Après deux ans d'enquête, la Federal Trade Commission, que l'on pourrait rapprocher d'un équivalent américain de l'autorité de la concurrence française, a finalement communiqué jeudi le bilan de ses travaux relatifs à Google. Plusieurs sujets motivaient ces investigations : en premier lieu, de nombreuses plaintes déposées par des acteurs du Web, accusant Google de favoriser les résultats émanant de ses propres services plutôt que ceux de sociétés tierces. Egalement en cause : de possibles restrictions, appliquées par Google, aux acteurs qui favorisent l'achat de publicités aussi bien sur ses propres outils que sur des plateformes concurrentes, telles que la régie publicitaire de Bing. Enfin, les inquiétudes manifestées portaient sur le rachat de Motorola, susceptible de conférer à Google une propriété intellectuelle suffisante pour compromettre la libre concurrence dans l'univers de la téléphonie mobile.
Jon Leibowitz, président de la FTC, a joué les chefs d'orchestre jeudi pour dévoiler les conclusions de cette enquête. Sur le premier point, celui de la recherche en ligne, il a statué que la FTC n'avait pas pu démontrer l'existence de pratiques anti-concurrentielles. Affirmant que ses services ont dû pour parvenir à ce verdict compulser plus de neuf millions de pages de documents, il a présenté l'avis final de la commission : pour elle, les modifications apportées par Google à son algorithme comme à la présentation des résultats pour ses pages, pouvaient légitimement être justifiées par la volonté d'améliorer le fonctionnement général du moteur, et donc sa pertinence pour l'utilisateur final.
Quoi qu'en disent Yelp (avis de consommateur, sur des restaurants par exemple) ou Expedia (voyage en ligne), Google n'aurait donc pas enfreint les principes édictés par la FTC, qui annonce porter un point final à son enquête. Ceux qui auraient souhaité que les algorithmes de recherche de Google soient passés au crible par un validateur indépendant en seront donc pour leurs frais...
Sue le second volet, touchant cette fois à la publicité en ligne, la FTC annonce que Google a signé un accord selon les termes duquel il s'engage à supprimer certaines des restrictions susceptibles de frapper les annonceurs qui cherchent à acheter de la publicité sur AdWords comme chez des régies concurrentes (pratique dite du multi-homing). Le moteur a ainsi promis qu'il modifierait ses interfaces de programmation de façon à ce que, par exemple, il soit plus simple d'exporter une campagne d'achat de mots clé vers une plateforme concurrente.
Sur le plan de la propriété intellectuelle enfin, particulièrement important depuis que Google a mis la main sur Motorola Mobility et sur son important portefeuille de brevets, la FTC annonce là encore la signature d'un accord, selon lequel Google assouplira les conditions d'accès aux brevets « essentiels » dans l'univers de l'informatique et de la téléphonie mobile. Le moteur s'engage donc à ne pas bloquer l'accès à ces technologies en passe de s'imposer comme des standards (les brevets concernés sont appelés standard-essential patents), et à se limiter à des droits de licence raisonnables en ce qui les concerne. Jon Leibowitz a prudemment admis ici que les pratiques de Google avaient pu se révéler problématiques par le passé, mais assure que cet accord conduira la firme de Moutain View à respecter les pratiques FRAND (fair, reasonable, and non-discriminatory terms) pour ces brevets critiques.
Du côté de Google, on a accueilli jeudi avec soulagement la fin de ces deux ans de procédure, qui se soldent a priori sans réelle amende ou mesure contraignante, puisque les deux parties parlent d'accords mutuellement consentis et non d'injonctions. « La conclusion est claire : les services Google sont bénéfiques au consommateur comme à la concurrence », avance même le moteur sur l'un de ses blogs officiels. Ni la FTC, ni le moteur, n'ont fait mention d'une éventuelle pression financière pour la résolution de ces litiges.
Si la situation semble également avancer en Europe, où une rencontre entre Google et la Commission européenne a été organisée courant décembre, les détracteurs risquent de continuer à se faire entendre. Dernier en date ? Un certain Microsoft, dont le conseiller juridique dénonçait mercredi les pratiques de Google, accusant par exemple le moteur de sciemment restreindre l'accès à YouTube aux utilisateurs de Windows Phone en refusant de délivrer une application dédiée.
Bien que sur des sujets si complexes, la messe ne soit jamais dite, Google a en tout cas gagné quelque répit aux Etats-Unis.