Révélée en 2016 par le site Buzzfeed, le système de blanchiment d'argent par Lycamobile est examiné par un tribunal parisien à partir d'aujourd'hui.
Les commerçants concernés, situés dans le quartier de La Chapelle à Paris, auraient participé au blanchiment de plus de 17 millions d'euros en sept mois, selon les enquêteurs, au profit de plusieurs sociétés de BTP. Les porte-paroles de Lycamobile, qui nient avoir eu connaissance de ce système, tentent de placer l'entreprise en victime dans cette affaire. Mais ce n'est pas la première fois que le nom de Lycamobile est mêlé à des systèmes tentant de contourner la loi.
Un système bien structuré
En 2016, un signalement est effectué auprès de Tracfin, la cellule de renseignements du ministère de l'Économie et des Finances, sur les activités douteuses de certaines boutiques parisiennes de Lycamobile. Après sept ans d'enquête, le dossier présenté aux juges du tribunal correctionnel de Paris semble épais : il révèle que des entreprises du BTP de la capitale effectuaient, pendant des mois, des virements à des sociétés-écrans, qui leur livraient des fausses factures en échange. L'argent était ensuite utilisé par ces sociétés pour acheter des milliers de cartes prépayées Lycamobile… mais ces cartes n'étaient jamais livrées.
Les cartes achetées étaient, toujours selon l'enquête, vendues à des boutiques du quartier de La Chapelle, qui les payaient en cash. Ce cash, pas perdu pour tout le monde, revenait ensuite (moins les commissions pour les intermédiaires) aux entreprises de BTP qui avaient mis l'opération en place, ce qui leur permettait d'avoir des fonds hors de leurs comptes, pour rémunérer des employés au noir, ou ajouter un billet dans la poche des dirigeants. Au moins 17 millions d'euros auraient ainsi été blanchis.
Lycamobile était-elle au courant ?
Pour un porte-parole de l'entreprise, l'enquête montre clairement que ce système permettait de payer du travail dissimulé et que le jeu de sociétés-écrans avait permis de réaliser la manœuvre à l'insu de Lycamobile. Mais cette version est, au minimum, contestée par les enquêteurs eux-mêmes et surtout par l'accusation.
Pour cette dernière, en effet, cette affaire démontre, au minimum, un manque très clair de contrôle sérieux effectué sur les contrats et sur les volumes de vente, la seule exigence de la direction semblant être une croissance débridée du chiffre d'affaires. Ainsi, une des sociétés-écrans concernées a acheté, dès sa première année d'existence, davantage de cartes SIM que les magasins Relay en France, qui sont pourtant présents dans toutes les gares et tous les aéroports du pays, ce qui devrait au minimum faire lever un sourcil. La présence de commerciaux salariés de Lycamobile dans le système de blanchiment peut également poser question.
Enfin, parce que l'entreprise semble être sur tous les fronts, cette dernière ainsi que son dirigeant français sont également jugés pour une escroquerie à la TVA en bande organisée dans une autre affaire, pour parfaire le tableau.