Armé de votre loupe virtuelle et vêtu d'un trench tout aussi numérique, partez à la recherche du meurtrier de la sœur de Gaëlle, tout au long d'une enquête qui revendique une triple inspiration : le fameux jeu de plateau Cluedo, le non moins fameux Fenêtre sur cour et le projet Voyeur du réseau américain HBO. Telle est en substance la proposition de valeur du jeu Detective Avenue, qui propose sur les cinq semaines à venir de participer à une enquête dont les éléments constitutifs seront distillés jour après jour via le Web, le mobile et la TV.
Le dispositif comprend ainsi une soixantaine de vidéos courtes, diffusées sur le Web, mais aussi sur l'un des canaux de la TV d'Orange. En parallèle de ces modules retraçant les avancées de l'enquête, le joueur est invité à mener ses propres recherches par l'intermédiaire du site Web dédié, en fouillant par exemple l'appartement des protagonistes. Il pourra également écouter les messages téléphoniques que se laissent ces derniers, ou recevoir des SMS d'un autre personnage. Une application iPhone sous-tend l'ensemble, avec quelques possibilités supplémentaires, comme l'exploration des alentours d'une boutique Orange pour récolter de nouveaux indices.
« L'internaute est un peu placé dans la posture du voyeur, puisqu'il commence par suivre la jeune femme qui s'installe dans l'appartement de sa soeur pour mener son enquête, mais il est aussi détective. Après la vidéo, on va par exemple lui proposer une fouille qui va lui permettre de se retrouver dans le décor et d'y chercher des indices afin de se faire sa propre opinion », explique Laurent Guérin, producteur transmédia chez Murmures Productions. Pour certaines actions, il sera suggéré à l'internaute de faire appel à des services de SMS surtaxés, mais ceux-ci ne seraient pas indispensables pour progresser dans l'aventure. « Le joueur qui voudrait consommer tous les contenus mis à sa disposition ne dépenserait de toute façon pas plus de 5 ou 6 euros ».
Au terme des cinq semaines de jeu, un système de points permettra de gratifier de quelques lots les internautes les plus sagaces... ou ayant le mieux fédéré leurs contacts, puisqu'un système de parrainage est suggéré sur Facebook. Sans surprise, le réseau social compte en effet parmi les principaux leviers mis en place pour favoriser la viralité de l'opération, d'autant que la communication est restée jusqu'ici très modeste. Les différents personnages y disposent d'ailleurs d'un profil, qui peut également être mis à contribution dans la résolution des énigmes.
700 000 euros de budget
L'idée de départ consistait à développer un projet d'enquête interactive sur le Web, afin d'explorer les possibilités de narration offerte par ce support. « Avec Alain Degove, on a développé le projet, et on l'a présenté à toute la place de Paris, mais tout le monde a trouvé ça trop cher », se souvient Laurent Guérin. « Heureusement pour nous, il y a eu un appel à projets sur les dispositifs novateurs et transmédia chez Orange. On s'est dit qu'on allait le gagner et on l'a fait ». Résultat des courses : une enveloppe de 300 000 euros qui, ajoutée aux différentes aides sollicitées auprès d'institutions comme le CNC, permet de mettre la machine en branle. Toutes sources de financement combinées, l'investissement total se monte à près de 700 000 euros.
« La production audiovisuelle est un métier déjà bien rôdé, mais dès que vous vous attaquez à du transmédia et à l'interaction, vous voyez débarquer sur votre tournage des game designers, des photographes, des concepteurs, tout devient beaucoup plus compliqué. Quand on tournait une scène en vidéo, il fallait par exemple penser à photographier tous les éléments susceptibles de donner lieu à des interactions sur le Web », raconte-t-il encore.
Sur le plan technique, Murmures Productions explique avoir développé un véritable moteur destiné à sous-tendre le jeu et combiner les différentes interactions possibles. Au delà du succès de Detective Avenue, dont les chances de rentabilité pure sont quasi-nulles puisqu'il faudrait réunir des centaines de milliers de joueurs, la société espère bien démontrer la viabilité du modèle et susciter suffisamment d'intérêt pour qu'il puisse être décliné par la suite dans d'autres conditions.
« On peut imaginer des licences à l'étranger, ou de nouveaux projets sponsorisés sur lesquels il serait possible de réaliser des économies d'échelle. A ce stade, nous souhaitons montrer le potentiel d'un projet transmédia ambitieux tout en s'approchant au maximum de la rentabilité », résume Laurent Guérin.
Les amateurs pourront tenter leur chance sur detective-avenue.com. La première phase du jeu, au cours de laquelle tous les joueurs poursuivent le même déroulé, prendra fin début mai. Le dispositif restera en ligne les mois suivants, avec cette fois quatre scénarios possibles, avec autant de contenus dédiés, pour renouveler l'intérêt et fédérer de nouveaux joueurs.