Prenons l'exemple du Play Store et de l'App Store. Maintenant que l'on approche le million d'applications disponibles, il est devenu quasiment impossible à un quidam de sortir du lot. Les plus chanceux, seront peut-être mis « à la une » s'ils font des courbettes à Google ou à Apple. Mais les autres devront se contenter des différents classements (plus téléchargées, plus rentables, etc.) qui ont plutôt tendance à renforcer les positions établies, qu'à favoriser la découverte de nouveaux talents. C'est le travers de l'effet « Box Office » : les riches deviennent plus riches et les indépendants souffrent.
Après cinq ans d'App Stores, on remarque aussi qu'aucun éditeur n'a vraiment explosé avec ce modèle. Rovio, malgré le succès phénoménal d'Angry Birds, n'atteint même pas 200 millions de dollars chiffre d'affaires. Il reste très loin du milliard, barrière à partir de laquelle on commence à peser dans cette industrie. Notez que les grands éditeurs du marché, ceux qui ont les moyens de développer de grosses applications, boudent toujours autant les Apps Stores. Les quelques tentatives de Microsoft ou d'Adobe sur le mobile ne sont faites qu'avec des applications gratuites ou limitées (OneNote, Photoshop Touch, etc.). Et sur les applications de bureau, tous fuient le Mac App Store et le Windows Store comme la peste.
Office et Photoshop gratuits sur les Stores
On les comprend. Ces « Stores » ont habitué l'utilisateur aux prix très bas. Une application à 20 € est déjà considérée comme chère. Il paraîtrait insultant d'afficher des prix de plusieurs centaines d'euros, comme ceux qui ont fait la fortune des ténors du marché. Sans compter avec la commission que prennent les gestionnaires de ces « Stores ». Très peu d'entreprises pourraient survivre en perdant d'un coup 30 % de leur chiffre d'affaires. Voilà pourquoi, malgré les milliards d'applications téléchargées, les grands éditeurs traînent toujours des pieds pour inclure les App Stores à leur modèle.
Pourtant, les utilisateurs, eux, adorent ce modèle. Les App Stores sont là pour durer. Les éditeurs vont donc s'adapter pour reprendre la main. Une tendance consiste à proposer son application gratuitement sur les Stores, mais la facturer ailleurs. Regardez le classement des applications les plus rentables : elles sont quasiment toutes gratuites. D'où vient l'argent ? Des paiements effectués, soit au sein de l'application, soit directement à l'éditeur. C'est le modèle retenu par Salesforces et SAP, mais aussi par Google pour sa suite QuickOffice qui requiert un compte Google Apps Premium. Ce sera probablement bientôt celui de Microsoft et d'Adobe : Office et Photoshop téléchargeables gratuitement sur les Stores, mais réservés aux abonnés Office 365 et Creative Cloud.
Quelle ironie. Alors que les Stores devaient faire baisser les prix et mettre à égalité grands éditeurs et petits indépendants, ils finissent par ne favoriser que les plus gros. Ceux qui mettront les moyens pour sortir du lot et qui pourront facturer ce qu'ils veulent... à l'extérieur du Store.