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Le sénateur démocrate Edward John Markey se dit très préoccupé par le rôle que jouent les entreprises privées dans ce qu’il qualifie de surveillance de masse.

Un rapport du sénateur américain Edward John Markey pointe le recours de plus en plus fréquent aux données issues des interphones Ring et Nest par les forces de l’ordre. Depuis novembre 2019, la quantité d’échanges a été multipliée par cinq – peut-être aussi en raison de la massification de ces dispositifs. Or, dans les « cas d’urgence », ces divulgations se font sans le consentement explicite des utilisateurs concernés, et sans contrôle.

Des conditions d’utilisation sans équivoque

Nous employons le terme explicite car, c’est écrit noir sur blanc dans ses règles de confidentialité et ses conditions d’utilisation, Google est amenée à communiquer certaines données aux autorités administratives dans le cadre d’affaires civiles, administratives et pénales, ainsi que dans celles liées à la sécurité nationale. Ces demandes doivent toutefois respecter la législation américaine, celle du pays demandeur le cas échéant, les normes internationales (celles de la Global Network Initiative) et bien sûr les règles de Google.

Du côté d’Amazon, l’entreprise dit divulguer le contenu des comptes clients et autres informations personnelles lorsqu’elle y est légalement obligée ou si cette divulgation est nécessaire pour protéger les droits, la propriété ou la sécurité d'Amazon, des utilisateurs ou d'autres personnes.

Dans son rapport, le sénateur estime toutefois préoccupante la généralisation de ces demandes d’urgence, permettant aux forces de l’ordre d’obtenir des séquences sans autorisation préalable ni mandat.

Parole à la défense : la protection avant tout

En réponse à l'enquête d’Edward John Markey, Amazon a publié un communiqué dans lequel il est écrit :

« Jusqu'à présent, pour cette année, Ring a fourni des vidéos aux forces de l'ordre en réponse à une demande d'urgence seulement 11 fois. Dans chaque cas, nous avons déterminé de bonne foi qu'il y avait un danger imminent de mort ou de blessure physique grave pour une personne, nécessitant la divulgation d'informations sans délai. »

Cette mise en danger de la vie nécessitant une réaction sans délai est également l’argument mis en avant par Google pour les demandes d'informations dans les cas d'urgence. La firme précise :

« Si nous avons des raisons valables de penser que nous pouvons empêcher une personne de mourir ou de subir de graves blessures physiques, nous pouvons fournir des informations à un organisme gouvernemental (par exemple, dans le cadre d'alertes à la bombe, de fusillades dans une école, d'enlèvements, de la prévention du suicide et de la recherche de personnes disparues). Nous examinerons toujours ces demandes conformément aux lois applicables et à nos règles. »

Parole à l’accusation : aucun contrôle, donc des dérives possibles

Vous en conviendrez, de prime d’abord, une position visant à contester ces dispositions susceptibles de sauver des vies paraît assez délicate à tenir. Simplement les accusations ne portent pas tant sur ces dispositifs d’urgence que sur l’absence de contrôle a posteriori.

En effet, comme le soulignent Jason Kelley et Matthew Guariglia pour l’EFF (Electronic Frontier Foundation), « les garanties de protection des libertés civiles sont insuffisantes dans ce processus ».

Ils regrettent notamment la carence d’une procédure qui permettrait à l’individu concerné, ou à un juge, de déterminer, ultérieurement, si la situation relevait bien de l’urgence.

Ce manque de contrôle, et donc de possible contestation ou sanction, ouvre la voie à des abus selon eux : ils pensent que la police sera tentée d'avoir recours à ces demandes d'urgence pour des « situations de moins en moins urgentes ».

Une surveillance généralisée opérée par des entreprises privées

En outre, le sénateur Edward John Markey et les membres de l’EFF s’inquiètent de la portée d’enregistrement des dispositifs Ring. Une publication du Consumer Reports stipule que les interphones Ring peuvent recueillir des sons jusqu’à 25 pieds, soit un peu moins de 8 mètres.

Ces capacités ont des « implications pour les personnes qui passent chaque jour à pied, à vélo ou même en voiture à côté de dizaines de ces appareils, sans savoir que leurs conversations peuvent avoir été captées et enregistrées », estiment Jason Kelley et Matthew Guariglia. Une crainte d’autant plus fondée qu’Amazon a refusé de changer le paramètre d’enregistrement automatique par défaut pour ses appareils.

Le sénateur Edward John Markey résume :

« Il est devenu de plus en plus difficile pour le public de se déplacer, de se réunir et de converser en public sans être suivi et enregistré. Nous ne pouvons pas accepter que cela soit inévitable dans notre pays. La dépendance croissante des forces de l'ordre à l'égard de la surveillance privée crée une crise de responsabilité, et je suis particulièrement préoccupé par le fait que la surveillance biométrique pourrait devenir un élément central du réseau croissant de systèmes de surveillance, dont Amazon et d'autres puissantes entreprises technologiques sont responsables. »