MWC 2015 - Interview Jolla : "Android a été conçu pour vendre des données utilisateurs"

Guillaume Belfiore
Par Guillaume Belfiore, Rédacteur en chef adjoint.
Publié le 04 mars 2015 à 08h26
Le constructeur finlandais Jolla a officiellement présenté sa nouvelle tablette tournant sous SailFish OS. Nous en avons profité pour interroger son cofondateur Marc Dillon, lequel revient sur l'histoire de la société et ses nouvelles ambitions.

Issue de Nokia, Jolla a été créée fin 2011 et regroupe aujourd'hui 188 employés. Après un premier smartphone, la société lancera au printemps son second produit, une tablette de 7,8 pouces tournant sur le système développé en interne : SailFish OS. Ce dernier passe alors en version 2.0.

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Êtes-vous satisfait des ventes de votre téléphone ?

Marc Dillon : Oui nous sommes satisfaits. En fait, il se vend toujours. Ce n'est pas souvent que l'on voit un téléphone de plus d'un an qui se vend encore. Ça fait vraiment plaisir et en même temps, nous continuons les mises à jour pour que les utilisateurs en aient pour leur argent.

Comptez-vous lancer un autre smartphone ?

M.D : Nous avons une feuille de route avec plusieurs produits mais pour l'instant nous nous concentrons sur la tablette.

La tablette est livrée avec SailFish OS 2.0. Quand cette mise à jour sera-t-elle disponible sur le smartphone ?

M.D : Nous déploierons la mise à jour parallèlement à la sortie de la tablette, c'est-à-dire dans le courant du second trimestre.

Faudra-t-il nécessairement se rendre sur le site de Jolla pour acheter la tablette ?

M.D : Pour l'heure, il est possible de la pré-commander sur IndieGogo. Au lancement, elle sera disponible sur le site. Par ailleurs, avec le smartphone nous avons ouvert plusieurs marchés l'année dernière. Nous annoncerons de nouveaux canaux de distribution en Chine, en Inde, à Hong-Kong et à travers l'Europe.

Comment avez-vous choisi la diagonale de la tablette ?

M.D : C'était un choix assez dur à faire pour nous. C'est un écran de belle qualité. La taille de cette dalle se marie très bien avec notre interface utilisateur. Tout est à portée de doigts, par exemple le clavier ou les différents écrans sans avoir à lever les mains. Pour le smartphone, nous communiquions sur un appareil pouvant être utilisé d'une seule main.

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Pourriez-vous revenir sur les panneaux dédiés à vos partenaires sur la tablette ?

M.D : Comme exemple nous utilisons Deezer. Aujourd'hui, si vous êtes un site de e-commerce ou un fournisseur de contenus, votre présence ne se traduit généralement que par une icône parmi tant d'autres. Ici, nous leur offrons un emplacement premium juste à côté de l'écran d'accueil. Certains consommateurs pourraient par exemple vouloir acheter cette tablette avec une souscription à Deezer ou à Netflix directement incluse.

Côté partenaires, êtes-vous en discussion avec plusieurs sociétés ?

M.D : Oui, nous avons Intel. D'ailleurs, la tablette dispose d'une puce ATOM. Nous avons également annoncé SSH, la société spécialisée dans le chiffrement. Ce partenariat avec SSH nous ouvre notamment des portes en entreprise, ou auprès des agences gouvernementales recherchant des communications sécurisées. Nous avons plusieurs autres discussions et d'ailleurs, ils se sont montrés très intéressés à l'occasion de cette édition du Mobile World Congress.

Combien d'applications natives sont disponibles sur SailFish OS ?

M.D : Il y en a plusieurs milliers. Bien sûr, la compatibilité avec Android apporte un certain nombre d'avantages. Bien sûr, la plupart des gens utilisent les mêmes applications que nous retrouvons sur SailFish OS mais il y en a quelques-unes spécifiques à vos usages et vous pouvez les trouver dans les plateformes de téléchargement Android. Aussi, nous pouvons ajouter une couche de sécurité. Nous commençons à travailler sur SailFish Secure, avec un pare-feu permettant de partager vos données personnelles avec seulement certaines applications spécifiques.

Pourra-t-on dissocier un environnement personnel d'un autre professionnel sur le téléphone comme BlackBerry Balance ou Samsung Knox ?

M.D : Ce n'est pas encore disponible aujourd'hui. Notre partenariat avec SSH est tout récent. Mais oui, nous travaillons sur ce type de projets.

Le système SailFish OS est-il complètement open source ?

M.D : La plupart du code est open source. Il y a quelques éléments que nous conservons, notamment des composants de l'interface graphique baptisée Silica parce qu'elle forme le caractère unique de SailFish OS.

Mais pourtant vous disposez d'un launcher Android avec ces mêmes éléments graphiques. Pourquoi donc achèterais-je un smartphone ou une tablette sur SailFish OS ?

M.D : C'est une combinaison de plusieurs choses. Tout d'abord, Android a été conçu pour vendre des données utilisateurs. Ou plus précisément, pour vendre les données des utilisateurs aux publicitaires. C'est quelque chose que les gens ont du mal à percevoir. Et puis il y a les aspects de la sécurité qui viendront s'ajouter.

Pourriez-vous partager les grandes lignes de SailFish OS 3.0 ?

M.D : Je pense que la sécurité et la vie privée seront globalement placées au premier plan. Les gens ont peur et quand ils voient un nouveau produit, ils ne savent pas quoi en faire et ils l'oublient. Je pense qu'il nous faut fournir une couche de sécurité. Aussi, nous voulons rétablir la balance sur le marché sans une seule société qui fait ses petites affaires sur le secteur du mobile. Je pense que l'on peut se rassembler pour proposer un écosystème ouvert et pour le bénéfice de tout le monde.

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Il semblerait que l'entreprise devienne un marché cible pour vous.

M.D : Oui c'est sur le premier plan. Depuis le début, nous avions compris que la clé pour une startup, ce sont les partenariats, et que la création d'une alliance entre plusieurs société renforce ces partenariats

Pourquoi avoir basé SailFish OS sur MeeGo ? Pourquoi pas WebOS ou Android ?

M.D : Nous avions travaillé sur le Nokia N9 et sur MeeGo et tous ces travaux ont été simplement abandonnés. Mais nous avions donc cette expertise. Et puis nous observions le marché qui a désespérément besoin d'un changement parce que les constructeurs ne font pas d'argent, les éditeurs d'applications n'ont pas assez de visibilité. Les commerces, les fournisseurs de contenus ou les opérateurs sont dans une position délicate.

Nous souhaitions donc créer un nouveau système d'exploitation, à commencer par une interface utilisateur plus ergonomique que le fait de naviguer à gauche ou a droite à la recherche d'une application.

Combien de gens utilisent un produit Jolla aujourd'hui ?

M.D : Il y a des centaines de personnes au sein de notre communauté, la plupart d'entre eux étant des développeurs. Et il y a des gens autour du monde qui contribuent à ce projet open source.

Pensez-vous avoir atteint vos objectifs ou attendez-vous toujours la masse critique ?

M.D : Chaque fois que je me lève, j'ai l'impression d'avoir réussi. Ce que j'aimerais voir c'est plus de compétition sur le marché des smartphones et je salue les efforts de Mozilla sur Firefox OS et de Canonical sur Ubuntu Phone ainsi que de tous les autres.

Vous venez de Nokia. Alors aujourd'hui, qui est votre pire ennemi ? Est-ce Microsoft, pour s'être accaparé la division mobile de Nokia en la transformant ? Ou Google, pour sa position dominante sur le marché ?

M.D : Je ne dirais qu'une chose : j'ai été très déçu lorsque Google a modifié les valeurs de la société en ôtant le slogan « Don't Be Evil ».

Je vous remercie
Guillaume Belfiore
Rédacteur en chef adjoint
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