Catastrophe pour le secteur spatial indien et son agence l'ISRO, au ralenti depuis début 2020 et la crise sanitaire. Le décollage du lanceur GSLV Mk 2 se présentait bien, mais une anomalie majeure lors de l'action du troisième étage a condamné le vol à l'échec. Le satellite EOS-03 n'a pas atteint l'orbite.
La réputation du GSLV ne va pas s'arranger…
Objectif : voir la Terre de très loin
Ce devait être la conclusion d'une longue, très longue série de reports, mais les visages en disaient long cette nuit au Satish Dawan Space Center (SHAR), sur la presqu'île de Sriharikota. Il faut dire que le décollage du satellite d'observation EOS-03, qui s'est aussi appelé GISAT-1 pour Geo Imaging Satellite, a pratiquement fait l'objet d'une saga. Il s'agit d'un satellite inhabituel, véritable télescope tourné vers la Terre, mais dont l'orbite géostationnaire lui permet de rester « fixe » par rapport au sol, à 36 500 kilomètres d'altitude. Avec un tel éloignement, impossible d'observer des détails fins, mais parmi les trois capteurs embarqués, un imageur multispectral est capable de photographier le sol jusqu'à 50 mètres de résolution par pixel. De quoi faire un suivi sur de grandes distances de l'évolution de l'agriculture, de l'état des côtes ou de l'occupation des sols.
Le lancement, prévu initialement en mars 2020, avait été repoussé plusieurs fois pour des problèmes de lanceur et de tension sur le satellite, avant de viser le printemps 2021. Malgré tout, l'urgence sanitaire liée au COVID-19 a pris le pas ces derniers mois et l'ISRO n'avait pu que reconduire le vol. Malheureusement, il faudra un autre exemplaire pour que le gouvernement indien puisse réaliser ses mesures, car après son décollage ce 12 août à 02 h 13 (Paris), le lanceur GSLV Mk2 qui transportait EOS-03 a raté la dernière partie de son lancement.
Le décollage dérape sur la fin
Les premières phases du vol laissaient pourtant croire que l'envoi en orbite de transfert géostationnaire allait bien se passer. Avec son étage central à poudre et ses quatre boosters à ergols liquides, GSLV Mk2 est un lanceur atypique, mais du décollage jusqu'à T+ 2 minutes et 29 secondes et l'éjection du bas de la fusée, tout s'est bien passé. De la même façon, l'éjection de la nouvelle coiffe de 4 mètres de diamètre s'est déroulée comme prévu lorsque la fusée a dépassé les 100 km d'altitude, et le deuxième étage équipé d'un moteur Vikas (un dérivé de feu le moteur Viking français, construit sous licence) a terminé son action comme prévu après 4 minutes et 55 secondes de vol.
C'est ensuite qu'a eu lieu une anomalie majeure, dont la source n'a pas été pour le moment précisée par l'ISRO. Le troisième et dernier étage, équipé d'un moteur cryogénique CE-7.5 fonctionnant à l'hydrogène et oxygène liquides, n'a pu propulser le satellite vers son orbite (l'enquête dira s'il s'agit d'un souci de moteur ou de contrôle de vol). L'ensemble est retombé dans l'Océan Indien au large des côtes.
GSLV, pas le lanceur le plus heureux
GSLV Mk2 restait sur une série de six succès, mais son premier tir en 2010 s'était aussi soldé par un échec. Et si l'on ajoute les six tentatives (dont seulement deux réussites) de GSLV Mk1, qui était essentiellement le même lanceur mais avec un étage supérieur équipé d'un moteur russe, les statistiques de cette fusée ne jouent pas en sa faveur.
8 succès sur 14 lancements, voilà de quoi en faire à nouveau le mouton noir du spatial indien… Et presque mondial. Il faut souhaiter bonne chance aux équipes qui vont s'occuper de l'enquête, et à tout le secteur soutenu par l'agence ISRO, qui a bien besoin de se remonter le moral après une deuxième année consécutive très compliquée.
Source : Nasaspaceflight