© Shutterstock x Clubic.com
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La faillite de la Silicon Valley Bank, ou SVB, spécialisée dans le financement de grandes entreprises du secteur des nouvelles technologies, fait suite à une déroute provoquée, en partie, par le resserrement des politiques monétaires américaines.

La SVB était jusqu'à maintenant inconnue du grand public. Certes, elle n'était « que » la 16e banque américaine la plus puissante (209 milliards de dollars d'actifs) à la fin de l'année dernière. Mais la Silicon Valley Bank, qui vient de faire faillite, est cependant devenue la plus grande banque à connaître pareil sort depuis la crise financière de 2008. Ce qui nous intéresse, ce sont ses liens plutôt solides avec le monde de la tech, qui plongent aussi bien les investisseurs, les entreprises et les bourses du monde entier dans le doute. Et pourtant, cette soudaine déchéance s'explique par différentes raisons.

Près de 200 milliards de dollars de dépôts non couverts : une grande partie provenait de start-up de la tech

Le monde de la tech, lui, est plutôt familier de l'établissement Silicon Valley Bank. L'éditeur de jeux Roblox y a placé 5 % de ses liquidités, tandis que Roku, la société qui fabrique des boitiers de streaming vidéo, y a placé près de 500 millions de dollars (soit un quart de sa manne financière). De l'argent aujourd'hui potentiellement perdu, puisque les fonds déposés par de nombreuses start-up de la Silicon Valley n'étaient tout simplement pas couverts par une garantie. On reparle de ce détail en fin d'article.

Le contexte :

En une semaine, trois banques américaines ont fait faillite. Outre SVB, nous avons appris que Silvergate Bank (étroitement liée au monde des cryptomonnaies) et Signature Bank (jusque-là 21e banque américaine) ont aussi sombré. Si les banques occidentales sont en souffrance ce lundi en bourse, les conséquences ne devraient cependant être que passagères et limitées pour le secteur bancaire.

Le secteur de la tech souffre, en revanche, depuis plusieurs mois, en ne parvenant plus à lever autant de fonds qu'il y a quelques années. La Réserve fédérale (Fed) a, de son côté, augmenté ses taux, avec un resserrement monétaire qui a mis les banques sous pression, voyant leurs marges diminuer. La Fed, qui essaie de lutter contre l'inflation, a ainsi poussé les clients de ces banques à placer leurs liquidités dans des produits financiers mieux rémunérés. Les trois banques venant de faire faillite n'ont alors pas pu digérer les retraits massifs des épargnants (en d'autres termes, elles n'avaient pas les moyens de répondre aux demandes nombreuses de retrait), qui eux avaient besoin d'argent pour notamment payer les salaires de leurs employés. Il n'est évidemment pas impossible que d'autres banques fassent… banqueroute. Mais ce n'est pas cette inquiétude qui domine.

Le secteur bancaire est taillé pour faire face à ces événements soudains. Mais pour celui des technologies, c'est une autre paire de manches. Le portefeuille de clients de SVB était à moitié composé d'entreprises issues du secteur des nouvelles technologies et des sciences, dont la santé financière dépend des investissements dont elles bénéficient. Chaque entreprise devrait pouvoir récupérer 250 000 dollars, un montant maximum garanti par l'agence Federal Deposit Insurance Corporation, qui protège les dépôts bancaires aux États-Unis, à cette hauteur seulement. Il faut avoir conscience que 96 % des dépôts opérés auprès de SVB n'étaient pas couverts. Nous parlons ici de 173 milliards de dollars.

SVB : des erreurs en cascade en l'espace de quelques jours

Pour Deepak Shenoy, fondateur de l'entreprise spécialisée dans la finance et la gestion de portefeuille Capitalmind, Silicon Valley Bank avait une étrange approche de l'investissement à court terme, en misant régulièrement sur des start-up présentant un grand risque et n'offrant pas de réelle garantie à long terme.

Shenoy s'interroge aussi sur le timing de l'annonce faite par SVB, mercredi soir, d'augmenter au plus vite du capital. Son PDG, Greg Becker, avait un besoin urgent de lever des liquidités, constatant les retraits nombreux de ses clients. Il a alors vendu pour 21 milliards de dollars de titres, composés pour la quasi totalité de bons du Trésor et d'obligations achetés lorsque les taux flirtaient autour de zéro. Mais ces titres avaient perdu une partie de leur valeur, après la hausse des taux décidée par la Banque centrale américaine. SVB a alors instantanément perdu 1,8 milliard de dollars. Pour Deepak Shenoy, le moment était inapproprié, car dans la foulée de l'effondrement d'une autre banque, Silvergate Bank. L'augmentation de capital a surtout renforcé l'inquiétude des investisseurs.

La troisième erreur de la Silicon Valley Bank aura été son défaut de communication. La célèbre agence Moody's a indiqué à la banque qu'elle allait dégrader la notation de dette de l'établissement, entraînant une plongée de son action (-66 % le 9 mars) et des retraits toujours plus importants. Plutôt que de faire preuve de transparence sur la situation, SVB a préféré inciter ses clients à ne pas paniquer, ce qui a fort logiquement provoqué la situation… inverse, venant ici renforcer un peu plus l'incertitude autour de la banque dont les signaux envoyés depuis plusieurs jours étaient tous négatifs.

La décision historique des autorités américaines, au chevet des particuliers et entreprises touchés par la faillite de SVB

Dimanche, Joe Biden a déclaré que les responsables de la faillite des trois banques américaines auraient à « rendre des comptes », évoquant ici un «gâchis ». Mais alors que le président américain doit s'exprimer lundi pour rassurer le secteur bancaire et les citoyens sur la manière dont Washington maintiendra un système bancaire solide et résilient, une annonce historique a déjà été faite par les autorités.

Le Trésor, la Fed et l'Agence de garantie des dépôts (la FDIC dont nous parlions plus haut) ont en effet déjà annoncé qu'elles permettraient aux clients lésés par la faillite de Silicon Valley Bank de récupérer l'intégralité de leurs dépôts. Une mesure historique approuvée par la Maison-Blanche, pour tenter de limiter la casse.

Sources : LinkedIn, Engadget, Clubic, BusinessToday