Géolocalisation : les grands magasins se réveillent

Olivier Discazeaux
Publié le 09 décembre 2014 à 10h12
De grands commerçants aux Etats-Unis déploient déjà à l'échelle nationale cette technologie basée sur le protocole Bluetooth basse-consommation. En France, les enseignes l'expérimentent encore. L'incertitude demeure sur la capacité des détaillants à l'adopter.

Depuis quelques semaines, certains clients du centre commercial d'Auchan de Faches-Thumesnil, dans l'agglomération lilloise, peuvent recevoir lorsqu'ils passent à proximité du rayon alimentation/électricité un message promotionnel pour des marques de piles. A l'approche de la caisse, une notification s'affiche également sur leur smartphone les conviant à lancer l'application « MyAuchan » qui s'ouvre alors automatiquement à la section carte de fidélité et bons de réduction. Un service qui accélère le passage en caisse. A chaque fois, ces actions sont déclenchées grâce à l'interaction du smartphone du consommateur avec balise émettant un signal en mode Bluetooth basse consommation.

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Plus connue sous le nom de Beacon (balise en anglais), cette technologie ressuscite l'espoir des grandes enseignes qui voient en elle la solution tant attendue pour localiser et interagir avec le client en magasin. Il est vrai que le Beacon dispose de certains atouts comparé à ses prédécesseurs (triangulation Wifi, ultrasons...). A commencer par son faible coût et sa facilité de mise en œuvre. Un beacon est un petit boitier qui affiche une autonomie d'au moins un an avec une simple pile et son prix s'inscrit dans une fourchette de 30 à 50 dollars.

"Etre reconnu nativement par les systèmes d'exploitation d'Apple et de Google"



« L'énorme avantage du Beacon est également d'être reconnu nativement par les systèmes d'exploitation d'Apple et de Google», relève Julien Saumande fondateur de Phoceis, société qui a mis en place la solution chez Auchan. « L'utilisation des technologies antérieures relevait, elle, plutôt du bidouillage », ajoute-t-il.

Autre atout majeur : la possibilité de solliciter le consommateur même lorsque son application est en veille, chose impossible avec l'ultrason par exemple. Toute enseigne peut ainsi envoyer un push de notification demandant au client de lancer son application à son entrée dans le magasin car une promotion l'attend. « Cette fonction est celle qui intéresse en priorité les acteurs de la vente et de la distribution », observe Jérôme Stioui président d'Accengage, un spécialiste des logiciels de CRM pour mobiles.

Shopkick : attirer le consommateur en magasin voire dans un rayon précis

Des enseignes américaines se sont déjà lancées dans le déploiement à grande échelle de ces petits boîtiers. Notamment celles partenaires de Shopkick, une application qui récompense ses utilisateurs de points cadeaux (ou « Kicks ») chaque fois qu'ils franchissent la porte d'un magasin partenaire ou scannent des articles comme s'ils concouraient à une chasse au trésor.

Les points ainsi cumulés sont convertibles en cadeaux. L'américain moyen ayant un goût immodéré pour les coupons et les bons de réduction, Shopkick connait un phénoménal succès de l'autre côté de l'Atlantique. Pour les enseignes, l'application fait figure d'outil idéal pour attirer le consommateur en leur sein même si, en théorie, ce dernier pourrait passer son temps à scanner des produits et recevoir des points sans jamais rien acheter.

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Depuis l'année dernière, l'éditeur californien qui utilisait jusqu'alors une technologie propriétaire basée sur les ultrasons a adopté le protocole iBeacon d'Apple. Par le truchement de ces bornes, les points de récompenses peuvent désormais être accordés non plus seulement à l'entrée du client dans une boutique mais lorsque ce dernier se rend dans un rayon précis.

Cette évolution a particulièrement séduit Macy's, l'un des quinze partenaires de l'éditeur. La chaîne américaine de grands magasins a annoncé en septembre dernier son intention de déployer 4 000 « shopbeacons », surnom des balises de l'éditeur Shopkick, d'ici le début des fêtes de fin d'année dans l'ensemble de ses succursales aux Etats-Unis.

Intérêt pour l'enseigne : envoyer des messages plus personnalisés comme informer une cliente que la robe qu'elle a stockée dans ses favoris en naviguant sur l'application à la maison est en stock ou lui pousser une promotion quand elle passe devant le rayon chaussure. Pour l'instant, Macy's n'utilise pas les beacons avec sa propre application mobile.

Autre partenaire de Shopkick, la marque de vêtement pour ados American Eagle Outfitters a déployé des balises dans une centaine de boutiques. Les clients reçoivent à leur arrivée des récompenses ou des rabais spécifiques à cette enseigne. La chaîne a également utilisé les points de récompenses pour encourager les consommateurs à essayer des vêtements.

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Faciliter le passage en caisse et le parcours d'achat du client

Promoteur du protocole iBeacon, Apple est sans surprise l'une des premières enseignes à avoir installé ces balises communicantes. Depuis fin 2013, les 254 magasins du fournisseur informatique aux États-Unis en sont équipés. Un client qui entre dans un magasin Apple muni de l'application Apple Store reçoit un message de bienvenue sur son téléphone avec une liste de rendez-vous disponibles au Genius Bar, le service de support dans les magasins. Des notifications en fonction de sa localisation lui sont également transmises comme par exemple, à l'approche du rayon « accessoires », un message proposant des détails sur le matériel et l'usage d'Easy Pay, une solution qui permet de scanner un produit et payer sans faire un appel un vendeur.

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En France, pas de déploiement à grande échelle pour l'instant mais quelques grandes enseignes se sont déjà lancées, à l'instar du groupe Auchan, dans des expérimentations locales. Leroy Merlin, les Galeries Lafayette ou encore Carrefour utilisent ces balises dans le but de guider le consommateur dans les travées du magasin. Carrefour a par exemple installé un dispositif dans son centre commercial, et vitrine technologique, de Villeneuve La Garenne. Les clients peuvent grâce à l'application « C-où » localiser un produit dans les 11 300 m2 de la grande surface.

L'application téléchargée par plus de 3 000 clients permet également de calculer le parcours optimal par rapport à une liste de course préétablie. Ce avec une précision au rayon près. « Les retours clients révèlent néanmoins qu'ils utilisent l'application essentiellement pour être guidé vers un produit à la fois », relève Arnaud Masson dirigeant de Insiteo, société conceptrice de la solution.

Le dispositif ne repose pas seulement sur la technologie Bluetooth basse-consommation. La géolocalisation des produits est réalisée grâce à des étiquettes électroniques Pricer. L'enseigne de grande distribution réfléchit à la mise en œuvre de suggestions d'achats en fonction de la localisation du client dans les rayons. Au-delà, le dispositif permet de mieux connaitre les zones de fréquentation du magasin. « Des données dont Carrefour ne fait pour l'instant pas usage », précise Arnaud Masson.

Des défis à surmonter pour les commerçants

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Difficile de savoir à ce stade si les espoirs des commerçants se concrétiseront. Ils devront en tout cas tenir compte de certains paramètres avant d'exploiter cette technologie. Avec le Beacon, ils ne pourront solliciter que les consommateurs qui, en plus d'avoir téléchargé leur application, ont activé la géolocalisation et la fonction Bluetooth du téléphone. « Cela réduit drastiquement le nombre de personnes éligibles », relève Julien Saumande.

Techniquement, la présence de Wi-Fi ou non dans l'enceinte est également une donnée à prendre en compte. Si le magasin dispose de cette connectivité, il pourra pousser des offres promotionnelles et du contenu en temps réel. Dans le cas contraire, il lui faudra opter pour le chargement des données et des scénarios dans l'application, actualisables à chaque connexion.

L'envoi de notifications ou d'offres personnalisées ne se fait pas non plus d'un coup de baguette magique. La balise n'est après tout qu'un simple émetteur qui permet de localiser le smartphone du consommateur. C'est l'application via l'utilisation d'algorithmes sophistiqués qui calcule sa position. Tout le travail de mise en avant de contenus ciblés réside ensuite dans le savoir-faire des équipes marketing équipées de plateformes CRM et de gestion des campagnes.

Enfin, les vendeurs devront trouver le juste dosage afin de ne pas noyer leurs clients sous un déluge de messages et d'offres promotionnelles. Dans le cas contraire, ces derniers se détourneront du service. Or quoi de mieux pour envoyer des messages pertinents que de disposer du profil du client et de son historique d'achat. «Inciter le consommateur à s'identifier dans l'application et dématérialiser sa carte de fidélité reste un défi pour les détaillants », relève Jérôme Stioui. Et une condition importante pour pousser la bonne offre au bon moment.



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