Laurent Picard, Bookeen : "Nous avons des projets du côté des tablettes"

Audrey Oeillet
Publié le 26 mars 2012 à 17h41
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Laurent Picard, co-fondateur de Bookeen
Pionnière du livre numérique en France, l'entreprise Bookeen était présente au Salon du Livre 2012 pour présenter au public sa dernière liseuse en date, le Cybook Odyssey. L'occasion pour nous de parler livre électronique et avenir du secteur avec son co-fondateur, Laurent Picard.

Fondée en 2003, l'entreprise Bookeen est née des cendres de Cytale, entreprise pionnière en matière de liseuses électroniques dès 1998, malheureusement bien avant l'heure du livre numérique. Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts et la société française s'est fait une place sur un marché de plus en plus concurrentiel, où de grandes firmes internationales s'imposent de plus en plus. Dans un coin du stand dédié au Cybook Odyssey sur le salon du livre, Laurent Picard explique la vision de Bookeen : « notre objectif est de proposer un système ouvert. Nous ne cherchons pas à être hégémoniques comme Amazon ». Un bon point de départ pour un entretien qui évoque le marché du livre électronique, la concurrence, et la stratégie de la société française.

Clubic : Vous avez sorti en fin d'année dernière le Cybook Odyssey. Qu'est-ce que ce que cette liseuse a de plus que les autres ?

Laurent Picard : C'est le plus rapide du marché. Les retours clients sont très positifs à ce sujet. L'encre électronique High Speed Ink System utilisée dans le Cybook Odyssey représente 2 ans de R&D chez nous. Nous sommes également les seuls aujourd'hui à proposer une ergonomie à base de menus déroulants avec un écran tactile sur une liseuse, ce qui fait que les utilisateurs s'approprient facilement le produit. On s'est basé sur les retours des clients sur le Cybook Opus, car on s'est rendu compte que les gens avaient le réflexe d'appuyer sur l'écran comme sur leur téléphone.

Par ailleurs, notre stratégie d'ouverture fait que nos clients sont très libres, il peuvent acheter chez nous, mais également chez d'autres libraires. De notre côté, on propose directement depuis l'appareil la possibilité d'acheter des ouvrages : on dispose aujourd'hui catalogue de 60 000 titres en français et le même nombre en allemand.

Vous aviez annoncé le Cybook Odyssey le 7 octobre, soit le même jour de l'annonce de l'arrivée du Kindle d'Amazon en France...

C'était fait exprès. La communication fait des « vagues », nous ne voulions pas annoncer notre produit trop en avance ou trop en retard. Et donc on l'a annoncé en même temps qu'Amazon, et on a été disponible trois semaines après en magasin. Aujourd'hui, il n'y a qu'Apple qui arrive à faire une annonce et être disponible une semaine après seulement en magasin.

Nous, on a fait ce qu'on appelle un « time to market » : ce n'est pas bon d'annoncer trop en avance, on l'avait fait pour le produit d'avant et ça avait généré de la frustration. Là, on a commencé à montrer ce qu'on faisait en R&D, comme notre encre électronique qu'on a montrée en été 2011 et qui a généré beaucoup de buzz et a attisé l'intérêt de la concurrence. Puis on a annoncé le produit peu avant sa sortie : c'était prévu, et ça s'est joué à un jour près avec l'annonce d'Amazon.

Vous n'étiez donc pas étonné de l'annonce d'Amazon.

Non, par contre nous avons été étonnés qu'ils lancent un produit bas de gamme, qui n'est pas tactile. Ils jouent uniquement sur le prix et pas sur la qualité du produit ou sur l'innovation.

Mais Amazon a lancé l'année dernière le Kindle Touch aux USA et des rumeurs laissent penser que cette liseuse pourrait être proposée en Europe prochainement. Vous ne craignez pas que la politique agressive d'Amazon en termes de prix soit privilégiée par les consommateurs (NDLR : le Cybook Odyssey est proposé à 150 euros et le Kindle Touch à 139 dollars, soit 105 euros) ?

Si, forcément, quand on voit le matraquage médiatique, la publicité... bon, ils ont les moyens de le faire et sans doute qu'à leur place, nous ferions pareil.

Nous, nous sommes dans un écosystème ouvert, nous n'avons pas de velléité hégémonique, nous ne cherchons pas à remplacer tous les maillons de la chaîne. Nos partenariats avec les libraires démontrent que même si nous sommes concurrents sur certains aspects, ça ne nous empêche pas de travailler ensemble.

Vous ne donnez pas de chiffres de ventes, concernant vos liseuses ?

Si les autres les donnaient, nous les donnerions aussi mais comme personne ne communique à ce sujet, nous non plus. Je peux néanmoins vous dire que nous sommes présents dans 2000 points de vente en Europe, et on fait la majorité de notre chiffre d'affaire en dehors de la France. Il y a des pays plus dynamiques, comme l'Allemagne où le marché se développe plus rapidement... nous sommes dans un secteur en pleine croissance, en France on est très bien placé, dans le top 3, en Italie nous sommes dans le top 2. En France, Cultura et Decitre ont annoncé durant le salon du livre qu'ils allaient vendre le Cybook Odyssey dans leurs librairies. Il y a une bonne dynamique et il y aura dans les prochains mois des annonces de partenariats en Europe.

Dans le contexte actuel, comment tirez-vous votre épingle du jeu ?

Actuellement, il y a une sorte de guerre à la « David et Goliath » entre Bookeen et les autres concurrents. Nous nous plaçons comme un partenaire privilégié des libraires qui n'ont pas les moyens de développer leurs propres solutions : c'est qu'on fait avec Virgin, Cultura et Decitre, c'est un partenariat entre des libraires papiers qui ont un rayonnement national, et nous qui sommes aujourd'hui le seul fabricant européen.

En parlant de partenariat... quand la Fnac a annoncé qu'elle allait proposer une liseuse conçue par le canadien Kobo, on aurait pu imaginer qu'elle se tourne plutôt vers Bookeen, fabricant français. Vous avez été approché, ou pas du tout ?

On a tous travaillé à cette offre là... il faudrait leur poser la question. Kobo est une plus grosse société que nous, ils ont donc fait le choix de travailler avec un gros groupe. Mais c'est un choix qui se retourne contre eux, car Kobo a été racheté fin 2011 par Rakuten, qui est l'équivalent d'Amazon au Japon. Donc indirectement, ils donnent tous leurs clients à la concurrence.

Actuellement, la Fnac est à vendre, donc ils n'ont pas vraiment de stratégie à long terme, mais plutôt une stratégie de réduction des coûts et c'était l'idée en travaillant avec Kobo. Nous, on leur a proposé de lancer notre produit, comme l'a fait Virgin par exemple, en proposant leur propre catalogue dessus. Mais ce qu'ils ont fait avec Kobo, ils s'en mordent les doigts, car ils ont fait le choix de tout déléguer à un prestataire en lui donnant leurs clients. On verra ce qu'il va se passer dans ce contexte dans les prochaines années.

Le lancement du Fnacbook, la première liseuse de la Fnac, n'avait pas été très concluante non plus.

Pour le Fnacbook, le produit n'était pas bon, mais la stratégie était bonne. De mon point de vue, la Fnac aurait dû continuer sur sa lancée. Mais c'était vital pour eux de rester sur le marché : aujourd'hui, il faut que les libraires investissent dans le livre numérique, c'est essentiel.

En somme, la stratégie de Bookeen c'est de miser sur les partenariats avec les libraires, pour jouer sur la complémentarité, plutôt de de développer sa propre plateforme ?

Nous développons notre propre plateforme parce que c'est un atout pour notre société. Nous développons nos liseuses et notre propre logiciel, et depuis 2 ans, nous sommes également libraire. Nous investissons parfois avant nos partenaires dans le domaine de la librairie et on acquiert une légitimité.

Notre intérêt, c'est que ce soit simple d'accéder au contenu car on pense que plus c'est simple, plus les gens vont acheter. Donc soit ce sont des choses que nous sommes nous-mêmes disposés à proposer, soit via des partenariats. Notre intérêt aussi, c'est que nos liseuses soit accessibles dans un maximum d'endroits possibles... donc oui, les partenariats avec les libraires sont importants pour nous, mais nous ne négligeons pas pour autant le développement de notre propre librairie.

La liseuse Cybook Odyssey est sortie fin octobre 2011, comptez-vous annoncer de nouveaux produits en 2012 ? Par exemple, comptez-vous vous lancer sur le marché des tablettes tactiles ?

Le Cybook Odyssey vient juste de sortir, donc pour le moment nous nous focalisons dessus en proposant des mises à jour fréquentes. Il y aura de nouvelles annonces en 2012 concernant de nouveaux partenariats en Europe pour cette liseuse.

Concernant les tablettes tactiles, oui, nous avons des projets pour un usage complémentaire, et là on parle plutôt de la fin de l'année 2012. C'est un marché évident, il y a une double offre, des gens qui veulent lire et d'autres qui souhaitent faire plus de choses. Nous n'avons pas d'annonce pour le moment, mais on se donne rendez-vous plus tard autour de cette idée.

Merci !
Audrey Oeillet
Par Audrey Oeillet

Journaliste mais geekette avant tout, je m'intéresse aussi bien à la dernière tablette innovante qu'aux réseaux sociaux, aux offres mobiles, aux périphériques gamers ou encore aux livres électroniques, sans oublier les gadgets et autres actualités insolites liées à l'univers du hi-tech. Et comme il n'y a pas que les z'Internets dans la vie, j'aime aussi les jeux vidéo, les comics, la littérature SF, les séries télé et les chats. Et les poneys, évidemment.

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