Année tumultueuse pour le jeu vidéo. Après que d’innombrables accusations de harcèlement sexuel ont été révélées ces derniers mois chez Ubisoft ou encore chez Insomniac Games, c’est aujourd’hui Blizzard Entertainment qui attire l’attention.
Les employés du studio derrière les licences World of Warcraft ou Diablo s’organisent pour dénoncer des hausses de salaire inexistantes ou jamais supérieures à 10 %. Un chiffre inférieur à ce que l’entreprise leur avait promis à la suite d’une enquête qui avait souligné des disparités dans les salaires.
Le tableur de la colère
En 2019, un sondage révélait que plus de la moitié des employés de Blizzard étaient mécontents de leur compensation salariale, révèle Bloomberg. Une enquête interne aurait ensuite été menée afin de corriger le tir, avec des promesses d’augmentation à la clé.
Mais depuis le mois dernier, constatant que rien ne change, des employés ont organisé le partage d’une feuille de calcul anonyme au sein de l’entreprise, encourageant chacun à renseigner le montant de leur salaire, ainsi que les différentes augmentations auxquelles ils ont eu droit depuis leur arrivée.
Consulté par Bloomberg, ce tableur contient « des dizaines de lignes de salaires et d’augmentations », et aucune hausse de salaire ne dépasse les 10 %. « Significativement moins que ce à quoi s’attendaient les employés après l’enquête interne », rapporte le média américain.
Des dirigeants de mieux en mieux rémunérés
Jessica Taylor, porte-parole d’Activision Blizzard, tempère les révélations du journal. « Notre objectif a toujours été de nous assurer de compenser nos employés justement et compétitivement. Nous passons constamment en revue les philosophies d’augmentation afin de mieux reconnaître le talent de nos meilleurs éléments et pour rester compétitifs dans l’industrie, avec pour objectif de récompenser et d’investir davantage sur nos meilleurs employés. »
Un discours consensuel, qui fait tache lorsqu’il est adossé à la feuille de calcul partagée par les employés, qui liste également le salaire des plus gros dirigeants de l’entreprise, à commencer par Bobby Kotick, le CEO d’Activision Blizzard. L’homme à la tête de l’entreprise aurait été rémunéré à hauteur de 40 millions de dollars en 2019. Un chiffre qui ne prend pas en compte les divers bonus et dividendes qui gonflent encore le montant final. Dennis Durkin, CFO de l’entreprise, aurait quant à lui touché 15 millions de dollars de bonus et de dividendes la même année.
Des employés qui peinent à joindre les deux bouts
Certains des « meilleurs éléments » de Blizzard Entertainment s’en sortent très bien. Plusieurs producteurs ou ingénieurs système de l’entreprise gagnent plus de 100 000 $ par an. Mais les petites mains du jeu vidéo, et notamment les testeurs ou les membres du service clientèle, elles, peinent à joindre les deux bouts avec des salaires qui frôlent le minimum légal.
S’ajoute à ces salaires peu attractifs une masse salariale en déclin. D’abord très indépendant d’Activision, Blizzard Entertainment a été sommé, l’an dernier, de se séparer de plusieurs centaines de personnes malgré une année record. Une charge de travail supplémentaire pour tous les employés restants, qui n'aurait nullement été compensée sur leur fiche de paie.
Un vétéran de l’entreprise raconte à Bloomberg n’avoir été augmenté que de 50 ct de l’heure ces dernières années. Une « augmentation » qui lui offre ironiquement un salaire moins important qu’une dizaine d’années plus tôt, lorsque Blizzard était plus souple sur les heures supplémentaires. D’après Bloomberg, plusieurs anciens employés de Blizzard ont rapporté n’avoir reçu d’augmentation substantielle qu’après avoir quitté l’entreprise pour un concurrent. Riot Games, voisine de Blizzard, est notamment citée comme beaucoup plus généreuse.
Sur les canaux de discussion réservés aux employés de Blizzard Entertainment, des petites mains, justement, s’échangent des astuces pour mettre de l’argent de côté, ou sur des plans d’épargne intéressants afin de pouvoir « rester dans l’entreprise » coûte que coûte.
L’un raconte être obligé de sauter des repas pour pouvoir payer son loyer, et utiliser le café gratuit mis à disposition par Blizzard pour compenser sa faim. D’autres auraient également renoncé à l’envie de fonder une famille, sachant qu’ils ne pourraient jamais subvenir à ses besoins tant qu’ils feraient partie du « rêve » Blizzard Entertainment.
Source : Bloomberg