Si les placements de produits sont aujourd'hui légion, au cinéma comme dans les jeux, il fut un temps où les annonceurs ne s'embarrassaient d'aucune subtilité : ils payaient pour créer directement des jeux à l'effigie de leur produit, leur mascotte ou leur marque. Retour sur quelques-uns des jeux publicitaires qui ont marqué les années 80 et 90.
Aux antipodes de la bataille des téraflops, de la 4K et des 60 fps, NEO•Classics vous propose un retour vers les origines du jeu vidéo. Du titre 2D en gros pixels au moins lointain jeu à la 3D hésitante, cette chronique vous invite à (re)découvrir les pépites vidéoludiques qui ont ouvert le monde au 10e art...
Coca Cola Kid
Date de sortie : 5 août 1994
Plateforme : Game Gear
Editeur : SEGA
Développeur : Aspect Co.
Sorti uniquement au Japon en août 1994 sur Game Gear, Coca-Cola Kid est l’un des jeux publicitaires les plus célèbres. On y incarne un jeune sauvageon à casquette et skateboard décidé à mornifler des tas de loubards qui se baladent peinards en ville. Son développeur Aspect. Co tartine autant que possible la célèbre marque de soda américaine, dans le décor mais également dans le gameplay. Boisson pour regagner de la santé, distributeur en fin de niveau pour s’offrir des bonus, frisbee estampillé Coca-Cola en guise d’arme spéciale : Coca-Cola Kid ne fait pas dans la dentelle côté placement de produit. Reste un jeu de plateforme et d’action correct avec de (trop) nombreux passages secrets, des possibilités multiples et des environnements variés malgré une maniabilité plutôt désagréable. À noter qu’une Game Gear rouge spéciale a accompagné le lancement japonais.
Pepsi Invaders
Date de sortie : 1983
Plateforme : Atari 2600
Editeur : Coca-Cola
Développeur : Atari
Coca Cola n’en est pas, en 1994, à son coup d’essai. Le remarquable Pepsi Invaders (aussi appelé Coke Wins) a vu le jour en 1983 à l’occasion d’une convention réunissant les directeurs des ventes de la marque. Coca a directement commandé cette version spéciale de Space Invaders à Atari, qui ne s’est pas fait prier pour remplacer les aliens par des lettres formant le nom du principal concurrent de la firme d’Atlanta, qu’il faut éliminer en moins de trois minutes pour l’emporter. La cartouche, sans étiquette et tirée uniquement à 125 exemplaires, attire depuis une attention toute particulière des collectionneurs, rareté oblige.
Pepsiman
Date de sortie : 4 mars 1999
Plateforme : PlayStation
Editeur : KID
Développeur : KID
Le ton de Pepsiman est donné dès l’écran titre, quand la mascotte de la marque de soda se prend le logo du jeu en pleine poire avant de s’effondrer lamentablement. Outrancier et absurde, Pepsiman ne se prend pas au sérieux, ce qui le rend éminemment sympathique et lui offre un statut de jeu légendaire. Mais l’humour ne fait pas tout, et Pepsiman demeure un runner tout à fait correct qui enchaîne les cinématiques fauchées et surréalistes, les séquences délirantes en commandes inversées quand la mascotte est coincée dans une poubelle (?!) et une surdose particulièrement débile de logos, surtout dans les derniers niveaux de Pepsi City. Un fan travaille désormais sur un remake non officiel sous Unity, compatible Ray Tracing s’il vous plaît, et l’original est jouable gratuitement en ligne. Pepsiman n’est pas mort, tandis que la côte de la version originale est plutôt élevée.
Fido Dido
Date de sortie : aucune
Plateforme : Super Nintendo / Mega Drive
Editeur : Kaneko
Développeur : Tweeny Weeny Games
Si les marques ne reculent devant rien pour vendre des boissons sucrées, elles se heurtent parfois à la dure réalité des industries qu’elles tentent de vampiriser. Fido Dido, la mascotte multifacettes de PepsiCo (7UP, Slice…) devait par exemple avoir le droit à son adaptation vidéoludique, sur Super Nintendo et Mega Drive. Las, la chute de la branche américaine de l’éditeur Koneko en 1994, et la relative confidentialité de Fido Dido outre-Altantique, entraînent l’annulation pure et simple du jeu.
Développé par Tweeny Weeny Games, principalement connu pour ses nombreux portages et la série Discworld, le jeu a fini par fuiter, dans une version Mega Drive quasi finale d’abord, pour un jeu de plateforme mâtiné d’aventure pas horrible mais loin d’être inoubliable. Il y aussi eu un prototype étrange sur Super Nintendo, dont on peut trouver des traces sur Youtube et qui n’avait pas l’air bien fameux.
Cool Spot
Date de sortie : 1993
Plateforme : Amiga / Master System / Mega Drive / Super Nintendo / DOS / Game Boy / Game Gear
Editeur : Virgin Interactive
Développeur : Virgin Interactive
Si Fido Dido n’a pas percé aux Etats-Unis, c’est en partie parce qu’une petite pastille rouge nommée Cool Spot squattait les projecteurs américains de l’époque, en tant que mascotte de la boisson 7Up. Animations stylées, univers décalé et ambiance décontractée définissent parfaitement le jeu vidéo qui lui est dédié : on reconnaît le style David Perry (Aladdin Mega Drive, Earthworm Jim) pré-Shiny Entertainment, qui parvient à faire oublier les placements de produits par la précision de son gameplay et sa bande-son signée par le légendaire Tommy Tallarico. À noter que la version PAL, compte-tenu de la popularité de Fido Dido en Europe, ne contient plus aucune mention à 7Up et s’impose de lui-même comme un excellent jeu de plateforme. Véritable succès de l’année 1993 sur Super Nintendo et Mega Drive, Cool Spot sera porté l’année suivante sur Master System, Game Gear, Game Boy, Amiga et MS-DOS. Une suite en 3D isométrique, Spot Goes To Hollywood, sortira même en 1995 sur Mega Drive.
Super Dany
Date de sortie : janvier 1995
Plateforme : Super Nintendo
Editeur : Virgin Games
Développeur : Cryo Interactive
Les possesseurs européens de Super Nintendo, faute de pouvoir se plonger dans l’excellent Mother, ont pu se consoler en 1994 avec Super Dany, un jeu de plateforme français développé par Cryo Interactive et basé sur la « célèbre » crème dessert pour enfant de Danone. Reprenant le gameplay de The Lost Vikings, ce jeu de plateforme de commande a le mérite de ne pas en faire des tonnes sur son annonceur - la marque n’apparaît d’ailleurs nulle part - et d’offrir des décors vastes et variés.
Les voix digitalisées qui se répètent en boucle, le look des personnages, les musiques d’époques signées David Cage : des raisons de se replonger dans ce titre mineur existent, mais une petite visite sur YouTube peut largement suffire.
McDonaldland / M.C. Kids
Date de sortie : 1992
Plateforme : Amiga / Atari ST / Commodore 64 / DOS / Nes / Game Boy
Editeur : Ocean Software / Virgin Interactive
Développeur : Visual Concepts
Développé par quatre personnes en huit mois, McDonaldland est une commande de la chaîne de fast-food McDonald’s à Virgin Games, décidément toujours partant pour prendre l’argent des annonceurs. Le jeu bénéficie d’un scénario de haut vol : quand le sac à malices de Ronald est volé par l’infâme Hamburglar, les deux amis Mick et Mack se lancent à la poursuite du malandrin.
Pour retourner le bien dérobé au sympathique clown emblématique de la malbouffe des années 90, les deux compères arpentent des niveaux plutôt variés dans lesquels ils peuvent creuser, utiliser un bateau pour se déplacer et inverser la gravité pour progresser la tête en bas. Des ajouts bien sentis qui évitent à McDonaldland (M.C Kids aux Etats-Unis) le destin peu envieux des clones bas de gamme de Mario. Attention néanmoins à l’overdose de Golden Arches !
Chester Cheetah: Too Cool To Fool
Date de sortie : 1992
Plateforme : Mega Drive / Super Nintendo
Editeur : Kaneko
Développeur : Kaneko
Des couleurs criardes, des hippopotames gangstas, un guépard qui fait du skate, du bateau ou de l’oiseau : Kaneko ne s’est pas trop embarrassé avec ce jeu de plateforme simpliste et particulièrement court mettant en valeur la mascotte de la marque de snacks Cheetos. Sorti uniquement aux Etats-Unis, ce petit chef d'œuvre surréaliste vaut le détour : la musique, le character design, les animations, rien ne va dans ce titre lunaire qui ne justifie même pas son existence par des placements de produits outranciers.
La marque en question n’apparaît jamais, et seuls les points de vie sous forme de biscuits soufflés rappellent que Chester Cheetah est là pour vendre des gâteaux d’apéro. Un ratage ébouriffant qui n’empêchera pas une suite, Chester Cheetah: Wild Wild Quest, de voir le jour l’année suivante.
Taco Bell Tasty Temple Challenge
Date de sortie : 1998
Plateforme : Commodore 64 / DOS
Editeur : ShareData, Inc.
Développeur : California Merchandising Concepts, Inc.
En 2000, Deus Ex vient de sortir, Half Life et Metal Gear Solid ont deux ans, Quake en a quatre et Doom souffle ses sept bougies. C’est pourtant à cette date que Taco Bell décide d’offrir, avec ses menus enfants, un jeu de tir à la première personne tournant sur MS-DOS. Le système d’exploitation de Microsoft n’a plus vraiment le vent en poupe depuis l’arrivée de Windows, et les doom-like non plus depuis que les souris et la 3D permettent désormais de viser à 360°.
On jette de la sauce sur les ennemis, on récupère de la bouffe Taco Bell pour regagner de la vie, les décors et les ennemis sont génériques au possible : on touche le fond en matière de réalisation, de gameplay et d’ambiance, mais la souffrance est heureusement de courte durée. Ce petit bijou se boucle en moins de 20 minutes si on traîne des pieds, et le speedrun prend à peine plus de 2’30”. À télécharger gratuitement ici, pour la science. Visiblement, Chex Quest (d’une marque de céréale inconnue chez nous) est un peu mieux dans le genre.
Avoid The Noid
Date de sortie : 1989
Plateforme : Commodore 64 / DOS
Editeur : ShareData, Inc.
Développeur : California Merchandising Concepts, Inc.
L’un des pionniers du jeu publicitaire nous vient de Domino’s Pizza, à la fin des années 80. Basé sur la mascotte The Noid, un croisement entre la loi de Murphy et le lapin de Nesquick, le jeu vous invite à livrer une pizza en moins de 30 minutes tout en évitant les attaques du vil léporidé virevoltant. Ca ressemble à un jeu électronique, c’est un peu marrant (certains lapins sont armés de missiles à têtes chercheuses de pizza) et c’est sans doute un calvaire à jouer, mais ç'a au moins le mérite de ne pas honteusement plagier Mario, comme le fera Capcom l’année suivante avec Yo! Noid sur Nes.
Bonus : on n’a pas réussi à trancher entre le vulgaire Hooters : Road Trip d’Ubisoft, sorti en 2003 sur PlayStation, et le sublime Mojo Master, créé pour vanter les mérites des déodorants Axe de la meilleure des façons en 2005.