ZOOM : "Nous avons vécu un bashing sans précédent" [Interview de Loïc Rousseau]

Alexandre Boero
Par Alexandre Boero, Journaliste-reporter, responsable de l'actu.
Publié le 21 avril 2020 à 12h31


INTERVIEW - Le patron de la plateforme pour la France revient pour Clubic sur les récentes polémiques liées à l'application, et sur les efforts fournis pour renforcer sa sécurité, alors qu'elle est particulièrement sollicitée, télétravail oblige.

Passer de 10 millions d'utilisateurs à 200 millions d'utilisateurs journaliers en l'espace de quatre mois, voilà qui a de quoi donner le tournis. Mais surtout, pour ZOOM, cette croissance folle, portée par la triste pandémie de coronavirus, a pu occasionner quelques désagréments, non peu légers, avec la fuite de centaines de milliers de comptes gratuits sur le dark web. Mais la société californienne de visioconférence s'affaire pour renforcer la sécurité de son service en interne et en distillant quelques conseils à ses utilisateurs. Pour Clubic, Loïc Rousseau, le patron de ZOOM en France, fait le point sur tous les dossiers chauds du logiciel.

L'interview de Loïc Rousseau, directeur des activités de ZOOM en France

Clubic : Pour celles et ceux qui ne connaissent pas encore ZOOM, pouvez-vous nous présenter le service ?

Loïc Rousseau : ZOOM est une plateforme de vidéoconférence, native dans le Cloud, créée en 2011, avec de la vidéo HD, de l'audio HD et la possibilité de faire du partage d'écran et du partage de documents. Il est aussi possible de donner les droits aux participants, sans oublier la fonction de tchat. Cette plateforme a été dessinée à destination des entreprises. Il y a donc une partie intégration, avec les salles de réunion, puis la possibilité d'avoir son client ou son interlocuteur. L'intérêt de ZOOM : il s'agit d'une seule et même plateforme (mobile ou PC). Nous lançons la partie ZOOM Phone, une application tout-en-un pour le téléphone, la vidéo, les réunions et le tchat.

« Les comptes piratés étaient des comptes gratuits, qui n'avaient pas été utilisés depuis bien longtemps et qui n'avaient pas fait l'objet de mises à jour régulières »


Loïc Rousseau
Loïc Rousseau, responsable de ZOOM France (© Alexandre Boero pour Clubic)

500 000 comptes ZOOM ont été récemment vendus sur le dark web. A-t-on retrouvé des traces de ces données ?

Par définition, précisons qu'une telle fuite arrive à de nombreux réseaux sociaux ou solutions de software. Nous avons subi cette attaque, oui. Mais depuis peu, nous comptons parmi nous Alex Stamos, l'ancien RSSI de Facebook (responsable de la cybersécurité), en tant qu'advisor (conseiller), qui est là pour nous aider dans cette démarche de sécurité, qui est l'un des fondements de la plateforme ZOOM, avec le respect de la vie privée des utilisateurs. Il en a d'ailleurs parlé dans un webinar, que nous menons tous les mercredis et durant lequel le fondateur de ZOOM, Eric Yuan, répond aux questions des utilisateurs.

Les comptes piratés étaient des comptes gratuits, qui n'avaient pas été utilisés depuis bien longtemps et qui n'avaient pas fait l'objet de mises à jour régulières. Nous avons donc définitivement déconnectés et supprimés ces 500 000 comptes.

Quelles mesures avez-vous pris en interne pour limiter le risque de voir un tel incident se reproduire ? Et quels conseils pouvez-vous prodiguer aux utilisateurs ?

En tant que plateforme dédiée aux professionnels, nous essayons de tout mettre en œuvre pour pouvoir nous adapter, parce que nous voyons que nous avons énormément de particuliers qui se sont connectés sur ZOOM, et nous nous en félicitons, car nous apportons une solution et une sociabilisation à nos utilisateurs. Nous avons créé, en urgence, des tutoriaux traduits en français et mis à disposition sur YouTube. Nous avons, depuis ce week-end, traduit notre blog ZOOM en plusieurs langues, dont le français.

J'ai fait mon premier partage sur LinkedIn avec les bonnes pratiques de sécurité pour les classes virtuelles, pour la rentrée des classes. Nous essayons d'expliquer aux gens comment utiliser une plateforme professionnelle à des fins personnelles. Nous avons aussi ajouté un onglet de sécurité sur la plateforme, tout à fait visible.

Zoom-onglet-sécurité.jpg
L'onglet "Sécurité" est présent et bien visible (© Alexandre Boero pour Clubic)

Quelles sont les grandes différences entre la version gratuite et le modèle payant de ZOOM ?

En termes de sécurité, il n'y a aucune différence. C'est pour cela que nous nous attachons à offrir le maximum de sécurité à nos utilisateurs. Il n'y a pas moins de paramètres de sécurité sur la licence gratuite (Basic) que sur les licences Pro, Affaires et Entreprise. Les différences se jouent au niveau des fonctionnalités. Par exemple, sur la Basic, vous pouvez accueillir jusqu'à 100 participants en simultané, quand vous pouvez en avoir 500 sur la licence Entreprise. Il y a les URL personnalisées aussi, avec une page web dédiée. Il y a, en revanche une limite de 40 minutes au-delà de trois participants pour la version gratuite. Mais si vous conversez à deux, vous pouvez discuter en illimité.

« L'intérêt de la plateforme est qu'elle est très peu gourmande en bande passante, ce qui la différencie de certains de nos concurrents »


Il existe depuis le 18 avril une nouvelle fonctionnalité pour les clients payants, qui peuvent choisir les régions de datacenters que leur compte peut utiliser pour la circulation des données de réunion en temps réel, pour le transit des données pendant ses appels et réunions. Où se trouvent les datacenters de ZOOM en Europe ?

Cette fonctionnalité est effectivement toute récente. Les utilisateurs peuvent choisir le datacenter sur lequel ils veulent être reliés en priorité. Nous sommes encore très transparents sur les datacenters. Nous en avons 17 dans le monde, principalement aux États-Unis. En Europe, nous avons un datacenter à Francfort et un autre à Amsterdam, sur lequel nous sommes connectés aujourd'hui.

L'intérêt de la plateforme est qu'elle est très peu gourmande en bande passante, ce qui la différencie de certains de nos concurrents. Si nous accueillons un participant américain, il sera connecté, par exemple, sur le datacenter de New York ou de San Jose. C'est le Cloud ZOOM qui opère l'interconnexion pour éviter que nous nous connections aux USA pour revenir vers l'Europe, ce qui occasionnerait une certaine latence.

ZOOM a récemment été banni par Google et par la ville de New York, pour l'enseignement à distance notamment. Comment a réagi l'entreprise ?

D'abord, nous avons une situation sanitaire mondiale sans précédent, et de notre côté, dans notre microcosme de 2 700 collaborateurs, nous avons vécu un bashing sans précédent. Le fait que Google ait informé ZOOM de ne pas vouloir utiliser le logiciel en interne, pose une question : pourquoi ne pas utiliser leur propre logiciel ? Et pourquoi des milliers de collaborateurs de l'entreprise utilisaient ZOOM ?

« Le Cloud ZOOM opère l'interconnexion pour éviter que nous nous connections aux USA pour revenir vers l'Europe, ce qui créerait une certaine latence »


Les contacts sont définitivement rompus avec Google ? Avez-vous toujours la confiance de grands groupes ?

Non, les contacts ne sont pas définitivement rompus, nous avons un plan à 90 jours qui a démarré il y a une quinzaine de jours, sur la sécurité, avec l'arrivée d'Alex Stamos, que nous évoquions précédemment, notamment. Il y a aussi les webinars hebdomadaires avec Eric Yuan. En trois semaines, ZOOM est passée d'une start-up à quasiment l'envergure d'une multinationale. Les enjeux sont colossaux. Il faut mettre les moyens en face, chose que nous faisons, car je le répète, la sécurité et le respect de la vie privée, c'est très important pour nous.

Katie Moussouris, à l'origine des programmes de Bug Bounty de Microsoft, Symantec ou du Pentagone, rejoint aussi Zoom.

Pour répondre à la seconde partie de votre question, oui, plusieurs sociétés du CAC40 nous font confiance (Sanofi ferait partie des grandes entreprises qui utilisent la plateforme, ndlr.).

Avec la crise du coronavirus, ZOOM a accueilli de très nombreux nouveaux utilisateurs. Mais est-ce que cela n'est pas dangereux, tout cela ne va-t-il pas trop vite ?

La crise est une catastrophe et a été très soudaine. Il a fallu s'adapter. Le fondateur de ZOOM a souhaité supprimer la limitation des 40 minutes pour les pays dont les écoles devaient fermer, pour que les élèves et étudiants restent connectés avec le corps professoral. La situation est bien soudaine, il faut y faire face. Mais le télétravail commence à se démocratiser, même en France. Il y a maintenant des journées télétravail négociées en interne dans les entreprises.

Croyez-vous en la pérennité du télétravail, une fois la crise passée ?

Personnellement, je travaille énormément ces temps-ci. Grâce au télétravail, j'évite bien deux heures de transport quotidiennes. Donc il y a un gain de productivité, il y a plus de flexibilité, mais on travaille vraiment beaucoup plus, et on s'adapte. La situation est en train de montrer aux grands patrons que ce n'est pas parce que nous sommes en télétravail qu'on ne travaille pas. Si nous infantilisons les gens, ils vont réagir comme des enfants, et si on responsabilise, ils réagiront comme des gens responsables, des adultes. Je pense que le télétravail est une vraie bonne chose.

« Le fondateur de ZOOM a souhaité supprimer la limitation des 40 minutes pour les pays dont les écoles devaient fermer »


À titre personnel, comment vivez-vous cette période et le télétravail ?

Depuis un mois, on permet aux gens de se connecter, de se voir, de se sociabiliser et de travailler. Ma mission est fantastique et valorisante. Je prends plaisir à travailler jusqu'à 1h00 du matin parfois, puisque je travaille avec notre siège social californien de San Jose. Ma femme travaille également depuis la maison. Nous travaillons plus, mais à notre rythme, et avec le stress des transports qui disparaît, ce qui offre un certain confort.

ZOOM Video Communications emploie 2 700 personnes dans le monde. Combien de collaborateurs sont rattachés à la France aujourd'hui ?

Notre bureau de Paris est composé de 16 personnes. À côté de cela, une douzaine de personnes travaillent depuis le bureau d'Amsterdam mais au service du marché français, où nous sommes implantés depuis juillet 2018, ce qui reste très récent. Cela fait près d'une trentaine au total.

Merci d'avoir répondu à nos questions. On vous souhaite bon courage pour le confinement et bonne continuation du côté de ZOOM France.

Merci beaucoup, au revoir.

Alexandre Boero
Par Alexandre Boero
Journaliste-reporter, responsable de l'actu

Journaliste, responsable de l'actualité de Clubic – Sensible à la cybersécurité, aux télécoms, à l'IA, à l'économie de la Tech, aux réseaux sociaux ou encore aux services en ligne. En soutien direct du rédacteur en chef, je suis aussi le reporter et le vidéaste de la bande. Journaliste de formation, j'ai fait mes gammes à l'EJCAM, école reconnue par la profession, où j'ai bouclé mon Master avec une mention « Bien » et un mémoire sur les médias en poche.

Vous êtes un utilisateur de Google Actualités ou de WhatsApp ?
Suivez-nous pour ne rien rater de l'actu tech !
Commentaires (0)
Rejoignez la communauté Clubic
Rejoignez la communauté des passionnés de nouvelles technologies. Venez partager votre passion et débattre de l’actualité avec nos membres qui s’entraident et partagent leur expertise quotidiennement.
Commentaires (10)
AlexLex14

C’est gentil, merci beaucoup :relaxed:

carinae

Franchement. . Je ne comprends pas bien leur modèle économique. S’il n’y a pas de différence entre le modèle gratuit et celui payant … pourquoi payer ?
D’autre part pour ce genre d’application la sécurité est primordiale surtout en entreprise. Ils auraient pu y penser avant non ? Tous les concurrents l’ont fait (pexip, Bluejeans,webex, teams…) jusqu’à preuve du contraire… pourquoi pas eux ? surtout au vu du CV de certains des fondateurs…

cirdan

Ca manque pas, le coiffeur ? :wink:

barret2222

La bonne blague cette interview. On dit que les principaux enjeux de zoom sont la vie privée et la sécurité. Hors justement ils se sont fail sur les deux sujets, leur bashing était donc normal.
La confiance est rompue…

AlexLex14

Je ne prends pas position pour qui que ce soit…

Mais si on est honnête deux secondes, on sait que l’immense majorité (si ce n’est la totalité) des grands noms du numérique ont tous subi des fuites de données, permis du piratage ou été la source d’actes malveillants.

Tiens, par exemple, on apprenait il y a encore quelques heures que le store qui recense les applis Android (Aptoide) a laissé fuiter 20 millions d’informations d’utilisateurs sur le dark web. 20 millions ! Et des exemples comme ça, on en a tous les jours ou presque…

AlexLex14

C’est pour moi que tu dis ça ? :sweat_smile:

cirdan

Ben… :upside_down_face: Perso j’ai résolu le problème, j’ai mis la boule à zéro et c’est surement une des meilleures choses que j’ai faites ces dernières semaines !

carinae

C’est vrai mais la ils ont cumulés les bourdes…:thinking::thinking: La question de son implémentation en milieu professionnel pose quand même question surtout au regard des concurrents… Le fait d’être utilisé par des particuliers a peut être joué en leur défaveur… Quoiqu’il en soit avant de l’implémenter dans une entreprise j’y regarderai a 2 fois pour l’instant…:flushed::flushed:

Felaz

La coupe rasée du confiné, c’est la grande mode !

mrassol

Le modele économique ? la data, c’est une startup, elle vit grace a des business angel, qui mettent et mettent du pognon jusqu’a ce que cette boite se fasse rachetée, c’est a ce moment qu’ils recuperent ce qui ont financé

Abonnez-vous à notre newsletter !

Recevez un résumé quotidien de l'actu technologique.

Désinscrivez-vous via le lien de désinscription présent sur nos newsletters ou écrivez à : [email protected]. en savoir plus sur le traitement de données personnelles