu plus lentement. Sur cette base, ils estiment qu'une meilleure protection ou restauration de leur habitat serait une stratégie efficace pour préserver leur population.

Source : Anthropocene Magazine, Science
Aymeric Pontier
Par Aymeric Pontier
Spécialiste environnement

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Commentaires (5)
Oncle_Picsou

Moins d’insectes terrestres et plus de moustiques, c’est clair que c’est une excellente nouvelle! :crazy_face:

Le moustique, vecteur du Paludisme, Zika, Fièvre jaune et autres joyeusetés est de loin l’animal le plus meurtrier, avec plus de 750 000 victimes par an.

vbond007

C’est bien vrai. Après les masques nous allons porter des combinaisons anti-moustiques !
Et comme les moustiques sont là en été, on va bien transpirer :smiley:

max_971

N’oubliez pas les criquets en Afrique. :wink:

jvachez

En France, à cause de la mode de vouloir des insecticides écologiques, il y a des régions infestées de moustiques. Tout le monde est mécontent à cause des écolos !

Blues_Blanche

En tous cas ça fait très très longtemps que je n’ai pas vu une menthe religieuse, un bousier ou même un vers luisant. Les coccinelles se font également beaucoup plus rares.

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