Favoriser la rentabilité plutôt que les gains de parts de marché, c'est ainsi que l'opérateur Numericable-SFR explique sa perte d'un demi-million de clients de janvier à mars. Le nouvel ensemble, issu du rachat de SFR par le fonds Altice en 2014, a tenu sa première conférence de presse ce mardi, où il y a dévoilé des résultats financiers mitigés et une situation commerciale contrastant avec la reprise d'Orange sur la même période.
Alors que le numéro un du secteur a relancé la machine à recruter des clients, trois ans pile après le début de la guerre des prix déclenchée par Free, Numericable-SFR enregistre une fuite d'abonnés tant sur l'ADSL, où il perd 104 000 clients, que sur le mobile, où il déplore 576 000 résiliations, dont une large part en prépayé.
Numericable-SFR doit justifier sa fusion aux actionnaires en démontrant sa capacité à être profitable - Crédit : AFP.
À côté de cette hémorragie, le gain de 48 000 clients en très haut débit (raccordés désormais en fibre optique à terminaison coaxiale, et non plus en fibre optique jusqu'à l'abonné, faut-il le rappeler) paraît bien petit. Le satisfecit d'un Numericable raccordant toujours plus de foyers à la fibre donne l'impression de sonner faux.
Hausse de prix et recherche d'économies
La stratégie qui consiste à favoriser les marges s'est ressentie avec la refonte des forfaits Red à la fin du mois d'avril, poursuivant une politique de hausse tarifaire, justifiée ici par une amélioration plutôt anecdotique des prestations en entrée de gamme. Cela porte ses fruits. Ce trimestre, le revenu moyen mensuel par abonné mobile s'est stabilisé comparé au trimestre d'avant, à 25,5 euros, et n'a baissé que de 0,4 euro en un an.« Au premier trimestre 2015, Numericable-SFR s'est concentré sur la croissance de l'Arpu et a privilégié la valeur aux volumes pour se donner les moyens de la reconquête commerciale aux trimestres suivants », explique sans ambages le FAI, dont les revenus fixes ont parallèlement augmenté de 0,9 % à 34,3 euros.
Le dernier forfait mobile lancé par SFR-Numericable, proposant 40 Go de données Internet par mois pour 25,99 euros, est une façon plus subtile pour l'opérateur de rehausser son Arpu. Sachant bien qu'une infime partie des clients seulement atteindra ce quota (les Français utilisent 339 Mo de data par mois en moyenne selon l'Arcep...), il ne lui en coûtera pas plus cher au niveau de l'infrastructure. C'est donc « tout bénef ».
Seulement, la perte de clients est telle que cela finit par affecter le chiffre d'affaires, qui recule de 4,6 % sur la période, à 2,7 milliards d'euros. Et encore, les services aux entreprises rattrapent le coup. Sans cela, les ventes de Numericable-SFR ont perdu 6 % en un an. Pour sauver la mise, le groupe s'en remet, heureu-sement pour lui, aux synergies de la fusion. Elles contribuent à relever le bénéfice avant impôts de 21 %.
Supérieur aux attentes avec une marge de 34 % ce trimestre (+7,2 % en une année), cet EBITDA devrait se bonifier avec le temps, à mesure que Numericable et SFR continueront de développer des synergies. Le groupe relève même son objectif de marge de 40 à 45 % à moyen terme. D'ici à 2017, les économies devraient dépasser les 1,1 milliard d'euros initialement prévus. Des économies auxquelles ont déjà goûté les salariés.
La CGT dénonce la « méthode Drahi »
En marge de la présentation des résultats financiers, une grève du personnel technique de Numericable-SFR s'est tenue à Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne) à l'appel du syndicat Force ouvrière. Est dénoncée une réorganisation du travail chez SFR héritée de Numericable, entraînant la fin du travail dominical et les jours fériés, soit 300 euros de manque à gagner par mois. D'autres mesures plus radicales attendent le groupe.Selon le Canard enchaîné du 6 mai, l'opérateur va délocaliser ses centres d'appels au Maroc et à la Réunion, à Madagascar, où les salaires sont moins élevés. Ces mesures paraissent anecdotiques mais participent d'une ambiance de pression sur les coûts et l'organisation, alors qu'Altice doit rembourser les 11,6 milliards d'euros empruntés pour racheter SFR. La CGT, qui invite la presse le 13 mai, dénonce déjà « la méthode Drahi ».
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