L'entreprise chinoise, qui a engrangé des revenus records en 2019, essaie petit à petit de transférer son processus décisionnel hors des murs de l'empire du Milieu. Une stratégie mûrement réfléchie.
Derrière TikTok, l'application mobile de partage de vidéos aux 2 milliards de téléchargements et au milliard d'utilisateurs mensuels actifs, on retrouve l'imposante firme pékinoise ByteDance, fondée en 2012 et devenue un empire des nouvelles technologies. On en veut pour preuve les 17 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2019 (contre 7,4 milliards en 2018) et le bénéfice de 3 milliards de dollars réalisé l'an dernier. Les polémiques de censure à double sens qui entourent l'entreprise sont en train de la pousser à revoir sa gouvernance, en se tournant de plus en plus vers l'étranger.
Kevin Mayer (ex-Disney), loin d'être un cas unique chez ByteDance
À la vue de ces données, du fait que la société serait valorisée entre 100 et 180 milliards de dollars et qu'elle emploierait plus de 60 000 personnes réparties dans 126 villes, ByteDance est en train de repenser sa stratégie, avec une orientation certaine vers une « décentralisation » décisionnelle hors de Chine.
Le symbole le plus fort de cette stratégie fut l'annonce, à la mi-mai, du recrutement de Kevin Mayer, ex-patron de la division Direct-to-Consumer and International de The Walt Disney Company et un temps pressenti pour prendre la direction générale du groupe, au poste de chef d'exploitation de ByteDance et à la direction générale du service TikTok, dont il occupera désormais la tête.
Et il n'était pas bon de croire que ce recrutement ne serait pas sans conséquence. Mayer vient apporter à ByteDance un réseau long comme le Nil, une expérience de plus de 20 ans chez un géant du divertissement et une vision de ce que doit être une entreprise à l'international. Car l'ambition de la firme pékinoise ne se limite définitivement plus à la Chine.
Une « décentralisation » partielle vers les États-Unis qui pose question en interne
Sans renier ses racines, ByteDance a multiplié les mesures, ces derniers mois, pour s'éloigner de son pays d'origine, la Chine. Et la firme ne vise pas que TikTok, dont l'utilisation est planétaire, mais aussi toutes les autres activités qui ne sont pas chinoises. Concernant TikTok, ByteDance a enchaîné les recrutements et embauché plus de 150 ingénieurs du côté de son bureau californien de Mountain View, sur les terres de Google, pour développer ses opérations d'ingénierie et de recherche et développement. Des dizaines de salariés actuellement employés par les géants de la technologie américains seraient sollicités en vue d'être débauchés.
Les États-Unis, qui constituent l'un des plus gros marchés de l'entreprise, avec plus de 170 millions de téléchargements, sont une terre d'accueil pour ByteDance, mais aussi un vivier destiné à son renforcement planétaire. Récemment, un cadre supérieur de Google aurait été approché pour diriger le département d'ingénierie de TikTok aux USA. Mais il n'y a pas que chez l'oncle Sam que l'entreprise chinoise recrute. Plusieurs offres d'emploi ont été déposées notamment à Singapour, à Jakarta ou à Varsovie, où elle recherche des ingénieurs.
Mais cette ouverture sur le monde ne plaît pas à tous du côté de ByteDance. Plusieurs employés ont manifesté leur désaccord en se mettant en quête d'un nouvel employeur, craignant que la société de Pékin ne perde de sa productivité lors de sa prochaine phase d'expansion en ne concentrant plus la totalité de ses efforts depuis la Chine, et en se livrant à une opération séduction qui serait vaine. Et voir une application comme TIkTok se développer aux États-Unis, pays qui a placé cette dernière dans son collimateur concernant le traitement des données personnelles, ne suscite pas non plus un immense enthousiasme en interne.
Source : Research Newspaper