Yvan Coutaz, directeur général adjoint de la société de services Hardis, revient sur ces mutations.
Que trouve-t-on dans les rouages de la vente omnicanale (sur le Web et en magasin) ?
Le discours actuel est trop focalisé sur le front office (ce qui est au contact du client), alors que derrière, il y a une chaîne logistique qui doit suivre. Ce qui change dans ce paradigme se ressent à tous les niveaux. Par exemple, dans la livraison du magasin. Souvent, les ventes faites en « click & collect » (achat en ligne puis retrait en boutique), puisent dans les stocks e-commerce de l'enseigne, ce qui suppose une autre gestion.
La logique est de mutualiser les stocks dédiés au magasin et ceux du site Internet afin d'être plus agile pour répondre aux commandes qui se font sur un canal pour être retirées sur un autre. En parallèle, les systèmes informatiques évoluent pour s'adapter aux nouveaux processus de réception et préparation des colis.
Selon Yvan Coutaz, les logiciels de gestion se vendent de plus en plus en service cloud - Crédit : Hardis.
Pouvez-vous décrire cette vision globale et dire ce qu'elle apporte au commerce ?
Quand une enseigne vend indifféremment en ligne et hors ligne, elle doit voir où en sont ses stocks de façon unifiée. Imaginons que je veuille acheter une cafetière. Je me rends en magasin, et constate qu'elle n'est pas disponible. Pourtant, elle est bien là dans l'entrepôt central, et disponible dans un autre point de vente de l'enseigne. L'enjeu des nouveaux logiciels de gestion est de pouvoir identifier le produit et de le réserver.
Au lieu de perdre une vente, l'enseigne fera la vente en mettant en réseau ses deux boutiques. La cafetière me sera donc livrée, mais depuis un autre point de vente. Je n'aurais pas eu à attendre que le magasin le plus proche de chez moi soit approvisionné. Pour cela nous avons une solution qui se place au-dessus du logiciel de gestion de l'entreprise (ERP) et des stocks, et qui orchestre le traitement des livraisons de façon globale.
Pour que cela fonctionne et que les magasins d'un même réseau ne se cannibalisent pas entre eux, leurs objectifs doivent être redéfinis, en prenant en compte le départ de l'achat et en impliquant le management.
De quelle façon innovez-vous pour accélérer les processus au niveau de l'entrepôt ?
En début d'année, nous avons déposé un brevet pour utiliser des drones en entrepôt. Dès 2016, ils pourront automatiser le travail d'inventaire. Ils répondent au double objectif de sécurisation, surtout pour les articles situés en hauteur, et de productivité. Le premier impératif est dicté par le gouvernement, qui a récemment souligné le besoin de renforcer la sécurité. Le second, par la transformation numérique, qui accélère tout.
Dans un premier temps, les drones seront pilotés par un opérateur. Ils se destinent ensuite à voler de leurs propres ailes, en respectant un plan de vol prédéfini, et cadré par des balises et une localisation intérieure.
Nous expérimentons aussi des lunettes connectées de chez Epson Glass afin de libérer les deux mains des préparateurs, de leur indiquer rapidement l'emplacement des produits et leur permettre de les scanner. Mais à ce jour l'autonomie est encore insuffisante pour une large adoption, et pose des questions de sécurité.
Avant l'avènement des drones d'entrepôt, la sécurité des employés restants devra être assurée - Source : Hardis.
La tendance est à la livraison le même jour. Que faites-vous pour tendre vers ce but ?
À l'échelle de l'entrepôt, nous œuvrons à proposer un système d'information qui mette à jour les stocks de façon fiable et réactive. Au niveau de la préparation des colis, cela passe par des automates pour gagner un maximum de temps. Enfin dans les magasins, il faut des procédures simples et des solutions mobiles.
La visibilité en temps réel des stocks, pierre angulaire de l'omnicanal, est-elle fiable ?
La disponibilité d'un produit peut se définir de différentes façons : lorsqu'il est réservé, sort du stock, est payé... Cela se paramètre. L'enjeu que nous avons est de prédire l'approvisionnement des magasins. Avec l'énorme quantité de données que nous avons emmagasinée depuis des années, nous travaillons (avec des start-up) sur des modèles prédictifs. En croisant, par exemple, la météo avec l'historique de préparation et d'expédition des commandes, nous prévoyons les pics d'activité, et ajustons les intérimaires en entrepôts.
La fameuse phrase « plus qu'un article disponible », est-ce du marketing de la rareté ?
En jouant sur les paramétrages, on peut faire dire n'importe quoi. Est-ce qu'on annonce une pénurie à partir de dix produits en stock ? Il y a parfois de la manipulation mais je n'ai pas vérifié, je ne sais pas vraiment.
À lire également :
- "Les acteurs de la distribution vont refaçonner le e-commerce"
- Pourquoi le commerce en ligne et de proximité vont "fusionner"
- Drives : pas toujours rentables, ils attendent le "grand soir"
- La livraison le même jour fait ses premiers pas en France
- Amazon autorisé à tester son drone de livraison aux États-Unis
- La Poste valide ses tests de livraison par drones