2020 est, à de très nombreux égards, une année particulière. Qui aurait pu imaginer un seul instant que l'on parlerait d'Apple comme étant le seul constructeur du marché des smartphones à avoir baissé ses prix ?
En réalité, la marque à la Pomme l'a déjà fait à deux reprises en l'espace de huit mois. L'iPhone 11 s'affichait 50€ moins cher que l'iPhone XR un an plus tôt. Et en lançant, hier, son nouvel iPhone SE, Apple fait la leçon à ceux que l'on appelait encore « flagship killers » il y a quelques années, et qui n'hésitent plus à gonfler leurs tarifs.
L'iPhone SE : un flagship à prix mini
Chez Apple, l'entrée de gamme n'a jamais été un prétexte pour faire des concessions sur la performance. Pour preuve, son nouvel iPhone SE profite de l'exacte même puce qui anime les iPhone 11 et iPhone 11 Pro - ses smartphones les plus puissants à ce jour. Et cela, pour très exactement 320€ moins cher.En fait, l'iPhone SE se paie même le luxe de surpasser l'iPhone XR sur de nombreux points. Un peu perdu dans la gamme du constructeur, le précédent smartphone « abordable » d'Apple fait effectivement l'impasse sur le Wi-Fi 6 et la 4G LTE Gigabit ; tous deux pris en charge par le petit nouveau.
Alors oui, on vous voit venir. L'écran ? Du LCD. L'appareil photo ? Un unique capteur 12 mégapixels. La 5G ? N'en parlons même pas. La recharge rapide ? Il faudra vous contenter de 18 W, au grand maximum. Autant de remarques qui sont tout aussi valables pour l'iPhone XR. iPhone XR qui, rappelons-le, a été le smartphone le plus expédié de 2019, malgré son ticket d'entrée à 859€.
S'imaginer qu'Apple s'apprête à faire un carton avec un smartphone techniquement supérieur pour presque moitié moins cher tient de l'euphémisme.
Quels sont les concurrents de l'iPhone SE ?
Pour bien illustrer le positionnement audacieux d'Apple avec son iPhone SE, il faut élargir la focale et observer la concurrence. Que trouve-t-on sur le marché à 489€ ?Le premier smartphone à nous venir en tête est le Google Pixel 3a, lequel sera probablement bientôt remplacé par le Pixel 4a pour un tarif similaire (399€). Un adversaire de taille qui, pourtant, boxe dans une tout autre catégorie.
Cela va de soi, le smartphone d'entrée de gamme de Google sera meilleur en photo. Il devrait aussi profiter d'un écran OLED. Soit. Mais il sera animé par un Snapdragon 730, ne proposera pas de charge sans-fil, et n'est pas certifié IP contrairement à l'iPhone SE qui coche toutes ces cases.
On peut bien sûr ruser, en allant regarder le prix des appareils d'ancienne génération. Ce faisant, on trouvera par exemple le Xiaomi Mi 9 et son Snapdragon 855, toujours affiché à 499€. Mais, comme nous venons de le dire, il date de l'an dernier. Aussi Xiaomi n'assure les mises à jour de ses produits que pendant trois ans. Apple, pendant quatre à cinq ans. En cela, l'iPhone SE apparaît un choix plus raisonné pour celles et ceux qui cherchent un appareil durable.
Il faut donc comparer ce qui est donc comparable. Avec sa puce A13, l'iPhone SE s'attaque frontalement aux smartphones équipés d'un Snapdragon 865, Exynos 990 ou Kirin 990. Et la chose est plutôt vite vue : si le Realme X50 Pro 5G devrait s'afficher à partir de 599€ en Europe avec son SD865, le Samsung Galaxy S20 commence lui les enchères à 909€. On retrouvera enfin le Kirin 990 de Huawei dans le P40, lequel s'affiche à 799€.
Il faut bien admettre qu'avec son iPhone SE, Apple se positionne de manière extrêmement agressive sur un marché qui a la fâcheuse tendance à hisser ses prix vers le haut (une discipline dans laquelle la firme de Cupertino a déjà fait ses preuves par le passé). N'en déplaise, tout semble indiquer que l'iPhone SE est probablement le smartphone au rapport qualité-prix le plus solide de cette année en cours.
Où sont les flagship killers ?
À la lumière de ces comparaisons, une question essentielle se pose. Où sont passés les OnePlus, les Xiaomi ou, dans une moindre mesure, les Honor et Poco ? Toutes ces marques qui, pendant la dernière décennie ont œuvré à rendre le smartphone plus abordable.Au vu des récentes annonces, leur stratégie va quant à elle à rebours de celle d'Apple. Cela ne veut pas dire qu'elle n'est pas louable, et encore moins maligne. Après des années à se positionner comme les trublions des prix, on peut difficilement blâmer OnePlus et Xiaomi de vouloir bomber le torse et de prouver que, eux aussi, sont en mesure de produire des flagship ultra premium.
Il y a aussi une part d'opportunisme, bien entendu. Constatant un Huawei (second plus gros vendeur de smartphones au monde, rappelons-le) empêtré dans un embargo américain l'empêchant d'utiliser Google — et, par conséquent, de trouver preneur pour ses smartphones en Europe —, ses concurrents se pressent pour occuper une place qu'ils estiment vacante.
Il n'y a qu'à comparer le tarif des derniers modèles des marques précités pour s'en convaincre. Le OnePlus 7T a été commercialisé à 599€. Annoncé il y a quelques jours, le OnePlus 8 s'affiche pour sa part à 699€. Le cap franchi par Xiaomi est encore plus important. L'an dernier, le Mi 9 avait été lancé à 499€. Son successeur, le Mi 10 s'affiche à partir de 799€.
La 5G, responsable de l'inflation des prix
À la décharge des modèles et des constructeurs précités, il faut aussi rappeler que Qualcomm a récemment revu sa politique tarifaire. En réalité, si un constructeur désire intégrer le Snapdragon 865 dans son smartphone, il est obligé d'acheter également le modem Snapdragon X55 5G et de l'intégrer à son appareil. Une charge supplémentaire pour les constructeurs, qui se répercute logiquement sur le tarif des smartphones en magasin.Une pratique qui n'est pas forcément très noble de la part de Qualcomm. Après tout, le consommateur ne devrait-il pas avoir le choix entre un modèle 4G ou 5G ? A fortiori, à l'heure où la 5G n'est pas encore disponible dans son pays ? C'est un choix qu'a fait Samsung (en Europe, du moins) avec ses Galaxy S20. En France, le flagship est disponible en version 4G ou 5G. Pour cette dernière, ajoutez 100€ à la facture.
Alors ne soyons pas trop dupes non plus. Ne chantons pas les louanges d'Apple en choisissant de ne pas prévoir une hausse substantielle des tarifs de ses futurs smartphones. N'en doutons pas une seule seconde : tous compatibles 5G, les futurs iPhone 12 et 12 Pro verront leur prix grimper en flèche.
Rappelons-nous que, en septembre 2012, l'iPhone 5 — premier iPhone compatible 4G — avait été lancé à partir de 679€, contre 399€ pour l'iPhone 4S un an plus tôt. Et à l'heure où l'essentiel des concurrents d'Apple a lancé des smartphones dépassant allègrement les 1 300€ (le Samsung Galaxy S20 Ultra, 1 349€, ou encore le futur Huawei P40 Pro+, 1 399€), il paraît peu probable qu'Apple retienne ses coups (et ses coûts) sur son prochain line-up.