Les NFT, en pleine bourre, connaissent des dérives, à l'instar de toute nouvelle technologie. Chainalysis en soulève deux : le blanchiment d'argent et le wash trading.
En 2021, le blanchiment d'argent fondé sur la crypto-monnaie aurait atteint une somme record de l'ordre de 8,6 milliards de dollars, soit une hausse de plus de 30 % par rapport à l'année précédente. Le cabinet new-yorkais de données blockchain, Chainalysis, a choisi de concentrer son dernier rapport sur la part certes minime, mais très croissante du blanchiment d'argent par l'achat et la vente de NFT.
Certains n'hésitent pas à gonfler artificiellement la valeur des NFT…
Rappelons que les jetons non fongibles (NFT) constituent un bien numérique unique, dont on effectue la transaction en crypto-monnaies. Ils peuvent servir à acheter des objets physiques ou numériques (images, vidéos, etc.), sauf qu'à l'inverse d'une monnaie virtuelle traditionnelle, le NFT, non fongible donc, ne peut pas être échangé. Cela octroie à celui qui le détient une propriété exclusive du fameux actif numérique ainsi que la possibilité de faire évoluer la valeur marchande de ce dernier.
La popularité des NFT a grimpé en flèche l'an dernier. Dans son analyse, Chainalysis indique avoir suivi plus de 44 milliards de dollars de crypto-monnaies envoyées à des contrats intelligents (Ethereum) liés aux NFT en 2021. Il en ressort que le blanchiment d'argent, et surtout le wash trading, ont souvent été associés aux marchés NFT.
Le wash trading, technique qui repose sur la manipulation du marché et qui consiste à augmenter artificiellement la valeur des NFT, a pris de l'ampleur. Ici, le vendeur de NFT se retrouve aussi dans la position de l'acheteur, via un portefeuille de crypto-monnaie qu'il contrôle, de façon à faire croire que son objet a de la valeur. L'objectif final est de faire apparaître son NFT à une valeur supérieure à sa valeur « réelle ».
… mais il est finalement difficile de le faire à l'abri des regards
On pourrait croire que cette pratique est facile à mettre en place, puisqu'il existe un grand nombre de plateformes qui offrent à leurs utilisateurs la possibilité d'effectuer des transactions avec une simple connexion, sans passer par l'étape de l'identification.
En analysant la blockchain, Chainalysis a pu suivre le wash trading en étudiant le cas de NFT achetés à partir d'adresses autofinancées, qui finissent par apporter la preuve que certains vendeurs de jetons non fongibles ont bien effectué des transactions fictives. Le wash trader le plus prolifique aurait réalisé 830 ventes de cette façon. Au total, Chainalysis a identifié 150 vendeurs non rentables qui ont accusé 416 984 dollars de pertes. En revanche, 110 acteurs malveillants, les plus rentables donc, sont parvenus à réaliser, collectivement, quelque 8,9 millions de dollars de bénéfices.
Il est fort probable que ces 9 millions de dollars proviennent de ventes favorisées par des acheteurs trop peu méfiants, qui pensaient sans doute que les NFT qu'ils étaient en train d'acheter avaient pris de la valeur en passant des mains d'un collectionneur à un autre. Et ainsi de suite. Le flou juridique autour de ces transactions fictives dans le monde du NFT profitent en tout cas aux individus malveillants, du moins jusqu'à ce que les régulateurs décident de s'intéresser davantage à cette pratique. Car même si les échanges malhonnêtes restent minoritaires, ils peuvent faire beaucoup de mal au commerce des NFT et entacher la confiance dans l'écosystème. Les plateformes de marché auront aussi leur rôle à jouer pour empêcher ces transactions fictives, d'autant plus que les données et l'analyse de la blockchain permettent de repérer les utilisateurs qui vendent des NFT à des adresses qu'ils autofinancent.
Des mouvements constatés depuis des adresses présentant un risque de sanction
Le blanchiment d'argent est, selon Europol, la principale activité criminelle associée à l'utilisation illégale des monnaies virtuelles. Concernant les NFT plus précisément, l'activité de blanchiment est bien visible, même si elle reste encore une niche. Des œuvres d'art, telles que des peintures, sont un moyen idéal d'offrir des avantages fiscaux. Les criminels achètent un tableau avec des fonds illégaux, pour le vendre plus tard, contre des fonds, eux, bien légaux. Le tout « sans aucun lien avec l'activité criminelle d'origine », comme le souligne Chainalysis.
Ce qui inquiète également le cabinet spécialisé, c'est la valeur envoyée par des adresses illicites sur les plateformes de marché NFT. Celle-ci a en effet connu une nette hausse au troisième trimestre, dépassant le million de dollars de crypto-monnaies. Elle a même atteint 1,4 million de dollars au quatrième trimestre. Et sur les deux trimestres, cette activité provenait, en grande partie, d'adresses associées à des escroqueries envoyant des fonds aux marchés NFT pour opérer des achats.
Pire encore, au quatrième trimestre, Chainalysis a constaté que 284 000 dollars de crypto-monnaies ont été envoyés sur des marchés NFT depuis des adresses présentant un risque de sanction. Le phénomène s'explique par les transferts provenant de l'échange P2P Chatex, ajouté l'an dernier à la liste SDN (liste des ressortissants spécialement désignés et des personnes bloquées), une mesure américaine qui vise les criminels les plus dangereux et les terroristes désignés par les États-Unis.
Crypto-monnaie et cybercriminalité : Europol démine les idées reçues
Source : Chainalysis