Plutôt discrète en France, la division cloud d'IBM a noué de solides partenariats dans le secteur bancaire et accueille avec humilité les technologies de demain, comme les smart cities et la 5G.
La division cloud d'IBM est relativement peu médiatisée en France - au contraire de sa division blockchain, qui a fait fureur grâce à sa purée Mousline- et cela est avant tout dû à un portefeuille de clients composé de professionnels, parmi lesquels on retrouve Boursorama et BNP Paribas. Rencontrée lors du salon Ready For IT à Monaco, Agnieszka Bruyère, vice-présidente de l'entité cloud d'IBM France, nous livre la stratégie de la société américaine dans l'hexagone, sa vision du marché, les opportunités à venir avec la 5G et la smart city, ainsi que sa réaction face à l'arrivée de Alibaba Cloud en Europe.
Interview d'Agnieszka Bruyère, vice-présidente de l'entité Cloud d'IBM France
Clubic : Que pouvez-vous nous dire sur la présence d'IBM Cloud en France ?Agnieszka Bruyère (IBM) : Cela fait déjà plusieurs années que nous avons un data center dédié au cloud en France. Ce dernier est d'ailleurs situé en région parisienne. Concernant les évolutions récentes, nous avons une stratégie basée sur la technologie de containérisation, une stratégie complètement open source, Kubernetes (un système open-source permettant d'automatiser le déploiement, la mise à l'échelle et la gestion des applications containérisées), avec une démarche fonctionnelle de micro-services. Nous transformons les applications monolithiques en petits morceaux, que l'on appelle des micro-services.
Nous avons beaucoup investi afin que notre cloud puisse avoir l'ensemble des capacités en termes de Kubernetes. Désormais, nous le mettons à disposition de nos clients dans le cloud. Nous avons beaucoup de clouds privés, ou hybrides, et aussi une partie de clouds publics.
Notre patrimoine est constitué en majorité de clients qui ont un système d'information privé. Ces clients-là, tout en adoptant un modèle privé, souhaitent profiter des technologies du cloud public. En ce sens, les technologies comme IBM Cloud Private, Multicloud Manager etc. se basent sur les technologies open source utilisées dans le cloud public pour l'utiliser dans un déploiement en mode cloud privé. Cela permet d'avoir les avantages d'un cloud public tout en gardant la maîtrise de son système d'information dans son ensemble en mode privé.
Quels sont les gros comptes français d'IBM Cloud ?
Notre dernière annonce importante fut la signature avec Boursorama, puisque nous hébergeons leur application sur notre cloud. Ce partenariat remonte à quelques années déjà, mais la société a décidé de nous renouveler sa confiance en étendant le contrat actuel à leur système d'information. Nous avons également signé avec BNP Paribas en début d'année.
« Sur la 5G, nous observons une tendance à la containérisation des applications réseau »
Quels sont les secteurs qui sollicitent le plus IBM Cloud ? Notez-vous une évolution en 2019 par rapport à il y a un, deux ou trois ans par exemple ?
Il y a d'abord le secteur bancaire, pour une bonne et simple raison, c'est que ce sont des clients traditionnels qui ont un vrai enjeu de transformation de leurs systèmes d'information. Ils utilisent notre technologie et nous leur fournissons aussi des services. Le secteur bancaire se tourne de plus en plus vers le cloud.
Le cloud a permis à IBM d'élargir sa base de clients : nous avons par exemple des courtiers en assurance, qui sont intéressés pour transférer leur application sur notre cloud afin de pouvoir se développer à l'international et profiter des nouveaux services.
Le cloud apporte cette facilité de consommation, cette flexibilité qui, finalement, peut correspondre aux besoins des entreprises, et ce quelle que soit leur taille.
Au niveau de la blockchain, vous savez que nous avons lancé notre propre chaîne de blocs de la traçabilité des produits alimentaires, et nous travaillons avec pas mal de groupes en France pour développer cette traçabilité.
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Si l'on se projette un peu dans le temps, on imagine que le cloud sera encore plus sollicité avec la 5G. Comment IBM travaille-t-elle à cette arrivée de la technologie de cinquième génération ?
À la base, nous ne sommes pas vraiment dans le monde des télécommunications. Mais ce qui est intéressant avec la 5G, c'est que nous allons être concernés via l'informatique. La tendance que nous observons, et ce sur quoi nous travaillons, pour en avoir discuté avec les acteurs de la 5G, est celle de la containérisation des applications réseau. La 5G va apporter une souplesse de déploiement ainsi que la performance nécessaire.
« Nous ne souhaitons pas disrupter les entreprises qui nous achètent nos technologies et nos services »
Comment luttez-vous contre la cybercriminalité et qu'avez-vous mis en place pour lutter contre la cybercriminalité ? La division IBM Cloud a-t-elle déjà été touchée par des cyberattaques par exemple ?
Oui, nous avons déjà été attaqués évidemment, comme tous les grands acteurs, je ne vous dévoile rien.
Du côté d'IBM, nous proposons des formations particulières obligatoires à nos salariés, depuis plusieurs années, nécessaires à la bonne appréhension des enjeux, avec des détails techniques qu'il faut rendre digestes pour celles et ceux qui ne sont pas des experts en cybersécurité.
Paradoxalement, le cloud a un certain niveau de sécurité. Mais la difficulté pour une entreprise qui gère son propre système d'information est de s'assurer que les derniers patchs soient bien implémentés. Dans le cloud, il y a une obligation absolue de maintenir à jour l'ensemble des infrastructures. L'une de nos fonctions et de nous assurer que tous les patchs soient déployés automatiquement sur nos infrastructures. Ça c'est de la sécurité pure.
Il y a ensuite un second sujet, celui des attaques plus sophistiquées. Il y a toujours le sujet du chiffrement, avec les possibilités sur notre cloud d'utiliser ses propres clés de chiffrement, ou d'utiliser notre technologie de chiffrement Hyper Protect. Celle-ci offre des services de cryptographie qui protègent vos données au moyen d'une technologie dont le niveau de sécurité est le plus élevé de l'industrie.
Nous parlions de la 5G il y a un instant. Concernant la smart city, nous avons pu voir qu'IBM Cloud a mis un pied dans le transport aérien. Que pouvez-vous nous dire là-dessus ?
Nous avons procédé à un changement majeur de notre stratégie. Pendant un moment, IBM voulait se positionner comme un acteur direct de la smart city, en travaillant avec les collectivités territoriales. Nous avons pris une décision il y a deux ou trois ans via laquelle nous nous sommes dits que la différence d'IBM par rapport à tous les autres acteurs du marché, c'était notre business model. Et notre business model : c'est servir les entreprises pour répondre aux besoins des smart cities, et ne pas se déployer directement. Nous ne souhaitons pas disrupter les entreprises qui achètent nos technologies et nos services. C'est quelque chose de fondamental, par rapport à d'autres acteurs du marché.
« Des sujets de différenciations avec Alibaba »
Le cloud est un grand consommateur d'énergie. L'écologie et l'économie d'énergie sont deux des grandes tendances du moment. Comment rassurer le grand public à ce sujet ?
Les centres informatiques cloud consomment énormément d'énergie, parce qu'il y a une concentration phénoménale de moyens IT. Aujourd'hui, nous nous assurons d'une meilleure utilisation des ressources, donc même si on dit qu'un data center cloud consomme énormément d'énergie, la somme des clouds individuels des clients serait bien plus importante. Pourquoi ? Car il n'y a pas, pour le cloud individuel, cet esprit de mutualisation qui permet une meilleure utilisation des ressources.
Avec la technologie de containérisation, nous allons encore améliorer la capacité d'utilisation des ressources, y compris l'énergie. Nous travaillons aussi beaucoup sur la conception des data centers, avec la gestion du chaud et du froid, car il n'y a pas que l'énergie électrique qui permet de parler d'économies. On essaie de s'assurer de la gestion optimale des flux de chaud et de froid, car c'est l'un des facteurs de l'empreinte carbone laissée.
Concernant l'arrivée d'Alibaba, comment l'appréhendez-vous ?
Dans notre stratégie actuelle, les clients vont faire face à un choix multiple, et nous ne pouvons pas prétendre avoir une position dominante sur le cloud. Alibaba fera son entrée sur le marché, c'est certain. Notre positionnement, c'est plutôt de dire que nous savons gérer une production informatique, nous savons agréger une multitude de clouds avec nos technologies et nos services.
Beaucoup de clients nous font confiance sur la partie traditionnelle. Il y a de nouveaux acteurs, c'est certain qu'Alibaba a une force de frappe très importante, mais je pense que nous avons des sujets de différenciations.
Il y a aussi un sujet important : notre attitude par rapport à la sécurité de la donnée, quant au fait que ces données restent la propriété des clients, que les connaissances que l'on peut en tirer restent la propriété des clients et qu'IBM n'en fait pas l'usage. Il y a tout un cadre éthique et contractuel qui, je pense, met IBM dans des positions différentes de celles d'autres acteurs sur le marché français.