La manœuvre revêt un enjeu stratégique. Huawei est le deuxième équipementier mondial en réseaux et télécommunications, mais il peine à percer le marché occidental, notamment en France et aux États-Unis. Pour y parvenir, la société pourrait faire son entrée en Bourse, un moyen de rendre ses décisions et ses comptes visibles de tous, de jouer la transparence et de tenter de tarir les critiques de financements occultes qui planent au-dessus de la société. Selon le Wall Street Journal, Huawei vise une cotation à Wall Street - Londres et Hong Kong ne sont pas exclus.
Pour l'heure, la décision n'a pas été officialisée. « Nous n'avons pas exclu la possibilité d'une cotation. Nous avons toujours été en contact avec les banques mais je ne crois pas qu'une décision ait été prise », a déclaré à l'agence Reuters une source proche du groupe. Selon un observateur, cela permettrait à Huawei de remporter de gros contrats sur le marché américain. Sur ce territoire, le groupe, de même que son compatriote ZTE, ont réussi à s'insérer sur le segment mobile, mais n'ont toujours pas réussi à vendre des équipements de réseaux. Le Congrès s'y oppose, soucieux de la sécurité du système.
Le cas n'est pas isolé : en Australie, le gouvernement a interdit le chinois de participer à un appel d'offres sur la construction du réseau haut débit du pays. En France, le sénateur Jean-Marie Bockel vient tout juste d'accepter de discuter avec les dirigeants de Huawei. Dans un rapport d'information sur la cyber-défense en juillet, le sénateur du Haut-Rhin préconisait d'« interdire sur le territoire national et à l'échelle européenne le déploiement et l'utilisation de routeurs ou d'autres équipements de cœur de réseaux qui présentent un risque pour la sécurité nationale, en particulier les routeurs et certains équipements d'origine chinoise ».
Visés : Huawei et ZTE. Les deux sociétés sont suspectées de proximité avec le régime chinois, lui-même soupçonné de préparer des attaques informatiques à l'encontre de l'Europe ou des États-Unis. « Le gouvernement chinois n'a pas d'influence en tant que tel au sein de Huawei, il n'y pas d'actionnariat d'État », a répondu François Quentin, président de Huawei France, à l'occasion de la remise d'un livre blanc sur la cyber-sécurité, fin septembre. La société a rappelé ses engagements sur l'absence de portes dérobées (pour recueillir des informations à l'insu de l'utilisateur) au sein de ses solutions.
Pour tenter de convaincre, Huawei met en avant ses prochains investissements en Grande-Bretagne, évalué à 2 milliards de dollars sur deux ans, et où le groupe chinois compte créer 700 emplois. Avec ou sans introduction en Bourse, la firme prévoit aussi l'« ouverture d'un second centre en Europe continentale ».
- Pour aller plus loin, lire Huawei : le telco chinois qui voulait conquérir le monde